Burundi : choisir entre "vivre à genou" ou "mourir débout"
Opinion

@rib News, 18/11/2012

Vers l’insurrection populaire au Burundi

Par Nyandwi Léon

Comme dans les années 80 et 90 sous Bagaza et Buyoya respectivement, l’édification d’un régime tyrannique sous le Régime Nkurunziza I & II aurait brisé le stoïcisme du Peuple Murundi jusqu'à forcer ce dernier au maquis. L’information provenant des divers groupes rebelles qui émergent aujourd’hui laisse très peu d’illusions en ce qui concerne leur intention: combattre la dictature et réinstaurer la démocratie au Burundi. À défaut d’avoir refusé de tirer de leçons du passé, le CNDD-FDD assisterait déjà à la répétition de l’histoire.

Des sources dignes de foi au sein de l’armée soulignent l’incapacité du Régime d’anticiper et/ou contenir les incursions rebelles. La rupture entre les hommes de troupes et les «généraux» est consommée. Rompant avec les usages  militaires classiques, Bujumbura  n’hésite plus de déployer sa milice (Imbonerakure) côte à côte avec l’armée sur le champ de bataille. Le mécontentement parmi les hommes en uniformes est au zénith alors que leurs pertes ne cessent d’augmenter. L’humiliant limogeage du Chef d’État Major de l’Armée burundaise, le Général Niyombare Godefroid et son adjoint est une indication qui ne trompe pas. La pression de l’insurrection populaire est palpable.

Sur l’insurrection, il est vrai que même Thomas Jefferson, un des instigateurs de la révolte américaine contre sa Majesté le Roi d’Angleterre en 1776, propose la prudence avant tout: «les gouvernements établis ne doivent pas être changés pour des causes légères et passagères». Mais cet homme d’État reste sans ambigüité sur le traitement que le Peuple devrait réserver aux dictatures à l’instar de celle qui s’installe à Bujumbura : c’est de «rejeter un tel gouvernement et pourvoir, par de nouvelles sauvegardes, à la sécurité future du Peuple» (extrait de la déclaration de l’indépendance des USA).

Dans le cas du Burundi, il est clair que ce n’est pas la vente illicite du Falcon 50 et les magouilles du pétrole nigérian ou les cahiers ougandais qui sont à la base de la révolte armée naissante. Ce n’est pas non plus le manque d’une pensée politique clairvoyante du Régime Nkurunziza I et II, ou son sectarisme, son clientélisme, sa médiocrité et l’épidémie de la corruption étatique qui ronge le pays de la base au sommet -  dans une démocratie de telles bavures sont sanctionnées par le Peuple une fois les 5 ans. C’est plutôt (1) la décapitation du système démocratique, (2) l’institutionnalisation de la tyrannie, (3)  l’anéantissement de l’état de droit, (4) l’usage généralisé de la mort comme un outil politique, et (5) une violation systématique et récurrente des lois fondamentales et accords qui régissent le bon fonctionnement de l’État et la cohésion nationale.

Dans le but de perpétrer ce système indéfiniment, le Régime Nkurunziza miserait sur l’exclusion politique totale de l’Opposition. Ceci se matérialiserait par la mise en place d’une Présidence à vie (pour le président Nkurunziza) et le contrôle sans partage des institutions Républicaines tel que le Parlement et le Sénat. Pourtant, un regard froid de l’histoire contemporaine du Burundi confirme que ce sont ces mêmes facteurs qui étaient à la base de la naissance de la rébellion du CNDD-FDD. Puisque les mêmes causes produisent les mêmes effets, «la régénération de la ferveur populaire contre l’autoritarisme du Régime n’est qu’à ses début en ce moment», selon un responsable politique de l’Opposition qui a requit l’anonymat.

Ce n’est plus un secret, le niveau d’oppression et de barbarie exercé aujourd’hui par le pouvoir contre les civils en général et les membres du FNL en particulier, rivalise avec l’hécatombe commise par Micombero. Selon des sources fiables, le leadership du FNL dirigé par Agathon Rwasa a été nettement décimé. Presque jubilant, un haut cadre du parti au pouvoir nous lança: «Na FNL yigira ntagondwa twarayitoreye umuti. Abanywanyi ba FNL twabahaye imikeke ya Tanganyika iririra» (On a pu trouver une solution adéquate même pour FNL qui se croyait invincible. Leurs militants ont été servis aux poissons du Lac Tanganyika comme repas).

C’est un fait, le sang du Peuple Murundi coule aujourd’hui sous le pouvoir du CNDD-FDD comme il coulait hier sous Buyoya-Bagaza-Micombero – Toute personne (Hutu, Tutsi, Twa ou Expatrié) qui ose contredire et/ou critiquer le pouvoir ne le fait qu’à ses risques et périls. Devant la brutalité singulière du trio Imbonerakure-SNR-Police, même Gandhi aurait été obligé de changer sa tactique de ‘non-violence’ - autrement, il se serait retrouvé dans une fausse commune, dans une latrine ou dans une rivière, son corps décapité.  Aujourd’hui, nous sommes tous amenés à prendre position car devant ces faits, le silence ne peut qu’être complice.

Qu’on se dise la vérité, au Burundi la démocratie est morte et sa résurrection n’est pas pour demain. Il n’est plus possible de faire la politique par des moyens parlementaires. Nous sommes à la veille du prochain marathon électorale de 2015 et pourtant les partis politiques d’Opposition n’ont même pas le droit de se rassembler sur le sol burundais – et cela depuis 2010. C’est une insulte à la démocratie. En conséquence, il est logique, voir même impératif, que le Peuple questionne et/ou conteste la légitimité du pouvoir en place.

Aujourd’hui un jeune Imbonerakure peut arrêter, emprisonner, torturer et même tuer  n’importe qui (civil, élu du Peuple, policier, militaire). Personne n’est à l’abri. Le pouvoir en place ne donne que deux choix au Peuple Murundi: choisir entre «vivre à genou» ou «mourir débout». Lentement mais surement, les citoyens commencent à ouvrir la voie pour un troisième choix : «vivre debout, dans la justice et dans la paix». Mais il important de noter que chaque fois qu’il l’a fallu, ce Peuple Vaillant et Souverain a toujours choisi de «mourir débout». Le Major Pierre Buyoya le sait très bien. Pourvu que l’actuel Pierre saisisse bien la leçon infligée au précédent Pierre par le Peuple.

En conclusion, le président Nkurunziza II et le CNDD-FDD espèrent se maintenir au pouvoir éternellement par la terreur et l’oppression. Si cet espoir est dangereux, il est surtout largement illusoire et inatteignable. En attendant que les tenants du pouvoir à Bujumbura reviennent à raison, l’espoir c’est tout ce qui nous reste, quasiment – et on le gardera.

Bujumbura, Nyandwi Léon