Burundi : un projet de loi liberticide sur la presse
Droits de l'Homme

@rib News, 29/08/2012 – Source AFP

Les journalistes burundais ont dénoncé mercredi un projet de loi sur la presse selon eux liberticide et scélérat, car il forcerait notamment les médias à divulguer leurs sources.

C'est une loi liberticide, qui vise clairement à tuer la presse car si elle est votée par l'Assemblée nationale en l'état, elle va obliger le journaliste à révéler ses sources, a déclaré Vincent Nkeshimana, président de l'Association burundaise des radiodiffuseurs, qui regroupe les stations privées du Burundi.

Selon lui, le texte, qui a été soumis à une commission parlementaire mais dont la date d'examen par l'Assemblée n'a pas encore été fixée, donne au Conseil national de la Communication des pouvoirs exorbitants, prévoit de lourdes amendes.

Pour protester contre le projet, six stations privées, ainsi que deux radios publiques, dont la radio nationale RTNB qui s'aligne d'habitude sur les positions du gouvernement, ont mis en commun leur signal, pour produire les mêmes journaux et débats, par les mêmes journalistes.

Dans un éditorial commun, elles ont qualifié de scélérat ce projet de loi qui vise à tuer la liberté de la presse.

Nous voulons protester contre ce projet de loi concocté dans le plus grand secret et demander à l'Assemblée de ne pas le voter, car il va tuer la démocratie burundaise, a insisté M. Nkeshimana.

La société civile burundaise, les principales Eglises, l'opposition politique et même des partis membres de la coalition gouvernementale à l'exception du principal parti au pouvoir, le CNDD-FDD, ont dénoncé ce projet de loi.

Le porte-parole du gouvernement, Philippe Nzobonariba, a expliqué que le projet de loi visait à dépénaliser les délits de presse -- ce que ses détracteurs contestent aussi.

Mais il a fallu tenir compte du fait que dans cette région (des Grands Lacs), la dérive d'une certaine presse a conduit à l'irréparable, a-t-il ajouté, faisant allusion au rôle des médias de la haine dans le génocide des Tutsis en 1994 au Rwanda.

Lors de la préparation du projet de loi, le gouvernement burundais a systématiquement refusé de discuter avec les organisations professionnelles des journalistes. Il a finalement envoyé le texte en toute discrétion à l'Assemblée nationale il y a quelques semaines.

Les relations entre le pouvoir, aux mains d'un parti issu d'une ex-rébellion, et les stations privées du Burundi, qui dénoncent régulièrement affaires de corruption, violations des droits de l'Homme, exécutions extrajudiciaires dans le pays, sont très tendues depuis des années.

Plusieurs journalistes ont déjà été incarcérés, d'autres menacés.

Hassan Ruvakuki, correspondant de RFI en swahili, a été condamné récemment à la prison à perpétuité pour actes de terrorisme, pour s'être rendu dans le cadre de son travail en 2011 dans un camp de rebelles burundais en Tanzanie. Son procès en appel est prévu le 28 septembre.