Burundi : prison pour des jeunes s'étant opposé à une expulsion
Justice

@rib News, 05/06/2013 – Source AFP

Vingt-trois jeunes Burundais ont été condamnés à des peines allant de deux à trois ans de prison ferme pour s'être opposés par la force fin mai à Bujumbura à l'expulsion d'une famille tutsi d'une maison devant être rendue aux héritiers d'un Hutu « spolié » durant les massacres de 1972, a annoncé mercredi le Procureur de Bujumbura.

« Le Tribunal de grande instance de Bujumbura a jugé hier dans une procédure de flagrance, 24 jeunes arrêtés; 19 ont été condamnés à 3 ans de prison ferme, quatre autres à 3 ans avec un sursis d'une année et le dernier, qui a des problèmes mentaux, a été jugé incapable », a annoncé le Procureur Arcade Nimubona.

Les prévenus ont été condamnés pour « rébellion, coups et blessures volontaires et outrage à l'autorité publique », a-t-il poursuivi.

Une vingtaine de civils et quatre policiers burundais avaient été blessés le 28 mai dans le quartier Tutsi de Ngagara, dans le Nord de Bujumbura, lors d'affrontements entre une centaine de policiers et un millier de jeunes qui tentaient de s'opposer à l'expulsion d'une famille du quartier.

La mesure avait été décidée par la Commission nationale Terres et autres Biens (CNTB) - chargée de régler les conflits fonciers issus de différentes crises qu'a traversées le Burundi - afin de restituer aux ayant-droits d'un Hutu tué lors des massacres de 1972 la maison où vivait cette famille Tutsi, qui affirmait l'avoir acquise légalement.

En 1972, après plusieurs années de tensions ethniques parfois meurtrières, une insurrection hutu avait éclaté au Burundi contre le pouvoir alors aux mains de la minorité tutsi (14% de la population actuelle), marquée par des tueries de Tutsi.

La répression de cette insurrection s'était rapidement muée en massacres systématiques des membres de l'élite hutu instruite, faisant, selon les estimations, entre 100.000 et 300.000 morts et poussant des centaines de milliers de Hutus à l'exil.

Certains ne sont rentrés que récemment au Burundi, théâtre de nouveaux massacres notamment en 1988 puis de dix ans de guerre civile entre 1993 et 2003.

De nombreux Tutsis accusent désormais la CNTB de favoriser systématiquement « les rapatriés hutu, sans tenir compte des acquéreurs de bonne foi ».

Selon Pacifique Nininahazwe, l'un des principaux leaders de la Société civile burundaise, cette décision de la Justice burundaise va « creuser un peu plus le fossé ethnique qui commence à se manifester entre Hutu et Tutsi à cause des décisions de la CNTB qui favorisent un groupe au détriment de l'autre ».