Une reconnaissance royale du "Village Imuhira" au Burundi
Cooperation

La Libre Belgique, 04/07/2012

L'objectif de cette organisation est de soutenir les enfants victimes de la guerre en leur donnant une instruction et en leur apprenant un métier

Présente dans le pays à l’occasion des célébrations du cinquantième anniversaire de l’indépendance du Burundi, la délégation officielle de la Belgique – notamment composée du Prince Philippe, de la Princesse Mathilde, de Didier Reynders et Paul Magnette, a rendu visite au « Village Imuhira », sélectionné parmi les projets locaux bénéficiant d’un appui de la Coopération Belge.

L’association SEL Projets, fondatrice et co-gestionnaire du Village Imuhira, se réjouit grandement de la reconnaissance accordée par les plus hautes autorités de notre pays :

"Nous voulons témoigner notre reconnaissance à la Coopération Belge qui, par l’entremise de l’Ambassade de Belgique à Bujumbura, a accordé, pour la réalisation du volet agropastoral du Village Imuhira, un financement de 200.000€, dont une première tranche de 80.000€ a déjà été versée et investie dans le projet depuis 7 ans", déclare Pierre-Etienne Labeau (président du CA de l'asbl SEL Projets et professeur à l'ULB).

Un objectif ambitieux : S’occuper d’enfants victimes de la crise interethnique

C’est d’une initiative privée qu’est né le Village Imuhira. Quelques amis, touchés par la situation de détresse de la population burundaise. C'est en effet fin août 2005 que Luc Torrini, un jeune professeur de religion protestante de la région bruxelloise, revient en Belgique après un deuxième séjour au Burundi, petit pays dévasté par une crise interethnique de plus d’une décennie. Il contacte immédiatement quelques amis car il souhaite s’occuper d’enfants victimes de cette crise. Mais ils devront aller à l’école. Et il faudra les soigner. Les nourrir. Leur apprendre un métier… Le projet sera un village, le Village Imuhira – à la maison, chez soi en kirundi.

Une solidarité contagieuse s’est focalisée autour de ce projet

De nombreuses initiatives citoyennes de récolte de fonds, de matériel… ont permis d’aider la population locale à croire à nouveau en un avenir digne. « Votre soutien nous a permis d’envoyer au Burundi plus d’un demi-million d’euros (sans compter les dons collectés par l’association suisse partenaire Au Village Imuhira) depuis 7 ans. Cet argent a permis de financer toutes les constructions et le fonctionnement du Village jusqu’à aujourd’hui. Il nous a donné la crédibilité nécessaire pour recevoir cet appui supplémentaire de la Coopération sur un volet spécifique du projet. En regardant le chemin parcouru et les miracles qui se sont succédés sur le chemin, nous sommes confiants qu’avec votre aide, nous pourrons mener dans les prochaines années le Village Imuhira à un stade d’autonomie, afin qu’il puisse être toujours plus vecteur de réel développement au sein de cette population », conclut Pierre-Etienne Labeau.

Aujourd’hui, le Village Imuhira accueille plus de 550 enfants dans l’école, qui dispense un enseignement de qualité dans des classes de taille raisonnable. Une antenne psycho-médico-sociale y a été créée pour suivre les enfants et évaluer leurs besoins. Une cantine scolaire tourne depuis 3 ans en parallèle avec un programme éducatif agricole. Une formation technique en menuiserie, couplée à un atelier de production unique au Burundi a été créée.

De nombreuses cultures se développent sur le site et sur les terrains supplémentaires qui ont été attribués au Village. Un terrain de sport est aménagé. Un poulailler et un rucher ont été installés. Un système d’adduction d’eau et deux citernes sont à la disposition de l’école et de la population environnante…

Et enfin, plus de 1300 adultes ont été alphabétisés depuis 4 ans.

FVTO

Toutes les infos sur le village Imuhira


La Libre Belgique, 02/07/2012

Le Burundi fête le cinquantenaire de son indépendance

Marie-France Cros

Toutes les infos sur le village ImuhiraLe Burundi fête le cinquantenaire de sa sanglante indépendance. Le prince Philippe représente la Belgique aux cérémonies ce lundi.

C’est en présence du prince Philippe de Belgique que le Burundi fête le cinquantenaire de son indépendance, le 1er juillet 1962. Si celle-ci s’ouvrit sur moins de violences qu’au Congo voisin, elle n’en fut pourtant pas moins sanglante.

Quand se dessine la fin de la colonisation, le prince Louis Rwagasore, fils du roi Mwambutsa, crée en 1957-58 le parti Uprona (Union et Progrès national), favorable à l’indépendance immédiate, à la création de coopératives pour lutter contre la puissance des commerçants grecs et indiens et doté de préoccupations sociales.

Du coup, son rival Pierre Baranyanka crée - sans y entrer - le Parti démocrate-chrétien (PDC), qui a la faveur du colonisateur parce qu’il dit "non à l’indépendance immédiate" d’un Burundi "pas encore prêt". Le PDC et une série de particules forment le Front commun, appuyé par Bruxelles, qui gagne, de façon jugée sujette à caution, les premières élections au suffrage universel secret, en 1956. Celles de 1961, cependant, sont remportées par l’Uprona: l’impatience d’être indépendant et le charisme du Prince ont provoqué un raz-de-marée en sa faveur.

Un mois plus tard, Rwagasore est tué par un Grec agissant pour l’opposition, semble-t-il jusqu’aujourd’hui. L’assassin est condamné et exécuté précipitamment à la veille de l’indépendance. Un second Grec et quatre dirigeants du PDC seront pendus le 15 janvier 1963. Beaucoup de Burundais soupçonnent une main belge dans le crime et la reine-mère fera sensation en giflant publiquement le gouverneur, Jean-Paul Harroy, venu présenter ses condoléances à la Clinique Rodin (actuelle Clinique Prince Louis Rwagasore) où le corps du Prince reposait avant les obsèques. C’est dans cette atmosphère tendue qu’est prononcée l’indépendance, dont les suites ont été fertiles en violences, tout comme au Rwanda.

Ce dernier pays a à peine marqué le cinquantenaire de son indépendance - et n’y a pas invité la Belgique - survenue elle aussi le 1er juillet 1962: elle est jugée de façade, la Belgique ayant été étroitement liée aux régimes ethnistes hutus qui s’y sont succédé jusqu’au génocide des Tutsis - et des Hutus qui refusaient d’y prendre part - en 1994. Kigali préfère, en effet, célébrer la fin de ce dernier.

Soucieuse de son image, la Belgique a peu de réussites coloniales à son actif. C’est ce qui explique que, malgré la dérive du régime Nkurunziza, elle continue à l’aider : le ministre de la Coopération Paul Magnette (PS) a ainsi décidé de libérer une tranche "incitative" complémentaire de 50 millions d’euros, il y a une semaine, après avoir jugé suffisantes les réalisations du régime.

Il était aussi prévu que le prince Philippe décore une série de personnalités locales - ce que Bujumbura a décliné.

La gaffe diplomatique...

On s’interroge en outre, au Burundi, sur l’incompréhensible maladresse de l’ambassade de Belgique, qui a prévu la réception officielle pour Philippe et Mathilde à... l’hôtel Tanganyika - lieu de l’assassinat du prince Rwagasore !

Bruxelles a voulu voir le verre à moitié plein. Car si Pierre Nkurunziza, ex-chef d’une guérilla hutue, a été brillamment élu à la présidence en 2005, les élections de 2010 ont été marquées par le boycott de l’opposition qui dénonçait des préparatifs de fraude. Ce rejet est suivi, depuis lors, d’une répression très violente, qui a poussé à l’exil des dirigeants politiques, entraîné le retour au maquis d’une ex-guérilla hutue et ravivé les craintes d’une guerre civile. Les partis sont empêchés de fonctionner; ceux qui dénoncent la corruption du régime sont persécutés et les assassinats politiques se comptent par dizaines.

Alors que le colonisateur allemand réclame un prince à la famille royale, en gage, celle-ci lui envoie un parent non susceptible de régner, afin de sauvegarder l’ordre traditionnel, le jeune Pierre Baranyanka. Ce dernier, éduqué à l’européenne, dirigera la région de Kunkiko Mugamba sous la tutelle belge. Il sera aussi le premier Burundais à cultiver le café, dans lequel il fera fortune au point d’être plus riche que le Roi - une anomalie dans la société traditionnelle.