Rwanda : Un parfum de mystère flotte encore sur le FPR
Afrique

Jeune Afrique, 26/12/2012

Rwanda : la machine FPR

Par Pierre Boisselet

 Le Front patriotique rwandais (FPR) a fêté ses 25 ans le 20 décembre. Au pouvoir depuis 1994, c'est un parti dont on connaît peu les rouages, mais qui est toujours redoutablement efficace.

Un parfum de mystère flotte encore sur le Front patriotique rwandais (FPR). Au pouvoir à Kigali depuis juillet 1994, le parti célèbre en grande pompe, ce 20 décembre, son vingt-cinquième anniversaire. Mais les cérémonies ont peu de chance de lever le voile sur tous ses rouages. On cherche en vain, sur son site internet officiel, la trace d'un organigramme. Les « experts » étrangers du Rwanda avouent leur ignorance sur son fonctionnement. Quant à ses responsables, ils préfèrent décliner les interviews.

Cette extrême discrétion n'est pas nouvelle. L'Armée patriotique rwandaise (APR), branche militaire de ce mouvement créé en 1987 en Ouganda par des exilés rwandais (des Tutsis qui avaient fui les pogroms de 1959-1961 et 1973 pour la plupart), était clandestine dès son origine. Fred Rwigema, son premier chef, et son bras droit, Paul Kagamé, l'actuel président rwandais, étaient alors des personnalités éminentes du régime du président ougandais Yoweri Museveni.

Le déclenchement de leur première offensive vers le Rwanda, le 1er octobre 1990, n'a pas eu le résultat escompté. Rwigema a été tué dès le lendemain, et Kagamé, en formation aux États-Unis, est revenu en catastrophe pour prendre la tête de la rébellion. Mais cette attaque a suscité un immense espoir chez les Tutsis exilés en RD Congo et au Burundi notamment, qui pouvaient désormais rêver à un retour dans ce pays idéalisé. « Il y avait un enthousiasme incroyable, se souvient le comédien Diogène Ntarindwa, à l'époque collégien à Bujumbura. On se perfectionnait en kinyarwanda [la langue nationale, NDLR], on apprenait les danses traditionnelles et on faisait du sport autant que l'on pouvait pour être prêts. » Le financement de la guerre reposait alors sur la générosité des plus riches et les efforts de tous.

Défections

Pour ne pas démoraliser les troupes, on en parlait peu, mais le mouvement a alors subi de lourdes pertes face à une armée rwandaise soutenue par la France et le Zaïre. « Tous mes camarades de collège aptes se sont engagés », explique Ntarindwa, lui-même intégré à l'APR en 1994, à l'âge de 17 ans. « Les trois quarts ne sont jamais revenus. » Surtout, nombreux sont les combattants qui ont perdu, pendant le génocide, les membres de leur famille restés au pays.

Véritable socle du nouvel État rwandais (« moteur du Rwanda », selon l'un de ses slogans), le FPR continue de jouer un rôle clé dans la vie du pays. Le parti, dont le secrétaire général est aujourd'hui François Ngarambe, ancien exilé du Burundi, quadrille le pays jusqu'au plus petit niveau. Les défections de plusieurs cadres dirigeants, comme celle de Faustin Kayumba Nyamwasa, ancien chef d'état-major de l'APR, en 2010, prouvent que les désaccords au sommet sont parfois irréductibles. « Certains sont partis, mais d'autres nous rejoignent, a réagi le commissaire chargé de l'information, Tito Rutaremara, à la mi-septembre. Si nous parvenons à mobiliser la jeunesse, le FPR ne fera que se renforcer et restera en place pour plus d'un siècle. »