Burundi : Trois ONGs saisissent le CNC contre la radio Rema FM
Droits de l'Homme

@rib News, 12/06/2012

MOT LIMINAIRE DE LA CONFERENCE DE PRESSE DU 12 JUIN ANIMEE PAR LES PRESIDENTS DES ORGANISATIONS : ACAT-BURUNDI, APRODH ET FORSC

Mesdames, messieurs les journalistes,

Nous vous avons conviés à cette conférence de presse pour informer l’opinion nationale et internationale que nous venons de saisir le Conseil National de la Communication pour porter plainte contre la radio Rema FM suite à la diffusion en dates du 8 et 9 juin 2012 d’un éditorial comportant des propos faux, graves, injustes et diffamatoires à l’encontre des présidents des organisations ACAT-Burundi, APRODH et FORSC tout comme il attaque toute autre personne ayant eu à dénoncer l’exécution ignoble du jeune Juvénal Havyarimana dont le corps sans vie a été découvert le 05 juin dernier après qu’il aurait été arrêté le 28 mai par des gens en uniforme de police.

Tout en restant particulièrement attachés à la liberté de la presse, nous avons décidé de porter plainte contre la radio Rema FM pour différentes raisons :

1. L’éditorial en question de la radio Rema FM contient, sans fournir aucune preuve, des accusations très graves contre Pacifique NININAHAZWE, Pierre Claver MBONIMPA et Armel NIYONGERE, respectivement Délégué Général du Forum pour le Renforcement de la Société Civile (FORSC), Président de l’Association pour la Protection des Droits Humains et des Personnes Détenues (APRODH) et Président de l’Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture (ACAT-Burundi). Il les accuse notamment :

- de vouloir le renversement des institutions légitimes, de faire partie d’un groupe d’individus qui se sont donnés la mission de détruire le Burundi avec des allures de rebelles ;

- de représenter des organisations qui s’identifient à des délinquants, des bandits et des assassins ;

- de faire partie d’agitateurs animés d’un extrémisme chronique qui ne rêvent que le retour à la guerre ;

- d’encourager et de faire la promotion des malfaiteurs.

Il est inadmissible qu’on porte contre des citoyens honnêtes des accusations aussi graves sans les étayer par des preuves irréfutables.

2. L’éditorial en question de la Radio Rema FM met en danger la vie des responsables des trois organisations FORSC, APRODH et ACAT-Burundi en les comparant aux ennemis de l’indépendance du Burundi et en appelant la population burundaise à attaquer les trois responsables « qui ne chercheraient qu’à détruire les oeuvres de la population et à saboter la fête du cinquantenaire de l’indépendance ».

3. Ledit éditorial de la Radio Rema FM s’inscrit dans une longue suite d’éditoriaux et émissions dont le but est de désinformer la population, de jeter l’opprobre sur tous ceux qui critiquent l’action du gouvernement en dénonçant les abus du pouvoir et de dénigrer leurs organisations. La continuation de tels agissements, dans l’inaction des organes de régulation de la presse, finira par menacer la démocratie et la liberté même de la presse.

4. Ledit éditorial continue son entreprise de dénaturation des organisations de la société civile en les associant à l’opposition politique et en les faisant passer pour des suppôts de puissances étrangères ennemies du Burundi. Il crée une confusion inacceptable en plaçant dans la rébellion des organisations de la société civile qui n’ont jamais contesté la légitimité du pouvoir en place. La dénonciation des abus du pouvoir et l’expression légale des demandes de la population n’a rien à avoir avec la rébellion.

5. Le même éditorial recourt à l’amalgame en accusant de trahison à la nation la réception des aides extérieures ou la publication des rapports sur le Burundi. Il ignore pourtant que le principal bénéficiaire des aides des puissances taxées d’ennemies du Burundi est de loin le gouvernement et que toutes les autres aides sont données dans le cadre de conventions internationales négociées et ratifiées par le même gouvernement. De même la publication des rapports sur le pays est une liberté reconnue aux défenseurs de droits de l’homme à travers les conventions internationales ratifiées par le Burundi et par la déclaration des Nations Unies sur les défenseurs des droits de l’homme également adoptée par le gouvernement du Burundi.

6. Nous rappelons que la Radio Rema FM a continué à diffuser son éditorial en dépit d’une interdiction formulée par le Conseil National de la Communication. Cette arrogance serait due à un traitement de faveur dont ladite radio aurait longtemps bénéficié malgré des dérapages décriés par des victimes, des partenaires du métier et des observateurs. Nous demandons au Conseil saisi de prendre le courage à deux mains pour nous faire justice.

Il importe de souligner ici que nous n’ignorons pas que l’objectif non avoué de l’éditorial de la Radio Rema FM, comme elle l’avait fait à d’autres occasions, est de nous détourner du vrai débat qui se rapporte à la problématique des exécutions extrajudiciaires. Plusieurs dizaines d’exécutions ont été rapportées l’année dernière, décriées par la communauté internationale et les organisations burundaises. Aucune lumière n’a été apportée par les autorités burundaises sur ces cas et les bourreaux continuent à bénéficier d’une totale impunité. La récente exécution de Juvénal HAVYARIMANA est une preuve que le phénomène est loin d’être terminé. Comme dans d’autres cas similaires, le gouvernement a brillé par son silence tandis que l’opinion nationale était choquée par les propos du gouverneur de Gitega soutenant que la victime n’était qu’un jeune délinquant.

Nous tenons encore une fois à exiger une enquête rapide sur l’exécution de Juvénal HAVYARIMANA et le châtiment exemplaire de ses bourreaux. Nous demandons le début des enquêtes et des rapports sur chaque cas d’exécution extrajudiciaire rapporté depuis la fin des élections de 2010, faute de quoi nous en appellerons à une mobilisation populaire contre les exécutions extrajudiciaires. A la veille de la célébration du cinquantenaire de l’indépendance du Burundi, nous demandons un signal fort des autorités burundaises pour que l’exécution de Juvénal HAVYARIMANA soit la dernière et clôture cette longue histoire sanglante et fratricide du Burundi.

Nous sommes par ailleurs préoccupés par le phénomène des enlèvements et détentions arbitraires qui s’observent ces derniers jours dans un certain nombre de provinces. Nous demandons qu’il soit également mis fin à ce phénomène et la libération des victimes avant la célébration du cinquantenaire.

De notre part, nous rassurons sur notre détermination à poursuivre notre engagement pour la cause des droits de l’homme. Aucune menace, d’où qu’elle vienne, ne viendra à bout de notre détermination.

Nous tenons enfin à réaffirmer notre attachement à la liberté de la presse tout comme aux autres droits fondamentaux de la personne. Nous craignons plutôt que les dérapages de la radio Rema FM pourraient servir de prétextes pour la restriction de cette liberté fondamentale.

En passant, nous félicitons, remercions et encourageons les journalistes et les media burundais qui continuent à se démener, dans un environnement pas toujours facile, pour fournir une information équilibrée à la population burundaise et qui ne cessent de nous appuyer dans le combat pour l’établissement d’une société véritablement démocratique respectueuse des droits de chacun.

Nous vous remercions.

Fait à Bujumbura, le 12 Juin 2012

- Le Président de l’ACAT- Burundi : Maitre Armel NIYONGERE

- Le Président de l’APRODH : Pierre Claver MBONIMPA

- Le Délégué Général de FORSC : Pacifique NININAHAZWE