Burundi : situation de calvaire pour un pays en agonie
Analyses

@rib News, 07/11/2012

BURUNDI : Le difficile chemin vers la paix et la démocratie

Par Joseph Ntamahungiro *

 Conférence donnée le 3 novembre 2012 dans la Salle Pax, Rue du Patronage, 27 à 7850 Enghien lors de la soirée de gala pour la Paix dans la Région des Grands Lacs Africains organisée par le Réseau international des Femmes pour la Démocratie et la Paix (RIFDP).

Pour commencer, j’adresse un grand remerciement aux membres du RiFDP qui m’ont fait l’amitié de m’inviter à venir vous présenter en quelques flashes la situation du Burundi aujourd’hui. Pour coller à l’actualité, j’ai axé mes recherches sur les faits récents portant sur la période de 2010 à aujourd’hui. J’ai du aussi procéder à un tri très sévère des éléments à présenter car il y aurait tellement à dire que même une journée ne suffirait pas pour décrire toute la situation. Et comme la conférence est organisée par un réseau de femmes, c’était plus qu’un devoir pour moi d’évoquer la situation de la femme burundaise.

Et pour entrer dans le vif du sujet, commençons par essayer de répondre à la première question «Le Burundi est-il pacifié ?»

Le Burundi est-il pacifié ?

Criminalité au quotidien et impunité

Sous le titre « Criminalité au quotidien et impunité», le Réseau Européen pour l’Afrique Centrale (EurAc) écrit dans son bulletin Echos des Grands Lacs N° 71 de décembre 2010 ce qui suit :

« Selon les associations de défense des Droits de l’Homme et des médias indépendants, il ne se passe aucun jour au Burundi sans qu’il y ait des personnes assassinées, violées, arrêtées et emprisonnées arbitrairement, et ce dans la plus grande impunité.  Pour les seuls 47 jours de la fin de cette année 2010 (du 17 octobre au 3 décembre), on compte ainsi 23 morts, 3 personnes blessées, 3 femmes violées (1 fillette de 16 ans violée par un chef de secteur, 1 élève de la 6ème primaire violée par son enseignant, une vielle dame de 94 ans violée par un jeune homme) et 18 personnes arrêtées et emprisonnées arbitrairement.  Ces crimes sont attribués par le parti au pouvoir à des «bandits», mais les sources les plus fiables mettent souvent en accusation les agents du Service de Renseignement présidentiel et des policiers. Les victimes sont généralement des membres des partis d’opposition et spécialement du Front National de Libération (FNL) de Agathon Rwasa. Tout en minimisant la responsabilité des agents de la documentation et des «forces de l’ordre», le ministre de la Sécurité publique a indirectement reconnu les dérives de ses agents.  Il a ainsi fait savoir que plus de 108 policiers, 37 sous-officiers et 2 officiers ont été renvoyés de la police «suite à leurs fautes commises et qui ont mis en doute la crédibilité de ce corps ».  Il a ajouté que «d’autres cas de policiers accusés de noircir l’image du corps de police sont en train d’être étudiés » et que «des sanctions qui s’imposent seront prises à l’encontre de ceux qui seront reconnus coupables ». S’agissant des violences liées au genre, la Ligue Iteka révèle qu’entre janvier et octobre 2010, on a dénombré 1.727 cas de violences sexuelles, dont 1.646 victimes sont de sexe féminin. 

Nous reviendrons encore plus loin sur le calvaire de la femme burundaise.

D’autre part selon des chiffres publiés en 2011 par l’Association burundaise pour la Protection des Droits Humains et des Personnes Détenues (APRODH), le nombre de personnes tuées pour des motifs politiques était de 55 au mois de Mai; 58 en Juin ; 28 en Juillet; 30 en Août. La majorité des victimes avait été éliminées par le pouvoir selon un plan macabre baptisé Safisha (nettoyage) attribué au ministre de l’intérieur.  Ce plan est toujours en vigueur puisque des associations de défense des Droits de l’Homme ont dénombré au cours du mois d’octobre écoulé (2012) une dizaine de cadavres flottant sur l’eau de rivières ou du Lac Tanganyika[1]. L’attitude des autorités face à ce drame semble indiquer que ces massacres ont été commandités par le pouvoir.

Actes barbares et menace de guerre

Sous le titre «Burundi Actes barbares et menaces de guerre », le Réseau Européen pour l’Afrique centrale (EurAc) déjà cité écrit dans son numéro de décembre 2011 :

«Le 13 novembre 2011, deux personnes en tenue policière et à bord d’un véhicule aux couleurs de la police nationale ont enlevé de sa maison Léandre Bukuru, militant du Mouvement Social pour le Développement (MSD) d’Alexis Sinduhije. Le lendemain, son corps, amputé de la tête, a été retrouvé dans une commune voisine.  Deux jours après, la tête a été retrouvée dans une latrine à quelque 10 kilomètres de là. Malgré les protestations de sa famille, les autorités politiques ont enterré séparément et en toute hâte le corps et la tète de la victime. Ce crime crapuleux a soulevé l’indignation au Burundi. Il vient allonger la longue liste des crimes semblables abjects puisque l’Observatoire de l’Action Gouvernementale (OAG) a déjà dénombré quelque 300 exécutions extrajudiciaires d’ex-rebelles et militants des partis politiques d’opposition depuis le début de cette année.  Pendant ce temps, les prisons sont pleines à craquer  et la population fait état de différentes rébellions[2] entrain de naître, même si le pouvoir les minimise en parlant de «bandits ».  L’Eglise catholique évoque le danger d’une nouvelle guerre civile »

Menace d’une guerre civile

Effectivement, le 8 décembre 2011, les évêques catholiques du Burundi, qui sont généralement avares de déclarations et de prises de positions devant les problèmes auxquels sont confrontés les Burundais, ont publié un message[3] qui, aujourd’hui, est plus que jamais d’actualité.  On y lit notamment ceci :

«Au regard de ce qui est en train de se passer dans notre pays, si nous ne nous engageons pas à faire tout ce qui est en notre pouvoir, il y a risque que notre pays bascule dans les affres d’une nouvelle guerre, alors que même les séquelles laissées par celle que nous venons de connaître sont encore vives ». (….) En effet, «ces derniers temps, on ne cesse de parler de guerre: que ce soit du côté de ceux qui disent qu’ils se préparent à combattre, que ce soit du côté de ceux qui affirment qu’il n’y aura plus de guerre (…). Ces derniers temps également, des crimes d’assassinats et tueries sont en passe de dépasser la mesure. En plus des crimes habituels, comme ceux consécutifs aux vols, aux conflits fonciers ou d’intérêts, ou aux suspicions de vouloir s’empoisonner ; le pays est aujourd’hui menacé par des crimes de sang pour des mobiles politiques et dont on accuse toutes les parties en conflit. Il s’y ajoute même un nouveau crime de disparition, où des gens sont enlevés, assassinés, jetés dans les rivières ou dans la nature en faisant disparaître toute trace, jusqu’à les mutiler au point de ne plus les reconnaître. Certains de ces crimes sont, malheureusement, mis sur le compte de certains agents des services de Renseignement National et de Sécurité Nationale ».

«Tu n’auras pas la paix tant que tu vivras»

Le 2 mai 2012, HRW a publié un rapport intitulé : «Tu n’aura pas la paix tant que tu vivras» sous-titré «Aggravation de la violence politique en 2011»[4]. Selon HRW, plusieurs dizaines de personnes ont été tuées dans des attaques politiques depuis la fin de 2010. Certains ont été commis par des agents de l'État et des membres du parti au pouvoir, d'autres par des groupes armés d'opposition.  Ces crimes traduisent l'impunité généralisée, l'incapacité de l'État à protéger ses citoyens, et l’inefficacité du système judiciaire. Tout au long du début de l’année 2011, le gouvernement a tenté de minimiser l'ampleur de ces tueries, affirmant que la plupart d’entre elles étaient l'œuvre de criminels de droit commun et que le Burundi était en paix. Mais une forte augmentation de la violence à partir du mois de juillet, suivie par l'attaque de septembre à Gatumba[5], a rendu impossible de maintenir cette version. Et au lieu de donner une priorité élevée à des enquêtes rigoureuses et à la poursuite des suspects, le gouvernement a permis à la majorité de ceux qui ont commis des meurtres politiques de rester en liberté, même si des témoins ont identifié certains des agresseurs présumés. Dans un des rares cas au cours duquel des suspects ont été traduits en justice (exemple dans l'attaque de Gatumba), la procédure a été profondément viciée. En effet, la plupart des accusés ont affirmé avoir été torturés pour qu’on leur extorque des aveux et les juges n’ont pas ordonné d’enquêtes sur ces allégations. Les juges ont également refusé de faire comparaître les témoins réclamés par la défense, notamment des agents supérieurs de la police et des services de renseignement identifiés par les  accusés comme impliqués dans ce massacre.

L’enfer des enfants albinos

Avant d’aborder le calvaire des femmes burundaises, je vais dire encore un mot sur l’enfer des enfants albinos. Selon plusieurs sources[6], de 2008 à 2012, dix huit enfants albinos ont été sauvagement massacrés dans la province de Ruyigi, souvent par démembrement, parfois même alors que la victime est encore vivante. Et le plus étonnant est que toutes les personnes appréhendées se sont échappées de la prison. Pour l’ONG canadienne Under the same sun (Sous le même soleil), selon toute probabilité, tous ces enfants sont victimes d’un trafic d’organes entre le Burundi et la Tanzanie. En effet, certaines parties de leurs corps serviraient à confectionner des «potions magiques», sensées apporter la richesse ou la réussite sociale à leurs possesseurs. Une dernière tentative d’assassinat a heureusement échoué le 19 octobre dernier. Selon le journal Iwacu[7], deux enfants albinos de la zone Mugege, en commune Butaganzwa, province Ruyigi, ont failli être lynchés par 6 hommes armés de fusils et de couteaux et en tenues militaires. Vers 21h, ces criminels ont défoncé la porte de la famille des deux enfants, les ont enlevés et les ont conduits dehors.  Au moment où ils se préparaient à les exécuter, le père alerté par leur appel pathétique au secours, a accouru. Armé d’une machette, il s’est battu comme un lion contre ces criminels et a échappé par miracle à leurs tirs.  Une balle a blessé grièvement la mère mais ses jours ne sont plus en danger.

Le calvaire des femmes burundaises

Même en temps de paix, beaucoup de femmes burundaises sont victimes de violences de toutes sortes[8]. Selon Mme Mireille Niyonzima, présidente de l’Association pour la Défense des Droits de la Femme (ADDF), les violences faites aux femmes burundaises ont augmenté de jour en jour, sous beaucoup de formes. Depuis janvier 2010, son association avait enregistré cette année-là 3.148 cas de femmes victimes de violences.  Et quand une femme ose porter plainte contre son mari qui l’a maltraitée, la première réaction du policier est de lui dire: «Attention, c’est ton mari, c’est ton beau-frère.  Tu vas te créer des ennuis ».  Les policiers ne voient pas qu’il s’agit d’un crime.  De son coté, l’Association pour la Protection des Droits de la Personne Humaine et des Personnes Détenues (APRODH) relève qu’en 2012, les associations de défense des Droits de l’Homme accueillent chaque jour des dizaines de femmes victimes de violences sexuelles ou autres et que quand les auteurs de ces crimes sont appréhendés, ils sont le plus souvent rapidement libérés. APRODH cite pour exemple le cas de Muyinga (Nord du pays) où elle a recensé 147 dossiers pour viol.  Or, seuls 10 prévenus ont été emprisonnés, les autres ont été remis en liberté, ce qui décourage les victimes.

Signalons que le viol touche tous les âges de la femme, des enfants en bas âge à de vielles femmes de plus de 90 ans. Il est commis par des individus extérieurs à la famille, mais aussi par des pères, des oncles ou d’autres membres de la famille. Le phénomène semble s’être amplifié depuis 2010.  En ce mois d’octobre 2012, la ligue des Droits de l’Homme ITEKA a publié un article au titre tristement évocateur : «La femme burundaise sous la folie meurtrière : 7 femmes tuées et plus de 34 cas de violences domestiques à moins de deux mois»[9]Il s’agit des mois de mai et juin 2012. La ligue donne en détails les noms des victimes et les mauvais traitements qu’elles ont subis.

Enfin selon une dépêche de la Coalition de la Société Civile pour le Monitoring Electoral (COSOME) du 26 octobre dernier, au moins dix femmes ont été tuées depuis le début de l’année 2012 dans la Province de Kirundo (Nord du pays)[10] : 2 ont été tuées suite à des attaques à la grenade par des criminels armés non autrement identifiés ; 3 (une vielle femme et ses deux filles) par des voisins qui les accusaient de sorcellerie ; 5 par leurs conjoints dont 1 pour avoir dénoncé son mari qui se livrait à la débauche avec d’autres femmes ; 1 pour avoir refusé de vendre la propriété familiale et 1 pour avoir refusé de vivre avec une seconde épouse.

Disons pour être complet que des hommes burundais souffrent aussi de violences conjugales, en plus petit nombre il est vrai[11]. Plus que les femmes, ils osent encore moins en parler car tous ne sont pas des Samandari wa Mandaranga[12].

L’épidémie des grossesses en milieu scolaire

Un autre phénomène inquiétant concerne les grossesses indésirables en milieu scolaire[13], Selon le ministère burundais de l'Enseignement de base et secondaire, de l'Enseignement des Métiers, de la Formation professionnelle et de l'Alphabétisation, plus de 3.600 écolières sont tombées enceintes depuis les deux dernières années. «Le taux des filles qui tombent enceinte dans les écoles, dit-il, augmente au fur et à mesure, bien qu'il y ait le code pénal assez répressif en la matière». Parmi les auteurs de ces grossesses figurent les enseignants et les directeurs des écoles malgré les sanctions sévères qui vont jusqu'à la révocation. D’autres hommes engrossent les filles et contactent par après les parents de ces filles pour leur promettre des dots vu le degré de paupérisation que connaît la population burundaise. Pour certains observateurs, l'impunité et la protection des auteurs de ces grossesses par certaines hautes autorités sont à l'origine de cette montée du taux de grossesses en milieu scolaire.

Essayons maintenant de répondre à la deuxième question «Le Burundi est-il un pays démocrate ? »

« Le Burundi est-il un pays démocrate ? »

Beaucoup de faits que je viens de mentionner nous montrent malheureusement que ce n’est pas le cas. En effet, depuis les élections de 2010, au lieu d’avancer sur le chemin du processus démocratique, le pays a replongé dans la violence et presque dans le retour au monopartisme de fait. Les faucons du régime actuel ont pris comme modèle et comme maître à penser le voisin du Nord, à savoir : le refus de toute opposition sauf celle qui est alliée au parti au pouvoir; la répression, la division et l’éclatement de tous les partis de l’opposition, le verrouillage de tout espace médiatique et la gestion du pouvoir sans partage et pour toujours. En 2010 donc, le parti au pouvoir s’était juré de remporter ces élections coûte que coûte malgré un bilan catastrophique de la législature précédente. De leur côté, les partis d’opposition s’étaient aussi jurés de les remporter. Quand ils ont perdu les communales suite à des fraudes qu’ils ont qualifiées de «massives», ils ont décidé de se retirer de tout le processus électoral et même d’abandonner les quelques sièges qu’ils avaient conquis. Comme le parti au pouvoir, ils ont opté pour la menace et le recours à la force. Résultat : le pays est retombé petit à petit dans les violences qui ont conduit à la situation actuelle.  C’est ce que rappelle et résume le dernier rapport de International Crisis Group (ICG) du 25 Octobre 2012 intitulé «Burundi : Bye-Bye Arusha ?»[14] On lit dans ce rapport :

«En dépit du fonctionnement régulier des institutions et du discours officiel vantant les progrès en matière de développement et de sécurité, le Burundi est en train de perdre les acquis de l’accord d’Arusha. En raison de l’impasse électorale de 2010, le système de partage du pouvoir conçu à Arusha a fait place à un monopartisme de fait qui se traduit par la fin du dialogue entre l’opposition et le gouvernement, une dérive autoritaire et le retour de la violence politique. Le respect de la minorité politique et de la règle de droit, essentiel à la démocratie, semble ignoré depuis 2010 (…).  Le boycott par l’opposition du processus électoral à la suite du contentieux sur les élections communales a généré des tensions qui ont incité l’opposition à former une coalition, l’Alliance démocratique pour le changement (ADC-Ikibiri), et plusieurs de ses responsables à partir en exil. Cette situation s’est accompagnée d’une vague de violence alimentée aussi bien par le pouvoir que l’opposition. A la résurgence des groupes armés et aux critiques de la société civile, le gouvernement a répondu par une stratégie de répression et une politique d’intimidation ».

Bien plus, poursuit ICG, «la mainmise du parti au pouvoir (le Conseil national pour la défense de la démocratie et Forces pour la défense de la démocratie, CNDD-FDD) sur toutes les institutions en l’absence d’opposition véritable (….) conduit à une gestion partisane de l’Etat et du processus de justice transitionnelle, ainsi qu’une instrumentalisation des services de sécurité qui sont contraires aux principes d’Arusha. Dans le même temps, le projet d’amendement constitutionnel dont les contours sont pour l’instant flous suscite des inquiétudes ».

En guise de conclusion

De mon point de vue, un pays ne peut pas être qualifié de «pacifié» quand ses habitants sont soumis à autant d’injustices, de crimes, de déni de leurs droits, à la faim et à un énorme fossé entre les riches et les pauvres.  Si c’était le cas, les pays dirigés par des dictateurs seraient les plus pacifiés du monde.  Un pays ne peut pas non plus être qualifié de démocrate pour le simple fait que ses dirigeants organisent des élections avec la volonté farouche de les gagner et de conduire le pays comme bon leur semble. Pour paraphraser ce que j’ai dit ailleurs à propos de l’indépendance[15], le Burundi sera un Etat démocrate quand :

1) Chaque Burundais (homme, femme, enfant, de chaque région du pays, de n’importe quelle conviction politique ou religieuse, riche ou pauvre, etc.) sera réellement libre, aura de quoi vivre dignement, n’aura pas peur de l’autorité (politique ou militaire) ou de ceux dont il ne partage pas la même conviction politique.

2) Le pouvoir émanera réellement de la base, que le citoyen exercera un réel contrôle sur les personnes à qui il aura confié ce pouvoir par la voie des urnes et qu’il pourra sanctionner ses mandants s’ils s’écartent du pacte conclu pour la bonne gouvernance du pays.

3) Le pouvoir sera collégialement partagé dans un système construit sur des institutions fortes et non des hommes forts, dans un système où le peuple aura la possibilité de faire connaître aux premières autorités du pays ses desiderata et où ces mêmes autorités solliciteront son point de vue, le respecteront et ne lui imposeront jamais une décision par la force[16].

4) La vie de chaque Burundais sera sacrée, que l’impunité sera fortement sanctionnée et n’aura plus droit de cité et quand le juge dira le droit et ne «pratiquera pas le courbe » à l’image de la situation que dénonçait Jean de La Fontaine : «Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir ».

Par rapport à la situation actuelle, mon constat est que tout en ayant le mot « dialogue » à la bouche, le parti au pouvoir comme les partis d’opposition ont opté pour l’usage de la force, y compris pour la lutte armée.  C’est ainsi que depuis deux ans, on assiste à une criminalité sans précédent et même à des combats entre l’armée régulière et des groupes armés comme signalé plus haut.  Cette option ne peut être que meurtrière, une nouvelle fois, pour tout le peuple burundais, spécialement pour les petites gens – ba nyarucari-  et risque de replonger le pays dans les affres de la guerre dont le pays tentait de sortir comme l’ont signalé les évêques catholiques burundais.  

Quant à l’image que se fait le citoyen moyen des autorités actuelles, elle peut être résumée dans le sentiment qu’un grand nombre de Burundais ont éprouvé à l’occasion de la célébration du 50ème anniversaire de l’indépendance du pays.  Alors que les discours officiels ont été triomphalistes, le cœur de beaucoup de Burundais n’était pas à la fête compte tenu des violations des Droits de l’Homme, de la corruption devenue le mode de gouvernement, d’une justice partiale, de l’impunité, des assassinats ciblés et des exécutions extrajudiciaires qui font encore et toujours la une de l’actualité, sans oublier la paupérisation de la très grande majorité de la population. Désabusés, certains Burundais ont même comparé l’époque actuelle à celle des colonisateurs en ces termes : «La chicotte est de retour (…). C’est seulement la couleur de la peau qui a changé mais les pratiques de certains dirigeants s’apparentent, d’une façon ou d’une autre, à celles des colonisateurs».[17]

Je vous remercie

* Joseph Ntamahungiro

-          Licencié en Lettres (Section Philosophie) et Diplômé de Journalisme à l’Université de Fribourg/Suisse

-          Ancien Directeur Général de la Radio-Télévision Nationale du Burundi (RTNB)

-          Ancien Conseiller Principal à la Présidence de la République du Burundi chargé de la Presse et de la Communication

-          Ancien Rédacteur de la Revue Dialogue

-          Actuellement : Chargé de l’information au Réseau Européen pour l’Afrique Centrale (EurAc) à Bruxelles

-          Membre de plusieurs associations burundaises formelles ou informelles, d’associations africaines et collaborateur bénévole de plus d’une ONG européenne.


[1] RFI, « Burundi : Nouvelles probables exécutions extrajudiciaires dont trois opposants », Paris,   

  21/10/2012, 2 p.

[2] On parle notamment du Front National pour la Révolution au Burundi (FRONABU-TABARA); des Forces pour la Restauration de la Démocratie (FRD-Abanyagihugu), du Front du Peuple Murundi-Abatabazi et de l’Union des Patriotes Révolutionnaires (UPR). Voir David Ntwari, “Communiqué de presse du Front National pour la Révolution au Burundi, Fronabu-Tabara », Mwumba, 21/10/2011, 2 p.; RFI, “Une nouvelle rébellion au Burundi”, Paris, 29/11/11, 1 p. ; Gratien Rukindikiza, “Bruits de bottes à Cibitoke”, Paris, 21/10/2012, 2 p.

[3] Conférence des évêques catholiques du Burundi, «Messages des évêques catholiques concernant la paix au Burundi », Bujumbura, 08/12/2011, 6 p.  

[4] Human Rights Watch, «Tu n’auras pas la paix tant que tu vivras », Bujumbura, 02/05/2012,  79 p.

[5] Lire notamment Esdras Ndikumana, « Burundi : Coup de théâtre dans le procès des auteurs présumés de l’attaque de Gatumba », RFI, Paris, 14/12/2011, 3 p.

[6] Lire notamment AFP, « Un enfant albinos retrouvé démembré au Burundi », Bujumbura, 23/10/2010, 1 p. ; Slate Afrique, « SOS Albinos », Paris, 02/05/2012 et 31/05/2012, 3 p. ; Le télégramme.com, «Burundi Coup de Coeur. Défendre les enfants albinos Paris, 30/03/2012, 2 p.

[7].Fabrice Manirakiza, « Ruyigi : Deux enfants albinos l’ont échappé belle », Journal Iwacu, Bujumbura, 22/10/2012,  2 p

[8] Lire notamment A.C.O.R.D, «Burundi : Un audit sur les pratiques judiciaires en matière de violences sexuelles », Bujumbura, 31/03/2010, 69 p. ; Fidèle Nsabimana, «Ruyigi : Les victimes de viols préfèrent l’amiable à la justice », in Journal Iwacu, Bujumbura, 05/05/2012, 1 p. ; Marie Claire Ndikumana, « Burundi : Après le viol, le rejet », Radio Nederland, Bujumbura, 09/05/2012, 1 p. ; Evelyne Muhorakeye, « Le calvaire des femmes battues au Burundi », Radio Nederland, Bujumbura, 08/11/2010, 3 p. ; Syfia Grands Lacs, «Burundi: La justice défend toujours mal les femmes violentées », Bujumbura, 20/07/2012, 3 p.

[9] Ligue Iteka, «La femme burundaise sous la folie meurtrière : 7 femmes tuées et plus de 34 cas de violences domestiques à moins de deux mois », Bujumbura,  15/10/2012, 3 p.

[10] COSOME, « Au moins dix femmes tuées dans des actes de violence à Kirundo », Bujumbura, 26/10/2012, 1 p.

[11] Lyse Nkurunziza, « Burundi : violences conjugales, des hommes en sont aussi victimes », in Le Journal Iwacu, Bujumbura, 30/05/12, 2 p.

[12] Samandari est un personnage légendaire au Burundi passé champion dans le rire et l’humour.  Il se moquait de tout et de tout le monde, y compris du Roi, personnage pourtant sacré.  Alors qu’on se moquait de lui pour avoir été battu par une femme enceinte, il répondit : « Je suis plutôt un héros car je me battais contre deux individus » (traduction libre du Kirundi)

[13] @rib News, Burundi : plus de 3.600 grossesses indésirables en milieu scolaire », 24/10/2012, 1 p.

[14] International Crisis Group, «Burundi : Bye-bye Arusha », Bujumbura/Bruxelles/Nairobi, 25/10/2012, 37 p.

[15] Joseph Ntamahungiro, «Burundi : Regard critique sur les 50 ans d’indépendance », publié par Pax Christi Wallonie Bruxelles, 30/06/2012, 6 p.

[16] Je fais souvent allusion au modèle suisse qui est unique en son genre avec son gouvernement fédéral, l’autonomie communale, la démocratie directe par la votation populaire ou référendum obligatoire, le référendum facultatif, l’initiative populaire, la pétition directe et la solidarité cantonale.  Selon cette solidarité, les cantons riches doivent aider financièrement les cantons pauvres pour garder une harmonie sociale et maintenir le principe de l’accroissement de la prospérité commune des citoyens.

[17] Lire notamment Rénovat Ndabashinze, «Jubilé d’or de l’indépendance du Burundi : C’est dans quelques heures », in Journal Iwacu, Bujumbura, 29/06/2012, 3 p. ;  Rénovat Ndabashinze, «Bujumbura se prépare à la fête du cinquantenaire dans l’agitation ….et l’indifférence aussi », Journal Iwacu, Bujumbura,  30/06/2012, 3 p.