Dlamini-Zuma investie présidente de la commission de l'UA
Afrique

@rib news, 15/10/2012 – Source AFP

 La Sud-Africaine Nkosazana Dlamini-Zuma a été officiellement investie lundi présidente de la Commission de l'Union africaine (UA), devenant la première femme à occuper ce poste-clé de l'organisation panafricaine.

Réputée femme à poigne, aux convictions panafricaines forgées par des années de militantisme contre l'apartheid, Mme Dlamini-Zuma, âgée de 63 ans, a promis de s'attaquer à la crise au Mali, dont le Nord est occupé depuis six mois par des groupes islamistes armés, ainsi qu'aux violences dans l'Est de la République démocratique du Congo (RDC).

« Nous ne ménagerons aucun effort pour essayer de résoudre les conflits au Mali et dans la région du Sahel, une crise qui peut s'étendre à la région et au continent », a-t-elle déclaré, promettant aussi d'œuvrer à « ramener la paix et la stabilité en RDC et dans la région des Grands Lacs dans son ensemble ».

L'Est de la RDC est ravagé par une nouvelle vague de violences, depuis qu'a éclaté au printemps une mutinerie d'ex-rebelles qui avaient été intégrés à l'armée congolaise.

La nouvelle responsable de la Commission de l'UA a aussi promis d'accompagner la transition politique en Somalie : le pays, en état de guerre civile depuis plus de 20 ans, vient de se doter de nouveaux président et Premier ministre à l'issue d'un processus décrit comme historique par la communauté internationale.

Le poids diplomatique de Pretoria

Mme Dlamini-Zuma a été, comme le reste de la nouvelle Commission, élue en juillet lors d'un sommet de l'UA.

Ministre de l'Intérieur d'Afrique du Sud depuis 2009 après avoir occupé dix ans le portefeuille des Affaires étrangères, l'ex-femme du président sud-africain Jacob Zuma avait alors battu le sortant, le Gabonais Jean Ping, après six mois d'une bataille diplomatique qui avait opposé Afrique francophone et Afrique anglophone.

Son arrivée à ce poste stratégique renforce le poids diplomatique de Pretoria sur le continent africain. Depuis la création de l'UA en 2002, jamais l'Afrique du Sud n'avait encore occupé la présidence de la Commission.

Mais un double défi attend Mme Dlamini-Zuma : la nouvelle responsable devra non seulement gérer les nombreuses crises du continent, mais aussi recoller les morceaux d'une organisation fragilisée par des luttes internes.

Lors de son investiture, Mme Dlamini-Zuma a appelé les 54 Etats membres de l'Union africaine à l'unité pour faire avancer le continent.

Elle-même a promis, au-delà des conflits armés, de se consacrer au développement de l'économie, mais aussi des systèmes d'éducation et de santé de l'Afrique, ou encore de combattre les inégalités entre hommes et femmes.

Le président de l'UA, le Béninois Yayi Boni, a souhaité un « plein succès » à Mme Dlamini-Zuma et à l'ensemble de la nouvelle Commission, l'organe exécutif de l'UA dont le siège est basé dans la capitale éthiopienne Addis Abeba.

La cérémonie d'investiture s'est déroulée en présence du président sortant Jean Ping et du nouveau Premier ministre éthiopien, Hailemariam Desalegn, qui a succédé en septembre au défunt Meles Zenawi.

« Aujourd'hui, je cède la place à une grande dame du continent, une consœur éminente que les hautes fonctions qu'elle a occupées et le parcours impressionnant dont elle peut se prévaloir ont tout naturellement préparée a cette lourde mais ô combien motivante charge », a déclaré M. Ping.

« La tâche à venir s'annonce ardue et le chemin risque d'être parsemé d'épreuves (...) mais je suis confiant dans sa capacité à les gérer », a de son côté estimé M. Hailemariam, qui s'exprimait pour la première fois devant l'UA.

La Commission de l'UA est élue pour une durée de quatre ans. Son ou sa présidente peuvent exercer jusqu'à deux mandats.

Une "Dame de fer" sud-africaine pour diriger l'UA

Présidente de la Commission de l'Union africaine (UA) à partir de lundi, la Sud-Africaine Nkosazana Dlamini-Zuma est une diplomate d'expérience, réputée femme à poigne, et aux convictions panafricaines forgées par des années de militantisme contre l'apartheid.

A 63 ans, l'ex-épouse de l'actuel chef de l'Etat Jacob Zuma est considérée comme la femme la plus solide voire la plus influente de sa génération en Afrique du Sud, après notamment dix ans aux Affaires étrangères de 1999 à 2009.

Son style est aux antipodes de son prédécesseur à la Commission de l'UA, le Gabonais Jean Ping, tout en rondeurs et rompu aux négociations feutrées, et dont Mme Dlamini-Zuma est parvenue à ravir le fauteuil au terme d'une âpre bataille.

L'UA a dû refaire deux fois le vote à six mois d'intervalles pour les départager, Mme Dlamini-Zuma ne parvenant à s'imposer qu'en juillet.

Ses adversaires retiennent qu'elle a été l'artisan de la « diplomatie tranquille » envers le grand voisin de l'Afrique du Sud, le Zimbabwe.

Contre vents et marées, elle a maintenu cette politique de bon voisinage avec Harare malgré la crise politique ouverte en 2000 par les menées du président Robert Mugabe pour évincer les grands propriétaires agricoles blancs.

L'Occident, à l'époque, avait critiqué cette position.

Elle fut aussi un acteur clé des accords de paix en République démocratique du Congo (RDC), signés près de Pretoria en 2003 pour mettre fin à la guerre civile. Depuis la fin de l'apartheid en 1994, Mme Dlamini-Zuma a été ministre sans discontinuer.

En septembre, elle a quitté le ministre de l'Intérieur où sa rigueur lui a permis de remettre de l'ordre dans une maison qui était notoirement mal gérée. Au sein de l'Union africaine, elle a promis « d'essayer de rendre l'administration plus efficace » et écarté les craintes d'une mainmise sud-africaine sur l'organisation.

« L'Afrique du Sud ne va pas déménager à Addis pour venir diriger l'Union africaine, ce sera Nkosazana Dlamini-Zuma, si je gagne, qui viendra ici, pas l'Afrique du Sud », avait-elle déclaré peu avant son élection.

Ancienne militante de la lutte anti-apartheid, pédiatre de formation, elle est réputée austère et capable de s'entourer d'administrateurs de qualité.

Pour Keith Gottschalk, de l'Université du Cap Occidental, « son approche pragmatique fait d'elle un personnage politique de haut calibre ».

« Elle écoute, prend le temps d'analyser, donne l'impression de ne pas être facile d'accès, ne va pas au devant des micros mais parle quand un acte est posé », observe aussi un diplomate d'Afrique francophone.

« Elle réussirait peut-être encore mieux si elle était un peu plus affable, mais ce n'est pas sa personnalité », tempère pour sa part l'analyste Prince Mashele, qui avait travaillé avec elle lorsqu'elle était aux Affaires étrangères.

« Mais elle prend son travail très au sérieux. Elle a la qualité rare de savoir nommer de très bons administrateurs ».

Née le 27 janvier 1949, elle était étudiante quand elle s'est lancée dans la politique en rejoignant l'ANC, fer de lance de la lutte anti-apartheid.

Dans le collimateur de la police du régime, à une époque où les militants de l'ANC risquaient leur vie, elle a rapidement choisi l'exil pour poursuivre ses études dans les universités britanniques de Bristol et de Liverpool. De là, elle a contribué à organiser la lutte de l'ANC depuis l'étranger.

Gravissant les échelons au sein du parti, elle a partagé son temps entre Londres et l'Afrique australe. Devenue pédiatre, c'est au Swaziland qu'elle a rencontré Jacob Zuma. Elle l'a épousé en 1982, devenant la troisième épouse du futur président, polygame. Ils ont divorcé en 1998.

Elle n'a regagné l'Afrique du Sud qu'en 1990, lorsque l'ANC a été de nouveau légalisé. En 1994, Nelson Mandela, à son arrivée au pouvoir, lui confia le portefeuille de la Santé, avec l'énorme tâche de refonder le système de santé publique, qui fonctionnait sur le principe de la ségrégation raciale.