Les ex-réfugiés burundais de Tanzanie face à l'impasse foncière
Société

@rib News, 28/11/2012 – Source AFP

 Zacharie Nahimana serait rentré plus volontiers de Tanzanie s'il avait su où aller une fois dans son pays. Comme de nombreux Burundais poussés au retour, il sait que la maison qu'il a laissée en fuyant la guerre en 1993 est occupée.

« J'avais une maison sur la colline de Nyamusasa », dans la commune de Kinyinya, province orientale de Ruyigi, raconte ce père de deux enfants âgé de 62 ans à la descente du bus qui l'amène du camp tanzanien de Mtabila au centre de transit burundais de Musenyi. Mais « quelqu'un nous a dit que quelqu'un occupait notre terre. C'est ce qui nous faisait hésiter à rentrer », poursuit-il.

Ce jour-là, plus de 1.400 Burundais sont, comme lui, rapatriés. Ils ont emmené tout ce qu'ils pouvaient: valises, meubles brinquebalants, vélos, panneaux solaires, volailles...

Mtabila est le dernier camp tanzanien abritant encore des Burundais ayant perdu leur statut de réfugiés, contraints au retour. D'ici à fin décembre, quelque 35.000 personnes doivent rentrer.

Ce retour s'inscrit dans un plan négocié entre un Burundi aujourd'hui relativement pacifié, la Tanzanie et le Haut commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR), et dont l'autre volet prévoit la naturalisation tanzanienne de 160.000 Burundais.

Depuis 10 ans, le HCR dit avoir aidé le Burundi à réinstaller plus d'un demi-million d'ex-réfugiés. Certains avaient fui lors du premier grand massacre interethnique de 1972, d'autres, les 35.000 ex-réfugiés de Mtabila notamment, celui de 1993 qui déboucha sur plus de dix ans de guerre civile.

La majorité des Burundais de Mtabila ne voulaient pas rentrer.

Arrivés à Musenyi, ils racontent que les autorités tanzaniennes ont, au début du moins, frappé les récalcitrants au départ, pour les forcer à monter dans les bus.

Revenus au pays, nombre de Burundais disent ne pas savoir où aller. Certains, comme Zacharie Nahimana, savent qu'ils vont devoir se battre pour récupérer leur terre, d'autres sont nés en exil et ne connaissent pas leurs origines.

Les cas confirmés de personnes « sans terre », sont, dit le HCR, renvoyés devant la Commission nationale des terres et autres biens (CNTB), chargée de régler les litiges fonciers.

Dans ce petit pays d'Afrique des Grands Lacs, composé d'une population à plus de 90% rurale, et dont des régions affichent souvent une densité supérieure à 400 habitants au km², ces conflits sont nombreux, et les rapatriements accentuent la pression.

« Le problème foncier était déjà le problème numéro un du Burundi, le retour de 35.000 personnes qui n'ont par ailleurs pas toujours été les bienvenues ici ne va pas arranger les choses », note un observateur étranger.

Le Burundi est l'un des pays les plus pauvres du monde. Plus de 60% des enfants de moins de cinq ans y souffrent de malnutrition chronique.

Le pays abrite plus de 8 millions de personnes pour 27.834 km². En moyenne, un foyer ne dispose de pas plus de 0,4 ha de terre cultivable.

« La question foncière au Burundi a toujours été explosive », dit le président de la CNTB, Sérapion Bambonanire. « Aujourd'hui, la situation se pose dans toute son acuité à cause des situations de guerre, d'exil, de spoliation ».

Auparavant partisane d'un partage des terres en cas de conflit entre anciens et nouveaux propriétaires, la CNTB privilégie aujourd'hui la restitution à ceux qui ont fui. Une politique critiquée par l'opposition, qui y voit une discrimination à l'égard de la minorité tutsi puisque, dit-elle, les rapatriés sont hutu.

Pour certains, la solution au problème foncier passe par le planning familial -- les Burundaises en âge de procréer ont 6 à 7 enfants. Pour d'autres, par la diversification de l'économie, afin de réduire la dépendance à l'agriculture de subsistance, ou une plus grande mobilité des personnes entre pays d'Afrique de l'Est.

« Les Tanzaniens ont une des clés de réponse à un problème structurel aux pays des Grands Lacs », estime Christian Thibon, directeur de l'Institut français de Recherche en Afrique à Nairobi.

Mais en Tanzanie, où la vague promise de naturalisations commence à être remise en question, la tendance ne semble pas à l'ouverture.

En attendant, Jean Bazeyi, 35 ans, père de six enfants rentré d'exil il y a deux ans, vit toujours dans un centre d'hébergement temporaire à une soixantaine de Km au Sud de la capitale Bujumbura. Il n'aurait pas dû y rester plus de six mois.

« Ils nous ont maintenant trouvé une parcelle » de terre, se félicite-t-il. Mais elle suffira juste à construire une petite maison. « Nous sommes des agriculteurs. S'ils ne nous donnent pas de terre pour cultiver, nous allons mourir ».