"Atelier" de l'ONU à Bujumbura : Les dés sont-ils déjà jetés, voire pipés ?
Question à La Une

@rib News, 05/03/2013

Qu’attendre de la réunion des hommes politiques burundais organisée par le BNUB les 12 et 13 Mars 2013 ?

Par Buyagu Auguste

La réunion du 12 et 13 Mars semble susciter un sentiment d’espoir de certains partis de l’opposition, de la société  civile et même du citoyen lambda. Cela semble légitime quand l’on observe l’impasse politique, économique et sociale dans laquelle se débat le Burundi. Les burundais (sauf ceux proches du pouvoir) semblent être dans une situation de désespoir et semblent prêts à s’accrocher à tout ce qui pourrait améliorer la situation.

Concernant ladite rencontre il y a lieu de se demander si cet espoir est fondé ou non ? Et pour quelles raisons ?

1. Pourquoi le BNUB organise t-il cette rencontre ? Pourquoi le pouvoir ne l’a pas récusée comme d’habitude ?

- Sur le plan politique ;

Tous les observateurs honnêtes de la scène politique au Burundi constatent que nous sommes  face à une impasse entretenue par un manque de leadership au sommet de l’Etat.

Le monopartisme de fait en place à Bujumbura est devenu anachronique en Afrique et dans le monde. La perspective des élections de 2015 qui risquent de se dérouler  sans l’opposition véritable préoccupe les NU et les occidentaux.

- Sur le plan économique ;

La banqueroute de l’Etat est évitée grâce à de microperfusions de quelques bailleurs qui craignent l’installation d’un chaos total. La chute vertigineuse de la monnaie locale face aux devises étrangères en est une des illustrations les plus expressives.

La corruption est à son comble, et malgré la rhétorique et le pléthore d’organes anti-corruption, les actes concrets manquent. Et le Burundi risque de se retrouver nominé l’as de la corruption dans le monde. Il se taille une bonne part dans le classement de Transparency International en étant déjà parmi les 9 pays les plus corrompus de l’Humanité depuis 2010.

La paupérisation de la population est galopante et la misère s’installe dans des familles qui jusque récemment pouvaient être comptées parmi la classe moyenne.

- Sur le plan des droits de l’Homme ;

Comme tout pouvoir absolu et corrompu, le régime CNDD-FDD-UPRONA recourt à la répression tous azimuts pour protéger ses privilèges. Aussi les violations massives des droits de l’homme ne peuvent plus être justifiées par la lutte contre l’insécurité. Les exécutions extra judiciaires, les arrestations arbitraires, les viols, la torture sont fréquemment dénoncées par les ONG locales et internationales parmi les plus crédibles du moment.

Le tandem CNDD-FDD-UPRONA étant le seul responsable de la faillite de l’Etat   ne pouvait plus  refuser la rencontre proposée au moment où les caisses de l’Etat sont vides. Il suffisait de sauver les apparences en organisant la rencontre à Bujumbura.

Quant à l’opposition elle est consciente qu’il ne s’agit point des négociations tant réclamées. Mais ne pouvait rater l’occasion de participer à  un atelier de réflexion  sur des sujets qui l’intéressent. Il s’agit d’une opportunité de donner sa contribution dans le débat.

2. Que peut-on attendre de cette rencontre ?

a) Rassembler les hommes politiques burundais constituera en soi une réussite. Le BNUB pourra se féliciter d’avoir brisé la glace.

b) L’arrivée annoncée des leaders de l’opposition en exil si elle se concrétisait  serait un bonus. Le pouvoir CNDD-FDD-UPRONA pourrait afficher aux yeux du monde son prétendu esprit  de tolérance à l’égard de l’opposition et ainsi espérer voir les vannes des bailleurs de fonds s’ouvrir.

Mais l’arrivée de A. RWASA, de L. NYANGOMA, d’A. SINDUHIJE  et  de KAMPAYANO est loin d’être un acquis en l’absence de toute garantie formelle et concrète de sécurité de la part du gouvernement.

c) En ce qui concerne le fond des discussions :

Il serait illusoire de croire que des questions aussi importantes inscrites à l’ordre du jour pourraient être sérieusement étudiées et un consensus trouvé dans un tel cadre en quelques 48 heures à peine, avec plus de 80 organisations politiques et de la société civile.

Le contentieux électoral de 2010 ne pourrait être évacué en quelques heures si l’on veut éviter un remake en 2015.

Les textes de loi (qui ont impact important sur les élections) sur les partis politiques, le code électoral, les réunions publiques, la presse et la révision annoncée de la Constitution nécessiteraient à eux seuls plus de temps que celui prévu pour la rencontre annoncée.

Le consensus sur la CENI à lui seul nécessite des discussions longues et certainement âpres pour éviter que les mêmes hommes produisent les mêmes résultats.

La déclaration du Représentant Spécial du Secrétaire Général des NU au Burundi selon laquelle « S’il y avait des élections organisées maintenant, le Cndd-Fdd est en position de les gagner clairement. Le plus grand danger pour lui, par contre, c’est de se présenter seul aux scrutins… » n’inspire guère d’optimisme. Il est difficile de savoir sur quoi il a basé cette affirmation faite au «Journal IWACU » en février 2013, mais son sens ne prête à aucune ambigüité : les partis d’opposition doivent participer aux élections pour leur donner une légitimité aux yeux du peuple et de l’opinion internationale. Le vainqueur est déjà connu plus de deux ans avant même les élections ; c’est le CNDD-FDD-UPRONA !!

Cette déclaration ne semble avoir choqué personne, car cette attitude semble être devenue  la règle en Afrique où la « fameuse communauté internationale» désigne par avance le parti ou candidat vainqueur !

De sources concordantes, le pouvoir serait prêt à faire quelques retouches du Code électoral : le  bulletin unique serait instauré et les représentants des partis pourraient être pris en charge.

3. L’apport de l’opposition

Il est difficile de savoir la réaction de l’opposition rassemblée au sein de l’ADC-IKIBIRI. Cette opposition malmenée, persécutée, appauvrie et terrorisée, pourrait par épuisement se contenter de ce peu, ce qui mettrait  fin  à la démocratie actuellement agonisante au Burundi.

Si le pouvoir NKURUNZIZA et le BNUB veulent réanimer la démocratie burundaise, la rencontre de 12 et 13 mars devrait servir de « prise de contact ». Et en attendant la suite quelques mesures d’apaisement devraient être prises. Ce sont notamment :

- la libération des prisonniers politiques.

- l’arrêt de la persécution des opposants.

- l’annulation  des poursuites  judiciaires engagées contre les leaders des partis membres de l’opposition.

- la suspension de leurs fonctions de toutes les personnalités impliquées dans les exécutions extrajudiciaires et la mise en place d’une commission internationale d’enquête.

- le retour de tous les leaders politiques en exil dans des conditions de dignité et de sécurité.

- la « restitution » légale des partis à leurs véritables leaders.

- la dissolution des milices du parti au pouvoir, Imbonerakure.

Toute autre attitude rendra la rencontre de Bujumbura soit une mise en scène sadique au  vu de la souffrance de la population ou un fiasco.

Mars 2013.