Une Burundaise révélation des Championnats d’Afrique d’athlétisme
Sports

RFI, 02 juillet 2012

Francine Niyonsaba, la perle burundaise du 800 mètres

Par Christophe Jousset

 Une jeune Burundaise a été la révélation des 18èmes Championnats d’Afrique d’athlétisme à Porto-Novo (Bénin) en gagnant la médaille d’or du 800 mètres. Sans expérience, Francine Niyonsaba, 19 ans, a dominé des adversaires aguerries. L’émergence d’un grand talent.

Elle ne savait rien quand elle est arrivée au Bénin. Ou si peu. Une seule fois, Francine Niyonsaba avait couru en dehors du Burundi. C’était à Kampala (Ouganda) le mois dernier. Elle y avait réussi le chrono qui la qualifiait pour les Championnats d’Afrique (2’02’’29). « C’est la première fois que je participe à une compétition avec des athlètes aussi fortes que les Kényanes et les Ethiopiennes », explique-t-elle. Impressionnée ? Sans doute. Inexpérimentée surtout.

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Au cours des séries le samedi 30 juin, elle se rabat vers la corde comme son entraîneur le lui a indiqué mais elle reste dans le couloir 2 au lieu d’emprunter le chemin le plus court au couloir 1. Le public médusé voit alors cette parfaite inconnue s’imposer (2’02’’13) bien qu’ayant parcouru plus de distance que ses adversaires. « J’ai fait une erreur », reconnaîtra-t-elle. Une erreur qui a fait sourire Eunice Sum, demi-finaliste aux derniers Championnats du monde. Le lendemain, la Kényane ne souriait plus du tout.

Car en finale Francine Niyonsaba prend de nouveau le commandement. Sans s’occuper des autres. Cette fois, elle coupe au plus court. Dans un maillot légèrement trop grand, la tête penchée vers l’arrière. A chaque foulée, sa main droite vient donner une petite claque à son épaule. A cent mètres du but, Sum attaque, Niyonsaba résiste et garde deux centièmes d’avance sur la ligne (1’59’’11).

« Je n’ai jamais vu une telle révélation ! », s’enthousiasme le journaliste français Yves Pinaud qui a couvert tous les Championnats d’Afrique depuis leur création en 1979. « Que quelqu’un qui n’était pas répertorié dans l’élite africaine se permette de dominer outrageusement des filles qui avaient déjà couru le 800 en moins de deux minutes… »

Une famille sans ressources

Pendant que la Burundaise apprend à brandir le drapeau de son pays face au public, on s’interroge en tribune. Qui est ce nouveau phénomène ? Est-elle de la trempe de la Kényane Pamela Jelimo et de la Sud-africaine Caster Semenya, révélées aux championnats d’Afrique juniors avant de devenir sur 800 mètres championne olympique à Pékin pour la première et championne du monde à Berlin pour la seconde ?

« Je ne suis pas étonné par le résultat », sourit Salvator Nizigama, l’entraîneur national de l’équipe du Burundi. « Souvent je me demande si je ne devrais pas l’entraîner avec les garçons parce qu’il y a vraiment un grand écart avec les autres filles. » Et de raconter l’histoire de la nouvelle perle : « C’est une orpheline de père. Sa maman est une cultivatrice. Elle vient d’une famille sans ressources mais elle a quand même fait l’école secondaire et c’est là qu’elle s’est intéressée à l’athlétisme. Et puis d’après ce qu’elle nous a dit, sa mère aimait aussi le sport quand elle était petite. Chez nous il n’y a pas beaucoup de familles qui acceptent que les filles fassent du sport. Voilà pourquoi certains talents sont exploités tardivement. »

Une médaille aux Jeux ?

Francine Niyonsaba sera aux Jeux olympiques le mois prochain et il faut s’attendre à la voir en tête puisque c’est sa manière de faire. Sans complexes. Jusqu’à l’arrivée ? Salvator Nizigama relativise d’abord. « Les meilleures Kényanes n’étaient pas ici au Bénin », rappelle-t-il avant d’ajouter : « Jusqu’à présent Francine ne pouvait pas s’entraîner normalement parce qu’elle va à l’école dans la province de Ruyigi dans l’est du pays. Maintenant qu’elle est en vacances, elle peut se préparer en conséquence et nous pouvons avoir une médaille. »

Une ombre passe, celle de Vénuste Niyongabo, le premier Burundais champion olympique. C’était sur 5000 mètres en 1996. Francine Niyonsaba n’en est pas là. Pour l’instant elle se contente d’être la première Burundaise médaillée d’or dans des Championnats d’Afrique d’athlétisme. Une victoire acquise ce dimanche 1er juillet, jour du 50e anniversaire de l’indépendance du pays.