L'Afrique du Sud pleure les mineurs de Marikana
Afrique

@rib News, 24/08/2012 – Source Reuters

L'Afrique du Sud a rendu hommage jeudi sur le site de la mine de Marikana aux 34 grévistes tués le 16 août par la police lors d'une fusillade qui a ravivé le souvenir des pires heures de l'apartheid.

Un demi-millier de personnes se sont pressées sous un chapiteau planté sur le carreau de la mine de platine, à proximité de ce qui a été surnommé la "colline de l'horreur", où la police a abattu 34 grévistes dans l'incident de sécurité le plus meurtrier depuis la fin de l'apartheid.

La foule se déversait dans les champs arides et poussiéreux des alentours pour écouter des cantiques et des prières. Des femmes enveloppées dans des couvertures pour cause d'hiver austral étaient en larmes et les parents des défunts ont déposé des fleurs sur l'estrade.

D'autres cérémonies de commémoration ont eu lieu à travers le pays, notamment dans le centre-ville de Johannesburg, la capitale économique.

« On a assassiné des gens, des enfants qui n'ont rien fait de mal, ils ne devaient pas mourir de cette façon », s'est lamenté Baba Goloza, dont les deux fils ont été tués. Cet homme accuse l'exploitant du site, la société Lonmin, cotée à Londres, de ne pas avoir pris soin de son personnel de la mine de Marikana, située à une centaine de Km au Nord-ouest de Johannesburg.

Les mineurs grévistes de Marikana, qui réclament des hausses de salaire, appartiennent à l'Association du syndicat des mineurs et des ouvriers du bâtiment (AMCU), rivale du Syndicat national des mineurs (NUM), qui est lui très proche du Congrès national africain (ANC) au pouvoir.

Des membres des deux organisations et leurs familles, de même que des responsables de l'ANC, ont assisté à la cérémonie qui a duré près de cinq heures, ponctuée de chansons émouvantes et de prières dédiées aux morts.

Après la cérémonie, quelque 2.000 adhérents de l'AMCU vêtus de t-shirts arborant des slogans ont grimpé sur la colline où beaucoup des leurs ont trouvé la mort il y a une semaine sous les balles de la police. Ils ont entonné des chants syndicaux et exprimé en chanson leur demande d'augmentation des salaires tandis qu'un hélicoptère de la police tournoyait dans le ciel.

COLÈRE APRÈS LES VISITES DE MINISTRES

Les violences qui ont éclaté entre organisations syndicales rivales ont révélé l'ampleur meurtrière de la colère des travailleurs confrontés à des bas salaires et à ce qui est considéré comme du favoritisme politique dans l'économie la plus prospère du continent africain.

Les heurts entre les deux syndicats, qui ont éclaté il y a une semaine à Marikana, avaient déjà fait dix morts, dont deux policiers et un représentant syndical, avant la tuerie du 16 août.

Ces incidents ont mis en lumière l'incapacité de l'ANC à réduire les inégalités de revenus qui restent parmi les importantes au monde alors que plusieurs de ses membres sont accusés d'utiliser leurs relations politiques pour s'enrichir.

Le président Jacob Zuma a mis en place une commission chargée d'enquêter sur les violences mais il reste vivement critiqué par ses rivaux politiques, qui accusent son gouvernement d'un manque de surveillance policière et d'être plus attaché aux intérêts des entreprises qu'aux droits des travailleurs.

Plusieurs mineurs ont fait part de leur colère après la visite de ministres en début de semaine à bord de limousines. "Ils viennent ici dans de grosses voitures de luxe et avec des gardes du corps. Ils ne savent rien de ce que c'est qu'être pauvre", lance un mineur à ses collègues tandis qu'ils écoutent les discours.

Des responsables de l'industrie craignent que le mouvement de contestation qui a éclaté à Marikana gagne d'autres mines du pays, dont la production minière représente environ 6% du PIB.

Anglo American Platinum, premier producteur mondial de platine, a annoncé mercredi que ses mineurs demandaient des hausses de salaires tandis que le numéro deux du secteur, Impala Platinum, a également averti jeudi que les actions syndicales dans les mines de platine d'Afrique du Sud pourraient s'étendre.