Nyangoma appelle à un amendement de la Constitution et du Code électoral
Politique

@rib News 28/03/2009

BURUNDI

CONFERENCE DE PRESSE SUR LA NECESSITE D’UN AMENDEMENT DE LA CONSTITUTION ET DU CODE ELECTORAL DE LA REPUBLIQUE DU BURUNDI POUR LE TENUE DES ELECTIONS LIBRES ET IMPARTIALES

 

Le député Léonard Nyangoma et la sénatrice Monique NdakozePar Léonard NYANGOMA

Député et Président du Parti CNDD

 

Bujumbura le 27 Mars 2009

 

0. Introduction

 

Excellence…

Honorables parlementaires

Mesdames, Messieurs les journalistes

Distingués invités,

 

Je vous remercie d’être venus assister à cette conférence. Votre présence témoigne de votre  grand intérêt pour le débat nécessaire autour des textes fondateurs de notre jeune démocratie. Aujourd’hui je me propose d’exposer les motifs majeurs qui justifient l’amendement de la constitution et de notre code électoral de notre pays.

 

A. A propos de la constitution

 

1. L’amendement de la constitution est envisageable parce que toute loi est susceptible de révision : la constitution elle-même prévoit en son titre XIV, les conditions de sa révision ; mais surtout parce qu’il y a dans la constitution   des insuffisances et des imperfections qu’il convient de corriger pour enraciner davantage notre démocratie.

 

2. En général, on peut distinguer deux types de révision constitutionnelle : d’une part celle destinée à corriger les lacunes et les insuffisances observées  dans le fonctionnement des institutions et l’application  de la constitution, et d’autre part celle qui marque un tournant décisif dans l’orientation du régime. Celle que nous proposons relève de la première catégorie.

 

3. Le premier motif est politique et concerne la Commission Electorale Nationale Indépendante-CENI. Organe clé dans la compétition politique, la commission électorale est souvent, et c’est normal, l’objet de disputes, parce que sa partialité peut fausser le jeu démocratique. C’est pourquoi les textes la régissant doivent être à la fois clairs, complets et surtout prévoir des dispositions garantissant son honnêteté, son équilibre, sa compétence et son efficience. Or, nous pensons que ce n’est pas le cas pour notre CENI, aussi bien au niveau de la loi fondamentale qu’à celui du code électoral.

 

Vue partielle de la presse internationale4. Certes nous avons enregistré une avancée avec le décret rendant la CENI permanente, mais il faut aller encore plus loin. Pour la rendre plus efficace, il faut augmenter le nombre de ses membres. Notre demande d’augmentation du nombre de membres est fondée sur le volume  élevé des tâches dévolues à cet organe.

 

5. Dans les pays francophones, les CEI sont nommés par le Président de la République : au Sénégal, au Cameroun, en Guinée  ou désignés par l’Assemblée Nationale au Togo et en Côte d’Ivoire. Mais dans la plupart des cas c’est une large concertation qui précède la nomination ; soit des principaux acteurs politiques, soit des associations ou organisations de la société civile ou des deux.

 

6. Ce qui est essentiel à nos yeux, c’est le souci d’avoir une CENI politiquement impartiale. Cela ne saurait être garanti si une seule famille politique, fût-ce celle du chef de l’Etat, avait le monopole de la désignation des membres de la CENI. La postulation d’une CENI indépendante sera respectée, à notre humble avis, s’il  y a une large concertation, mieux, s’il y a une parité entre les membres désignés par la majorité et ceux désignés par l’opposition parlementaire.

 

7. Ce souci d’équilibre nous pousse donc à proposer  l’amendement de l’article 90 afin que la CENI comprenne 5 personnalités  désignées par le parti ou la coalition au pouvoir, 5 par les membres de l’opposition parlementaire, 2 membres de la société civile et un magistrat, tous connus pour leur intégrité morale, leur indépendance et leur impartialité.

 

8. L’autre changement majeur que  nous jugeons nécessaire concerne la création du poste de Premier Ministre à la place d’un des deux vice-Présidents. En effet, la situation actuelle dilue le leadership gouvernemental avec un président et deux vice-Présidents.  Qui exactement engage la responsabilité gouvernementale devant le Parlement ?  Pour mettre fin à cette situation pour le moins confuse, nous pensons qu’il faut revoir notamment les articles 92  et 108 et instaurer un Premier Ministre chef du gouvernement, issu de la majorité parlementaire, qui peut engager sa responsabilité en posant la question de confiance et éventuellement essuyer une motion de censure. De plus l’article 129 pourrait être modifié pour que n’entrent au gouvernement que les partis ayant réuni 10% au moins des votes. Cela évitera ou limitera la cacophonie au gouvernement.

 

 9. Outre ces amendements, nous proposons des dispositions visant notamment à :

 

- Prévenir le régionalisme

- Donner plus de clarté et de précision à certains articles

- Sanctionner le non-respect de la disposition relative à la déclaration du patrimoine, nécessaire pour la prévention de l’enrichissement illicite

- Donner à la CENI un délai suffisant pour préparer les élections

- Prévenir les risques de conflit en cas de cohabitation entre un Président de la République et un Premier Ministre issus de deux familles politiques

- Donner plus de précision à l’article relatif à la déclaration de patrimoine

- Prévenir d’éventuels engagements irréalistes du gouvernement ou du chef de l’Etat en cours d’exercice budgétaire.

- Encadrer les finances en cas d’augmentation subite des recettes  de l’Etat

- Soumettre le CNC, un organe important de régulation de la démocratie, à l’approbation du Sénat pour s’assurer de la qualité de ses membres (187).

- Ajouter un article pour : Préciser les modalités et les effets d’une motion de censure ; Renforcer le contrôle de l’action gouvernementale par le Législatif (après l’article 203)

- Ajouter un article pour : Donner au Premier Ministre les moyens de jauger la confiance dont jouit son gouvernement par la question de confiance et d’en tirer les conséquences politiquement (après le précédent)

- Ajouter un article pour renforcer les pouvoirs et l’indépendance de la magistrature

- Relativiser le poids du Gouvernement dans la désignation des membres du Conseil Supérieur de la Magistrature, ce qui renforce l’indépendance du pouvoir Judiciaire ; Equilibrer au sein du Conseil Supérieur de la Magistrature la représentativité des divers secteurs du Judiciaire (217)

- Donner à l’Ombudsman, institution constitutionnelle, et aux partis politiques, animateurs clés de la vie politique de la nation, la latitude de saisir la cour constitutionnelle aux fins d’interpréter la constitution (228)

- Supprimer le caractère irrévocable au premier degré des décisions de la Cour constitutionnelle. Sauvegarder une possibilité de recours devant la Haute Cour de justice au nom du principe de double juridiction (231)

 

Voilà, Excellences, Mesdames et Messieurs, les motifs  qui justifient notre désir de voir amendée notre constitution.

 

B. Au sujet du Code électoral

 

Vue partielle de la presse nationale0. La loi N° 1/ 015 du 20 avril 2005 portant code électoral de la République du Burundi a besoin d’être amendée pour de nombreuses raisons. L’objectif est de combler les multiples lacunes constatées. Les ajouts et modifications proposés visent principalement les buts importants résumés ci-après.

 

1. Il s’agit notamment d’expliciter et clarifier la nature, la composition et les attributions de la Commission électorale Nationale indépendante ce qui nous a amené à proposer près de vingt articles nouveaux la concernant.

 

2. Véritable centre névralgique des élections, cet organe est généralement l’objet de conflits. Pour prévenir les récriminations, il est souhaitable qu’elle soit politiquement paritaire, afin de garantir son équilibre et son impartialité.

 

4. Le renouvellement partiel de ses membres permettra la rotation en évitant une déperdition de l’expérience acquise.

 

5. L’autonomie et la budgétisation des charges de la CENI  sont nécessaires pour lui donner l’indépendance et la capacité d’anticipation  nécessaires à ses missions.

7. Il faut veiller à donner le temps suffisant aux électeurs et aux organisateurs de prendre toutes les dispositions pour être prêts le jour J. La CE NI  doit s’assurer que l’organisation  connaît des avancées dans les préparatifs avant de convoquer le corps électoral.

 

8. Le fichier électoral est fondamental. Il faut s’assurer qu’il ne sera pas truqué. Il serait important que la composition des commissions chargées du fichier électoral soit précisée dans le Code Electoral. Les modalités de son élaboration ne peuvent être du seul ressort de la CENI. La présence des membres des partis pourrait contribuer à l’engouement de la population à se faire inscrire.

 

9. Un fichier électoral permanent est plus fiable et moins onéreux qu’un fichier ponctuel et propre à chaque élection. Cette permanence  est un gain de temps et d’argent.

 

10. Un contrôle avant la délivrance de la carte d’électeur  est nécessaire. Elle ne peut donc pas être délivrée sur place et avant de donner la carte définitive il faut s’assurer qu’il n’y a pas de doublons, d’inscription frauduleuse d’étrangers ou de mineurs.

 

11. Les règles relatives à la tenue du fichier électoral doivent être spécifiées dans le Code électoral. On ne saurait  laisser la CENI faire comme bon lui semble sans garde-fous.

 

12. Il faut que les électeurs et les partis politiques aient le temps de prendre connaissance des listes électorales et d’introduire des recours s’il y a lieu.

 

18. Le Bulletin unique : Il est absolument nécessaire pour éviter la violation du secret électoral marquée par la sortie des bulletins des candidats non choisis comme l’atteste le rapport de la CENI de déc. 2005 : « En effet, il a été constaté certaines pratiques de nature à refléter des irrégularités comme le fait de rentrer avec des bulletins comme témoignage sur les partis pour lesquels on n'a pas voté ce qui pouvait donner lieu à un contrôle en dehors des enceintes directes des lieux de vote. »

 

19. L’insuffisance des bulletins de vote dans des bastions de l’opposition est un des trucs utilisés pour frauder. Il faut donc poser des balises contre cette éventualité.

 

20. Garantir l’équilibre politique des bureaux de vote permet de prévenir toutes sortes de fraude et la manipulation des résultats électoraux.

 

21. Il faut préciser les délais de transmission et les modalités de répartition des procès verbaux.

 

22. Il est important de renforcer le pouvoir de contrôle de tous les protagonistes impliqués dans les élections et de leurs donner les moyens de leurs recours éventuels car en cas de recours, seuls les écrits sont pris en compte.

 

Excellences, Honorables, Mesdames Messieurs les journalistes,

Nos propositions d’amendement du code électoral, que ce soit la série d’articles ajoutés ou les modifications, n’ont d’autre but que  d’aller vers des élections libres, transparentes, équitables pour tous. Le désaccord sur les fondements de notre démocratie ne saurait être ignoré. Et c’est en discutant, franchement, logiquement, en visant l’intérêt général, que nous finirons par accorder nos points de vue

 

Conclusion

 

Nous en convenons, on ne doit penser à modifier la constitution qu’avec une extrême prudence. Mais la loi, même fondamentale, est faite pour les hommes, pour le bon fonctionnement des institutions. C’est donc dans ce but que nous proposons des amendements. Une CENI fiable et équilibrée, justifie une révision de la loi fondamentale et de la loi électorale.

Au sujet de cette dernière, de nombreux aménagements sont, nous l’avons souligné, d’une urgente nécessité. De la liste électorale au bulletin unique de vote, de l’observation des élections à la répartition des procès-verbaux, aucune précaution ne pourrait être de trop.

En outre et parce que tout ce que nous faisons doit être compris par le peuple burundais et en particulier les acteurs politiques, tous les textes et autres documents en particulier à  caractère législatif doivent avoir une version en langue nationale le Kirundi. Les pouvoirs publics ont notamment le devoir de vulgariser ces textes et  se donner le temps nécessaire pour que la population puissent les assimiler.

Voilà pourquoi mon parti, le CNDD, entend se joindre aux autres partis et organisations de la société civile soucieux de garantir des bases solides à notre démocratie multipartite, afin qu’ensemble nous prenions les initiatives nécessaires pour faire aboutir ces amendements tant souhaités.

 

Je vous remercie.

 

                                                            BUJUMBURA, le 27 Mars 2009

                                                            Député, Léonard NYANGOMA