Rwanda : mission "officieuse" belge controversée
Afrique

La Libre Belgique, 22/02/2013

Des entreprises belges y vont malgré l’avis défavorable de Didier Reynders.

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Faut-il mener des missions économiques au Rwanda actuellement ? La réponse est clairement non pour Vincent Lurquin, député bruxellois Ecolo qui regrette "le maintien de la mission prévue au Burundi et au Rwanda" , à partir du 26 février prochain. La mission, "limitée au Burundi", d’après le ministre bruxellois de l’Economie, Benoît Cerexhe (CDH), est conjointement organisée par l’Awex, l’agence wallonne à l’exportation, et son pendant bruxellois, Brussels Invest and Export.

Une trentaine d’entreprises y prend part dont une quinzaine s’envolera également au Rwanda, essentiellement dans les secteurs de la construction, des énergies renouvelables et du médical. "Mais les entreprises qui vont au Rwanda le font de leur propre initiative", précise le ministre, selon lequel "aucune action officielle" n’est plus prévue dans le pays, depuis une décision prise l’année dernière.

"Officiellement on n’y va pas, mais on y va quand même !", s’insurge Vincent Lurquin. Ce dernier s’étonne de voir que le programme officiel de la mission donne des informations telles que les démarches nécessaires pour l’obtention des visas au Rwanda, les horaires de vols entre Bujumbura au Burundi et Kigali, etc. "C’est une mission pour le moins officieuse : tout est mis en place par les pouvoirs publics pour favoriser le business des entreprises belges au Rwanda", développe Vincent Lurquin pour qui les Régions donnent "un signal positif" au régime en place à Kigali, tout en étant "totalement en contradiction" avec la diplomatie belge. "Une telle action entre aussi en contradiction avec les valeurs de respect des Droits de l’homme et de la vie humaine prônées par la région bruxelloise", poursuit-il.

Pour rappel, selon des rapports d’experts de l’Onu, le Rwanda et l’Ouganda voisins de la République démocratique du Congo (RDC) fournissent armes et troupes au Mouvement du 23 mars (M23), qui occupe depuis avril une partie de la province du Nord-Kivu (est de la RDC). Ce que Kigali et Kampala démentent. " La population de l’est de la RDC voisine vit un nouveau calvaire dans lequel les femmes sont les plus touchées", dénonce Vincent Lurquin. Depuis des mois, la position officielle belge s’est durcie envers le régime rwandais. En janvier, Didier Reynders (MR), ministre des Affaires étrangères donnait ainsi "un avis négatif" à la demande des Régions d’organiser une mission économique au Rwanda. " Je ne dis pas qu’il ne faut pas de mission économique, mais le moment n’est pas indiqué", expliquait le chef de la diplomatie belge. M. Reynders précisait toutefois qu’il ne s’agissait de sa part que d’un avis, qui n’empêchera sans doute pas la mission d’avoir lieu. A l’époque, Didier Reynders appelait les différents partis à faire preuve d’"un minimum de concordance" dans les positions prises aux différents niveaux de pouvoir.

Du côté de Brussels Export, on explique avoir tenu compte des remarques de Didier Reynders. "Nous avons clairement prévenu les entreprises en décembre dernier qu’aucune démarche officielle ne serait menée au Rwanda, tient à préciser Mustafeen Nayani, l’un des responsables de la mission. Nous proposons seulement aux entreprises qui se rendent au Rwanda l’aide via une antenne logistique de l’Awex pour assurer les contacts be to be" Mustafeen Nayani insiste : cette antenne est assurée par "un consultant indépendant". Philippe Suinen, patron de l’Awex confirme : les entreprises belges vont au Rwanda "à titre privé".

Ces explications ne convainquent pas Vincent Lurquin : " Pourquoi ce cafouillage ? Le timing de cette mission est vraiment très mal choisi : lorsque la Diplomatie belge prend ses distances avec un Etat, les Régions ne devraient-elles pas au minimum s’abstenir de conforter ce même Etat en y menant une mission ? "

F.C. et R.Meu.