Des lobbies derrière le rapport de Transparency International ?
Opinion

@rib News, 17/12/2012

La face cachée de Transparency International

 Par Hassan Ngendakumana

La presse nationale burundaise commente le dernier rapport de Transparency International sur la corruption  au Burundi. Elle accepte les conclusions de ce document sans se poser de questions sur ses auteurs, leur méthodologie et leur finalité.

Tout d’abord parlons de la corruption au niveau mondial, Alors que Transparency International insiste sur le rôle des pays en voie de développement, le prix Nobel d’économie Joseph Stieglitz rappelle que ce sont pourtant bien l’Europe et le Etats-Unis qui via les multinationales génèrent les plus grandes corruptions hors de leurs frontières.

Il est également intéressant de noter qu’une bonne partie de l’argent issu de la corruption repose dans les paradis fiscaux et les centres financiers, posant ainsi la question de la responsabilité des pays receveurs de capitaux. Le problème du secret bancaire concerne en effet de nombreux pays qui sont considérés comme exemplaires du point de vue de l’indice de corruption de Transparency International (la Suisse et le Luxembourg par exemple).

Finalement les plus gros montants de la corruption proviennent des pays occidentaux et y retournent une fois la transaction effectuée. Alors, qui profite de la grande corruption ?

Si la corruption diffère géographiquement de par sa nature et son ampleur, elle ne se réduit pas à une pratique culturelle. On ne corrompt pas uniquement « parce que c’est la coutume ». La corruption est à l’image d’un contexte plus large qui intègre les paramètres historiques, économiques et sociaux de l’Etat ou la région en question.

En Europe, aux USA et dans le système des Nations Unies par exemple, le phénomène de lobbying pose à la société plusieurs questions essentielles, dont celle de la transparence en tant que valeur démocratique, celle du rôle et du périmètre de l’Etat, et enfin celle de l’égalité des citoyens devant la loi. Comme on le sait, un lobby est un groupe de pression formel ou informel qui tente d'influencer les lois, les réglementations, l’établissement de normes (techniques, industrielles par exemple), les décisions politiques pour favoriser ses propres intérêts, économiques en général.

Les enjeux sont considérables tant sur le plan humain que financier. Ils touchent à la sécurité nucléaire, environnementale, à la santé publique et concernent des milliards d’individus.

La collaboration de l’OMS, avec les firmes multinationales, est considérée comme une soumission aux lois du marché, au détriment de la satisfaction des besoins des populations.

Le rôle qu’ont joué les lobbies, dans les décisions de l’OMS sur la grippe H1N1 où l’OMS a surestimé la réalité de la menace de la grippe, incitant de la sorte les gouvernements à acquérir des quantités excessives de vaccins au grand profit des fabricants. La commission santé du conseil de l’Europe a constaté que le Français Bruno Lina, responsable du comité technique de l’OMS, est par ailleurs rémunéré par Roche, Novertis, GSK et Sanofi-Pasteur. De même, le Néerlandais Albert Osterhaus est actionnaire de Viroclinics qui développe des traitements contre la grippe A.  Malik Peiris et Neil Ferguson sont aussi financés par différents laboratoires, dont Baxter. Il en est de même de certains des membres du comité des sages de l’OMS : le Finlandais Juhani Eskola est rémunéré par Novartis et GSK, le Jamaïquain Peter Figueroa est financé par Merck.  N’est ce pas une corruption à grand échelle ? Où était Transparency International ?

Le rôle des lobbies, dans les décisions de l’OMS sur le tabac. Le rapport de Gro Harlem Bruntland, publié le 2 août 2000, accuse l’industrie du tabac d’être active, organisée et calculatrice,  de saper l’action pour la santé, et de subversion de l’OMS. En effet, la liste des stratégies adoptées est longue. L’industrie du tabac aurait donc réussi à influencer les membres de l’OMS, en leur offrant des emplois et ainsi tirer avantage de leurs contacts avec l’Organisation, pour influencer le contrôle du tabac par celle-ci, faire pression sur les budgets de l’OMS consacrés à ce contrôle... espionnage, propagande, falsification, campagnes de dénigrement, financements philanthropiques pour gagner les faveurs de l’OMS.  N’est ce pas une corruption à grand échelle qui met en danger les habitants de la planète? Où est Transparency International ?

Parallèlement aux lobbies des industries du tabac et des firmes pharmaceutiques, les lobbies nucléaires et les lobbies de l’amiante ont exercé une influence considérable sur l’OMS au détriment du peuple du monde.

A Bruxelles, siège des institutions européennes, aucune décision européenne ne se prend sans l’influence des lobbies, surtout si cela implique des enjeux qui peuvent, parfois, être considérables. Ces lobbies dépensent des millions d’euros annuellement pour faire pression sur les institutions européennes. Ici Transparency International est satisfait !!!

Aux USA par exemple, dans le récent débat sur l’assurance – maladie (Obamacare), l’ensemble des dépenses de lobbying toutes organisations confondues, à Washington serait proche de 10 milliards de dollars. N’y a t-il  pas  antagonisme et conflits entre les mouvements citoyens et les puissants lobbies économiques qui défendent des intérêts particuliers et pèsent sur l’intérêt public ?

Pourquoi alors Transparency International, se contente de mal classer les pays en voie de développement, alors que la corruption est presque légalisée dans les pays occidentaux ?

Pourquoi Transparency International se focalise sur les pays du tiers monde, pays qui par ailleurs enregistrent une croissance économique nettement positive, alors que celle de l’occident tend vers zéro?

La raison est simple, mais quand même un peu difficile à comprendre pour certains.

Tenez : Parallèlement à ces lobbies financiers et industriels, il existe aussi des lobbies idéologiques qu’on appelle « Think tanks » qui sont aussi nommés « brain boxs » ou « think factories ». On trouve des think tanks universitaires, économiques, politiques, militaires…Parmi les think tanks connus on retrouve : Chatham House, Amnesty International, International Institute for Strategic Studies, Human Rights Watch, Adam Smith Institute et Transparency International.  Ces « lobbies de la pensée » ont pour but d’exercer une influence idéologique en diffusant leurs idées. Certains  think tanks  sont de précieux alliés dans la diffusion d’une idéologie favorable aux intérêts des multinationales, et sont par là des organes d’influence majeurs.

Pour bien comprendre Transparency International, retenez qu’il a été créé par Peter Eigen, un juriste allemand qui travailla pendant 25 ans à la Banque mondiale avant de devenir consultant à la Fondation Ford. Aujourd’hui, M. Eigen a rejoint la Carnegie Endowment for International Peace. Surtout, il est devenu l’un des administrateurs de Crown Agents (Agents de la Couronne), un ancien service de la Couronne britannique, privatisé en 1997, chargé de l’assistance des gouvernements étrangers dans les processus de privatisation. C’est à ce titre que Peter Eigen a joué un rôle essentiel dans le processus de privatisation de l’économie irakienne sous occupation anglo-saxonne, Crown Agents étant alors sous-traitant de l’USAID.

Transparency International dispose de branches dans une centaine de pays. La plus importante étant bien sûr la branche des USA. Elle a été co-fondée par deux personnalités au profil remarquable : Frank Vogt, un autre ancien de la Banque mondiale, est un chantre de la globalisation. Il est aujourd’hui employé par l’American Entreprise Institute  et Michael J. Hershman, un ancien officier des services de renseignement militaire, a été le n°2 de l’USAID et dirige aujourd’hui l’unité anti-terroriste de la Chambre de commerce des États-Unis.

Transparency International est le plus discret possible sur ses financements. C’est bien normal, car ses principaux bailleurs ne sont autre que la National Endowment for Democracy (NED) et l’USAID, suivis par la Fondation Soros et la Fondation Ford, et toute  une kyrielle de multinationales (BP-Amoco, Exxon, Rio Tinto, Shell...) disposant des lobbies industriels et financiers importants.

En conclusion, à propos du classement de ce think tank, le Burundi ne devrait pas paniquer, les visées  de ce Think tank sont principalement  la diffusion du schéma « Fear, Uncertainty and Doubt » (peur, incertitude et doute).

 Un pays du tiers monde disposant d’énormes potentiels économiques, malgré la mise en place des instruments de bonne gouvernance, ces Think tanks tenteront  d'influencer la perception de son audience en disséminant des informations négatives, souvent vagues et inspirant la peur aux investisseurs privés éventuels, donnant le champ libre à ces sociétés qui sont patronnes de ces Think tanks. Le cas de la Birmanie est un bon exemple qui illustre tout.

Vive le Burundi face à ces lobbies malhonnêtes et antidémocratiques.

Par Hassan NGENDAKUMANA

A  Bruxelles