Burundi : l'acquittement en catimini de Nkurunziza passé au crible
Analyses

@rib News, 08/11/2012

L’annulation de la condamnation à mort de Pierre Nkurunziza, Président de la République du Burundi : un commentaire de l’arrêt du 8 juillet 2011 de la Cour Suprême dans l’affaire RPSA 280

 Stef Vandeginste* - Octobre 2012

* Chargé de cours, Institut de Politique et de Gestion du Développement (IOB) et chercheur postdoctoral FWO, Faculté de Droit, Université d’Anvers.

Introduction

Le 8 juillet 2011, la Chambre Judiciaire de la Cour Suprême du Burundi a rendu un arrêt historique. La Cour Suprême déclara fondé l’appel interjeté par Pierre Nkurunziza, actuel Président de la République, contre l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de Bujumbura en date du 11 février 1998 dans l’affaire RPCC 803.

La Cour d’Appel de Bujumbura avait condamné à mort l’appelant pour avoir commis les infractions punies par le Code pénal burundais dans ses articles 417 (l’attentat dont le but aura été de porter le massacre, la dévastation ou le pillage) et 419 (le commandement de bandes armées). En particulier, la Cour d’Appel l’avait déclaré coupable des faits lui reprochés par le Ministère Public, notamment d’avoir été en 1994, 1995, 1996 et 1997, à Nyambuye, commune Isale, province de Bujumbura, l’un des chefs de groupes armés rebelles se réclamant du CNDD et d’avoir ordonné, en mars 1997, aux membres des groupes armés qu’il dirigeait de commettre un crime en posant des mines antipersonnel et antichars sur la voie publique.

L’arrêt de la Cour Suprême est historique pour différentes raisons, tout d’abord d’ordre juridique. A notre connaissance, depuis l’indépendance du Burundi en 1962, aucune décision judiciaire impliquant le chef de l’Etat en fonction n’a été rendue par les cours et tribunaux burundais. Cette particularité suscite, inévitablement, des questions relatives à la compétence et à la procédure judiciaire. De façon plus générale, une analyse de l’arrêt nous permettra d’aborder le règlement lacunaire de la responsabilité pénale du Président de la République en droit burundais. Aussi, l’arrêt de la Cour Suprême est de nature à faire ressortir certains effets juridiques qui vont bien au-delà de la question particulière soumise à la Cour et qu’il nous semble utile d’analyser, notamment en ce qui concerne l’impact de l’arrêt sur l’éligibilité de l’actuel Président de la République.

Cet arrêt est également historique pour des raisons socio-politiques. La ‘découverte’ de l’arrêt - bien que celui-ci ait été rendu en audience publique – plus de dix mois après qu’il fut rendu par la Cour a suscité de nombreuses questions et réactions. Entre autres s’est posée la question de savoir quel pouvait être l’impact de cette décision judiciaire sur le fonctionnement des futurs mécanismes de justice transitionnelle. Plus généralement, cet arrêt suscite des questions relatives au fonctionnement de l’Etat de droit au Burundi, y compris l’indépendance de la justice, aussi bien en temps de guerre qu’actuellement. L’arrêt nous offre également une illustration des limites de la capacité du droit dans la définition et la perception de ce qui est juste et injuste et de ce qui constitue violation et remède, en particulier dans le contexte d’une transition parfois très violente et chaotique.

Après un bref résumé chronologique (Chapitre 1), la première partie de cette analyse porte sur les aspects de nature strictement juridique (Chapitres 2, 3 et 4). Le Chapitre 2 porte sur la compétence de la Cour Suprême et certains aspects relatifs à la procédure. Le Chapitre 3 porte sur la décision de la Cour, tandis que le Chapitre 4 en présente les conséquences au regard du droit pénal et du droit électoral. Dans une deuxième partie (Chapitre 5) nous offrons un regard sur cet arrêt à partir du contexte socio-politique dans lequel le droit a été dit en 1998 et en 2011. Dans ce chapitre, nous essayons également d’anticiper sur le traitement de l’affaire des poseurs de mines devant la future Commission Vérité et Réconciliation.

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