Le Colonel Epitace Bayaganakandi risque huit ans de prison
Justice

@rib News, 24/04/2013

Le Colonel Epitace Bayaganakandi rattrapé par les affaires

 Le président du parti MRC-Rurenzangemero, le Colonel à la retraite Epitace Bayaganakandi, est empêtré dans une affaire d’escroquerie qui traine en longueur depuis 2002, et dans laquelle il est accusé de faux et usage de faux en écriture et abus de biens sociaux. Ayant longtemps bénéficié de l’impunité et d’un enrichissement indu, l’ancien Chef d'Etat-Major Général de la Gendarmerie risque gros aujourd’hui dans le litige foncier qui l’oppose à Luc Pirard, un citoyen Belge.

Après une décennie d'enquête et de procédure, l’ancien Député et deux fois Ministre est actuellement poursuivi devant le Tribunal de Grande Instance en Mairie de Bujumbura pour « abus de confiance, stellionat et tromperie ». Des chefs d'inculpation pour lesquels le Magistrat instructeur a requis une peine de servitude pénale de huit ans.

Pour essayer de comprendre les tenant et aboutissants de cette histoire, pleine de rebondissements, ARIB.INFO a pu consulter le très volumineux dossier de cette affaire et l’Equipe de La Rédaction s’attèle actuellement à en faire un résumé succinct que nous publierons incessamment.

En attendant, retour sur le parcours et la personnalité du Colonel à la retraite Epitace Bayaganakandi, très connu dans les milieux civils et militaires burundais.

Né le 31 mars 1956 à Mbogora, en commune Nyabihanga, province Mwaro, Epitace Bayaganakandi dont le père est enseignant va commencer l’école primaire à l’âge de 5 ans suivie par une formation secondaire au Petit Séminaire de Mugera et au Collège Notre-Dame de Gitega.

Le 29 août 1975, Epitace Bayaganakandi entre à l’Institut Supérieur des Cadres Militaires (ISCAM). Il est de la onzième promotion. A l’ISCAM, il aurait souhaité suivre la Faculté des Sciences Economiques mais l’autorité académique l’oriente dans les Sciences Fondamentales. Il y poursuit sa formation militaire et universitaire et sort en 1980 avec un diplôme de Licence.

Ce fut le début d’une carrière militaire et politique riche où il occupe des fonctions de commandement dans diverses unités combattantes de l’armée et de la gendarmerie, et des fonctions ministérielles et parlementaire.

En 1993, après les élections, le Président Melchior Ndadaye le nomme chef d’Etat-Major de la Gendarmerie. Il a 37 ans. Le 21 octobre, le Président Ndadaye et ses collaborateurs sont assassinés lors d’une tentative de putsch de l’Armée.

Lorsque Cyprien Ntaryamira est investi Président de la République, le Colonel Epitace Bayaganakandi est nommé Administrateur Général de la Police de l’Air, des Frontières et des Etrangers (PAFE), un poste qu’il va occuper pendant deux ans.

En juillet 1996, de retour aux affaires par un putsch militaire, le Major Président Pierre Buyoya confie au Colonel Epitace Bayaganakandi le ministère de l’Intérieur et de la Sécurité publique, un poste qu’il va occuper jusqu’à la mise en place du Gouvernement de partenariat de juin 1998.

Dans ce Gouvernement, il est nommé Ministre des Transports, Postes et Télécommunications, poste qu’il va occuper jusqu’en janvier 2000. Il va ensuite être nommé aux fonctions d’Administrateur-Directeur Général d’une société parapublique, la Société de Déparchage et de Conditionnement du café (SODECO) située en province de Gitega (centre).

En octobre 2000, six partis politiques Tutsi du Groupe G6 se coalisent pour présenter sa candidature à la Présidence de la République du Burundi, mais c’est finalement le Major Président Pierre Buyoya qui sera choisi pour diriger la première partie de la Transition, au grand dam du Colonel Epitace Bayaganakandi, qui s’y voyait déjà.

Aux élections générales de 2005, il est élu Député. Son parti MRC-Rurenzangemero s’active pour que son chef le Colonel Epitace Bayaganakandi accède au poste de 1er vice-président de la République réservé à un Tutsi. Mais peine perdue car le score du MRC aux élections législatives, moins de 5%, ne lui donne pas automatiquement un poste au gouvernement.

En 2010, le Député Epitace Bayaganakandi va tenter pour la deuxième fois d'occuper la présidence de la République en annonçant sa candidature à la Magistrature suprême. Après les élections communales du 24 mai 2010, le parti MRC va, avec plusieurs autres partis, se retirer de la suite du processus électoral, pour protester contre ce qu’ils considèrent comme un « hold-up électoral ».

Depuis c’est l’inertie totale au niveau politique. Epitace Bayaganakandi va s’occuper essentiellement de ses affaires économiques privées. Profitant de la libéralisation de la filière thé, il installe l’usine Promotion de Thé de Mwaro (PROTHEM), au centre du Burundi, qui est opérationnelle depuis 2011, et dont il est aujourd’hui représentant légal.

Fin novembre 2012, Epitace Bayaganakandi annonce ainsi son retour sur la scène politique. Selon lui, le MRC a suspendu toute activité politique pendant une période de deux ans, afin de protéger ses militants menacés de lynchage au plus fort de la vague d’assassinats des opposants. En mars 2013, il inaugure la nouvelle permanence de son parti en mairie de Bujumbura. Mais selon de nombreux observateurs, une bonne frange de militants du parti MRC a depuis intégré ou réintégré le parti Uprona, en particulier dans son fief de Mwaro.

Mais ce sont ses activités économiques, et non politiques, qui lui valent d’être aujourd’hui sur le banc des accusés. L’homme influent qui avait réussi à se soustraire à la Justice pendant plus d’une décennie, grâce à ses positions et relations, est ainsi rattrapé par une affaire de stellionat, manœuvre frauduleuse qui consiste à vendre un bien dont on sait ne pas être propriétaire.

Le litige que la Justice est appelée à trancher aujourd’hui va révéler à l’opinion que pendant toutes ces années de plomb où le tout puissant Colonel Epitace Bayaganakandi se présentait, sur le devant de la scène, en homme préoccupé par l’avenir de la Nation et du bien-être de ses concitoyens, il manigançait en réalité dans les coulisses des affaires louches d’escroquerie et d’abus de biens sociaux, pour s’enrichir au détriment d’honnêtes gens.

L’ARIB.INFO va incessamment publier les détails de cette affaire qui pousse à s’interroger sur des comportements dévoyés, déviants, frauduleux et incontestablement infractionnels.

Comment une personnalité décrite comme très calme et silencieuse, qui a été à deux reprises candidat à la Magistrature suprême, en est-il arrivé là ? Est-il concevable que cet Officier supérieur ait pu déshonorer à ce point son ancien corps, en ne tenant aucun de ses engagements écrits vis-à-vis d’un associé, quand on connaît la valeur de la parole d’un Officier ? Comment un prétendant hier aux plus hautes fonctions, peut-il se retrouver aujourd’hui dans la peau d’un délinquant ? [TF & MG]

A suivre...  Prochainement sur ARIB.INFO : « L’affaire Gasekebuye », impliquant M. PIRARD Luc, Colonel BAYAGANAKANDI Epitace et l’Etat du BURUNDI.