Mohamed Rukara victime d'une manipulation médiatico-politique ?
Opinion

@rib News, 13/06/2012

Qui veut la peau de l’Ombudsman burundais Mohamed Rukara ?

Par Jean-Paul S. – Bruxelles 12-06-2012

Olivier Chastel, ministre belge du Budget et de la Simplification, avec Mohamed Rukara, Ombudsman du BurundiC'est sans doute le dossier le plus épineux, voire le plus explosif, que va devoir trancher l’Ombudsman burundais Mohamed Rukara : l’affaire qui le met en cause personnellement en Belgique. Tenu par son devoir de réserve, le médiateur de la République du Burundi s’est muré dans le silence, et ses détracteurs en profitent pour tirer à boulets rouges sur un homme qui a choisi de ne pas s’exprimer publiquement sur cette affaire.

Depuis quelques jours en effet, l’opinion dans l’ensemble du pays est embarrassée par une information publiée dans les colonnes d’un journal financier belge De Tijd, et reprise par les médias burundais, portant sur l’ouverture d’une enquête pour blanchiment contre le médiateur de la République du Burundi.

Selon le journal, le Parquet de Bruxelles a reçu le dossier de la Cellule de traitement des informations financières, qui a été informée par une banque. Cette banque souhaitait indiquer que Mohamed Rukara avait placé une forte somme sur un compte bancaire belge. La justice rechercherait donc l'origine de ces fonds.

Une simple enquête de routine

Bien que Mohamed Rukara ait déjà été entendu dans cette affaire qui, selon des sources à Bruxelles, n’est qu’une simple enquête de routine, certains s’en donnent déjà à cœur joie et appellent à corps et à cris à la démission immédiate de l’Ombudsman burundais. Ignorent-ils à ce point la présomption d'innocence ?

Selon les mêmes sources, Mohamed Rukara, de passage en Belgique en avril dernier, a voulu effectuer des achats d’équipements pour son école paramédicale qu’il compte ouvrir à l’occasion de la fête du cinquantenaire du Burundi en juillet prochain. Et ne pouvant assurer le paiement en espèce pour un montant dépassant les 15000 Euros, comme l’exige la loi belge, il se devait de passer par une banque.

Ce serait ainsi que l’Ombudsman burundais a déposé une somme dépassant ce montant dans une banque belge pour pouvoir effectuer le paiement de ses achats. Et comme c’est la pratique courante, la banque se devait de signaler cette transaction à la Cellule de traitement des informations financières. Mohamed Rukara a été entendu et s’en est retourné au Burundi.

La presse belge notera d’ailleurs que la diplomatie belge n'a guère apprécié l'audition de Mohamed Rukara par la police judiciaire fédérale le 25 avril dernier. Dans les milieux diplomatiques à Bruxelles on y a vu une certaine manipulation pour gâcher la visite princière belge au Burundi à l'occasion des festivités marquant le cinquantenaire de l’indépendance du Burundi.

"Fuites" mal intentionnées

L’histoire en serait restée là si certaines "fuites" mal intentionnées n’avaient été transmises à la presse qui, comme à son habitude, a sauté sur l’occasion pour se payer la tête d’une "haute personnalité". Ce fut aussi du pain béni pour des blogs de ragots qui pullulent sur le Net.

Plus grave encore, d’autres voix vont vite amplifier cette affaire en faisant de nouvelles "révélations" à la hâte, mêlant trafic de cocaïne et agression sexuelle sur mineure, sans se soucier de porter ainsi atteinte à la dignité, l’honneur et la réputation d’un homme. Du coup, l’on se demande s’il faut prendre au sérieux ces informations et l’on est en devoir de s’interroger sur ce qui se cache réellement derrière cette histoire.

Toutes ces questions illustrent le flou qu’il y a autour de cette affaire et, dans cet imbroglio, l’on déduit qu’il y aurait comme une bataille sournoise contre Mohamed Rukara.

Lorsqu’on sait que l’Ombudsman burundais venait juste d’annoncer qu’il était sous le coup de menaces de mort, de la part d’un groupe de corrompus hauts placés, l’on se demande bien qui a eu cette idée de faire publier et surtout amplifier une telle information. Qui en veut tant à Mohamed Rukara pour chercher à l’écarter de la circulation ?

Et même si quelqu’un avait des choses à reprocher à Mohamed Rukara, a-t-il besoin de dire sur lui des choses aussi graves ? Mieux, quel enjeu peut valoir une telle haine au point où on en vienne à jeter un être humain à la vindicte populaire et au lynchage médiatique ?

Popularité dérangeante

La réussite de Mohamed Rukara lui a sans aucun doute suscité des jaloux. Depuis sa propre enfance difficile à Buyenzi, un quartier déshérité de Bujumbura, Mohamed Rukara a fait du chemin et en est fier. Il a présenté le journal en swahili de la radio nationale et enseigné à l’Université du Burundi. Entrepreneur prospère, il est notamment propriétaire d’une chaîne de radio et de télévision (Salama).

A son actif, plusieurs réalisations sociales, entre autres une dizaine de centres de santé à travers le pays, une Université dans le quartier populaire de Bwiza à Bujumbura. Sa disponibilité et sa proximité avec la population lui vaut un franc succès et sa popularité grandissante semble déranger certains.

Somme toute, quelqu’un en veut à Mohamed Rukara. Mais pourquoi instrumentaliser la presse. Et ces journalistes qui se prêtent à ce genre de jeux, en mesurent-ils les conséquences ?

A première vue, cette information (?) semble participer d’une campagne de déstabilisation de Mohamed Rukara afin de le discréditer aux yeux des populations et l’exposer à la vindicte populaire

Quoi qu’il en soit, cette histoire aurait des relents politiques, surtout en ce moment où le parti au pouvoir vient d’effectuer le renouvellement de ses organes au sommet et surtout juste après que le médiateur de la République ait annoncé la guerre totale contre la corruption.

Affaire à suivre …