Le Burundi déjà entraîné dans le tourbillon de la RDC !
Analyses

@rib News, 20/10/2012

Guerre du KIVU : Le cyclone de l’Est de la RDC ne peut laisser  le Burundi intact.

 Par Salvator Sunzu, Journaliste

Le bruit de bottes est chaque jour plus assourdissant à partir du Nord Kivu en RDC voisine. Le Nord et le Sud du Kivu sont des régions qui sont toutes proches, au propre comme au figuré. Le nord du Kivu est en plein ouragan. Rappelons-nous. Lors de l’attaque du Rwanda en 1991 contre le régime de Habyarimana, un citoyen burundais demanda à son concitoyen si son cœur n’a pas sursauté à l’annonce de l’attaque. La réponse fut non. La réplique fut cinglante : "c’est que tu n’en a pas". Et c’est tout dire : on ne peut raisonnablement rester indifférent aux guerres déchirants nos voisins.

Ceci reste vrai pour ce qui est du Nord du Kivu, quoique géographiquement un peu lointain. Non pas seulement pour des raisons de proximité, mais pour des questions d’enjeux. Ressources du sous-sol ? Problèmes  de terre ? Base d’un supposé empire ? Ou les trois à la fois ? La dernière hypothèse est fort plausible. Les conséquences de cette guerre sur le Burundi de la crise du Nord du Kivu ne sont pas seulement prévisibles. Elles sont déjà là. La vigilance est donc de mise.

Les  Congolais Barundi subitement  indésirables en RDC

Il ne s’agit pas ici de congolais burundais, comme certains média le disent. Il est plus exact de parler de Congolais d’ethnie Barundi (!) (pour les distinguer des Barundi du Burundi), ou de Congolais tout court. La conférence de Berlin aura décidé de leur sort. Ils se sont  en effet retrouvés de l’autre côté de la frontière rendue de ce fait intangible par l’héritage de la colonisation. Les historiens en diraient plus. Dans tous les cas, si une portion de terre burundaise s’est retrouvée au Congo avec les habitants qui la peuplaient, le retour de ces derniers  devrait s’accompagner de celui de cette terre là. L’hypothèse que des Burundais se soient retrouvés en RDC est peu plausible, aucun incident de l’histoire n’expliquant que, du jour au lendemain, des Burundais sont allés occuper systématiquement les terres congolaises. C’étaient des terres burundaises de l’époque, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui, comme le sont aujourd’hui ces laisser-pour-compte congolais. Mais ce n’est pas ce débat qui nous intéresse. Il y a de mieux qualifiés que nous.

Intéressant pas contre est la manière dont nos deux pays gèrent la question. Silence presque radio des deux côtés de la frontière, de même que dans les capitales situées à plus de deux milles kilomètre de distance. Ce silence est, à certains points, comparable à celui récent de Kagame et Kabila sur le conflit au Nord du Kivu  en session plénière au siège des Nations Unies, terrain pourtant idéal pour dénoncer et éventuellement amorcer un règlement d’un conflit de ce type. Kinshassa et Bujumbura restent aussi très discrets sur un problème qui en tout cas est révélateur d’un malaise dans la Région des Grands Lacs. Les peurs commencent à tétaniser les tribus, et le signal est sans doute venu du Nord du Kivu où une guerre de sécession ne cache plus son nom. Autrement dit, l’effet de contagion est là, même si dans cette région du Sud, il ne s’agirait que d’une confrontation entre les Barundi les Bafulero, deux tribus qui cohabitent paisiblement depuis la nuit des temps.  Cette résurgence d’un ethnisme haineux, est pour le moins troublante. Curieusement, elle est concomitante aux troubles tout aussi ethniques aux Nord du Kivu.

Face à un tel effet de contagion, et peut-être  face à un déclenchement d’une opération stratégique de guerre, la vigilance est de mise de la part de Bujumbura. L’équation de l’Est du Congo nous concerne directement. De la manière dont elle sera résolue dépendra l’avenir des peuples de la sous région, le notre compris. Il peut donc ne pas s’agir d’un simple soubresaut, d’un  simple saut d’humeur ethnique. C’est peut-être toute la région qui est dans l’œil d’un cyclone que l’on voit venir. La bonne stratégie n’est donc pas de l’éviter, mais de s’y préparer, d’en parler, de réagir et d’agir. Le silence, l’inaction ou une diplomatie trompe-œil  règlent rarement un problème.

Les Banyamulenge s’intègrent silencieusement à Bwagiriza.

Bujumbura s’est empressé d’accueillir ces Congolais et de les évacuer vers Ruyigi et Cankuzo, après avoir séparé les vrais des faux Congolais. Comme d’ailleurs il a gracieusement offert un refuge que certains burundais qualifient de doré aux Banyamulenge qui, chassés successivement de Gatumba et de Mwaro, ont été installés par le HCR dans le terroir discret de Bwagiriza en province de Ruyigi. A un problème d’apparence local, on a donné une réponse internationale très rapide : Celle d’envoyer ces Barundi et ces Banyamulenge très loin de la frontière burundo-congolaise. Qu’est ce qui explique que le Burundi accueille des citoyens congolais, alors qu’il n’y a pas de guerre au Sud du Kivu ? Et pourquoi se dirigent-ils au Burundi, évitant soigneusement le Rwanda ? Les quelques tensions ethniques que l’on observe dans cette région expliquent difficilement la formation de camps de longue durée, et à plusieurs kilomètre de la frontière. Ces réfugiés arrivent chaque jour. Même un autre camp vient d’être ouvert en province de Cankuzo. Son projet de construction a été validé avant même que les congolais Barundi ne soient chassés.

Le refoulement des Congolais que l’on dit de l’ethnie des Barundi sans que personne ne s’offusque, l’exfiltration discrète, mais combien active des Banyamulenge de la région du Sud Kivu vers le Burundi, leur installation très loin de la frontière, la présence annoncée, et prouvée d’éléments burundais dans les rangs du M23, la présence de la plus importante mission onusienne de maintien de la paix au Kivu, dont l’importance numérique est inversement proportionnelle à son efficacité (rappelez-vous de la MINUAR), le lynchage verbal du président congolais (l’agressé) par son homologue français à la veille du grand mess de la francophonie (Kabila aurait pu bénéficier de cette pudeur qui interdit l’étalage des défauts d’un défunt -comme de l’agressé- lors de l’oraison funèbre), la condamnation du bout des lèvres de ceux qui sont pointés du doigt comme "agresseurs" de la RDC, et dont un vient de se voir gratifié d’un siège non permanent au Conseil de sécurité, l’engluement du Burundi dans luttes intestines très meurtrières couplé de débordements et maladresses politiques, ce sont là certains des éléments qui ne poussent guère à l’optimisme. Des rumeurs parlent même de la présence au Burundi de la cinquième colonne du M23.

Le fameux plan, dénoncé d’une manière répétée et presque paranoïaque peut bel et bien exister, même irréalisable apparaitrait-il. Qui savait que Kadhafi pouvait être déboulonné en si peu de temps ? Il n’est pas normal en tout cas que ces "Barundi" et Banyamulenge congolais se voient envoyés sine die à Bwagiriza, comme si on les forçait à dire au revoir à leur terre natale. Au cas contraire, que prévoit-on pour eux après leur installation très à l’intérieur des terres burundaises ? De plus, il semble que certains de ces réfugiés s’identifient ethniquement ou claniquement à certaines ethnies ou clans burundais. Peu de chercheurs  ont tenté de faire une analyse de l’impact politique des mouvements des populations dans la région des Grands Lacs. Quel fut par exemple l’impact du séjour des rwandais au Burundi sur le cours des évènements sociopolitique au Burundi ? Et quelle serait ou sera celle des Banyamulenge?

Qui veut la paix s’y prépare …

Quelque chose se trame dans la sous-région. Le drame qu’a vécu le Rwanda dès 1991 et culminant en 1994, peut servir de référence dans les analyses. Les Burundais devraient  régulièrement se rappeler du contexte de démocratisation de l’époque, un processus survenu au Rwanda sur fond de déchirements sociopolitiques. Les élections nous préoccupent tous. Elles sont malheureusement porteuses d’incertitudes, dont pourraient profiter précisément certains acteurs de l’ombre. Il serait en tout cas dommage que demain, l’on se retrouve dans une situation de type rwandais, après tant d’années de lutte et de sacrifices pour aboutir à cette paix, même relative soit-elle. Bien des similitudes contextuelles et politiques du Rwanda de 1991 et du Burundi d’aujourd’hui existent bel et bien. Avoir une victoire est une chose, la préserver pour mieux la conserver en est une autre. Et cette victoire là doit être pour tout le peuple burundais. Ses fruits aussi.

Si demain, le pays se retrouvait mêlé au tourbillon de la RDC, c’est tout le peuple burundais qui devrait se lever. Il faut éviter que demain, une partie de ce même peuple, par opportunisme, par conviction, par désespoir, ou par ignorance tout simplement se range de l’autre de la ligne rouge. Et ce n’est pas la guerre en RDC qui doit nous le rappeler. Les politologues ou ceux qui ont fait les sciences de la guerre le savent : un pays est pratiquement en état de guerre permanent. Raison pour laquelle les armées sont constamment entretenues, même pendant des décennies de paix relative.  Il est donc essentiel de les garder en ordre et sous-ordre, quand bien même elles apparaîtraient en ordre dispersé. Qui veut la paix prépare la guerre. Tout comme qui veut la paix se prépare à la paix. La paix ne signifie point absence de guerre. Dormir sur ses lauriers est la pire des choses, car sans être un prophète de malheur…..le pire est peut être à venir. Et Dieu merci si les inquiétudes ici exprimées étaient sans fondement. Il serait en tout cas surprenant que les bruits de bottes au nord du Kivu et dans toute la région Est de la RDC laisse le Burundi intact.