Présidentielles 2015 : Y aura-t-il un "Macky Sall" burundais ?
Opinion

@rib News, 09/06/2013

La Une qui n’a pas fait la première page :

Ikibiri présentera un seul candidat présidentiable en 2015

Par Thierry Uwamahoro

L’actualité burundaise est dernièrement dominée par des sujets chaudement inflammables – la CNTB et l’expulsion injuste de Nyakabeto, la loi « liberticide » sur la presse que les partenaires du Burundi rejettent ou regrettent, la fermeture du site et forum Iwacu mais qui reviennent sous complicité des « anonymes » – qu’une information très importante et très conséquente qui a filtrée de la bouche d’Alexis Sinduhije n’a pas fait la Une des journaux.

C’est en effet durant l’émission Kabizi de la RPA de ce Jeudi, 6 juin 2013 que le président du MSD, parti membre de l‘ADC Ikibiri, a annoncé que l’Alliance des Démocrates pour le Changement présentera un seul candidat présidentiable en 2015. Le lendemain, une page Facebook dénommée « Sinduhije » affichait le message : «Abarundi Bose Babimenye Muri Adc Ikibiri tuzotanga umu candidat umwe muri 2015» (Que tous les Burundais soient certains, ADC Ikibiri présentera un seul candidat en 2015).

Depuis un certain temps, des gens se lamentaient que trois ans après, l’ADC Ikibiri passait plus de temps à parler de 2010 au lieu de se focaliser sur le présent et l’avenir (2015), en présentant des solutions aux défis du moment et un projet de société pour un Burundi futur prospère. Les récentes discussions fructueuses facilitées par les Nations Unies commençaient à indiquer dernièrement un regard définitif vers le futur et la déclaration de Mr. Sinduhije tranche clairement que les dés sont jetés pour un 2015 hautement compétitif. Et c’est le peuple Burundais qui gagne.

Depuis que Pierre Nkurunziza a pratiquement annoncée sa candidature à sa deuxième propre succession en 2015 dans une interview à  Jeune Afrique, l’annonce de Mr. Sinduhije clarifie d’avantage le panorama des prochaines élections présidentielles. Il  y aura principalement trois blocs : Le CNDD-FDD avec Mr. Nkurunziza comme candidat, l’ADC avec un seul candidat, et je suppose l’UPRONA. Des trois blocs, l’UPRONA est le moins mieux placé pour gagner les présidentielles et pourrait en sortir d’ ailleurs le plus affaibli politiquement (j’y reviendrai). En réalité la compétition sera un duel ADC Ikibiri – CNDD-FDD.

Il y a deux mois, je prédisais "une présidence de Mr. Nkurunziza jusqu’en 2020"*. Comme toujours, les pronostics sont basés sur les conditions et les facteurs détectables au moment de la pronostication. La déclaration de Mr. Sinduhije change la donne et présage une élection présidentielle très compétitive. La campagne pourra être une où les idées et les projets de société priment, aucune voix ne sera pris pour gratuit et la capacité organisationnelle de toutes les forces d’Ikibiri au niveau national et international réunit derrière un(e) seul(e) homme/femme donnera au CNDD-FDD du fil à retordre ; n’en déplaise les Imbonerakure.

En outre, les dissensions internes au CNDD-FDD pourraient faciliter la tâche à la coalition Ikibiri ; certains Bagumyabanga frustrés pourraient soit s’abstenir, soit voter pour le candidat de l’ADC. Les dernières fuites des Abagumyabanga laissent entendre l’existence de plusieurs blocs (des fois régionaux) qui se disputent la candidature présidentielle de 2015. La clique Nkurunziza essaierait d’imposer coûte que coûte leur candidat en violation des Amasazerano (Accords) signés durant le maquis  où les anciens rebelles se sont promis une alternance au sommet de l’Etat une fois la guerre terminée et la première élection gagnée. Selon une source très crédible d’une ambassade hyperpuissante à Bujumbura, Gabriel Ntisezerana, président du Sénat, se positionne comme candidat neutre en tant qu’originaire de Bubanza et cherche activement un support dans les chancelleries de Bujumbura. Mr. Gervais Rufyikiri à son tour n’a pas non plus assouvis ses appétits présidentiels et aurait utilisé son récent voyage à Washington et New York pour faire avancer son agenda. Mais, là ce sont  des informations qui ne sont pas encore du domaine public, du moins officiellement. En tous cas, si tout se confirmait, il y a une forte possibilité que l’ADC en sorte gagnant, si elle présente des solutions alternatives crédibles aux défis burundais en 2015.

Le pari n’est pas pourtant nécessairement gagné d’avance. Une élection compétitive ne garantit absolument pas la victoire de la coalition des démocrates. Mr. Nkurunziza bénéficie toujours de deux atouts non des moindres : finance et logistique (il utilisera les moyens de l’Etat par exemple) et un pouvoir judiciaire qui laisse point de doutes votera avec le président sortant en 2015. Nonobstant, si les finances et le soutient du pouvoir judiciaire suffisaient pour être réélu président à un troisième mandat, Abdoulaye Wade serait président du Sénégal. L’annonce de Mr. Sinduhije nous ouvre la possibilité d’un Macky Sall burundais. Les ténors de l’ADC en ont le calibre.

Revenons sur le cas UPRONA. Depuis un certain temps, ce parti dinosaure de l’histoire contemporaine du Burundi se présente comme un partenaire incontournable dans la gestion du pouvoir à Bujumbura en se positionnant comme garant des intérêts Tutsi et conséquemment héritier de la première vice-présidence (cette institution qui semble par ailleurs être un cadeau empoisonné qui divise les héritiers de Rwagasore). Cependant, un Président de la République Bamvuginyumvira, Kampayano, Nyangoma, Rwasa, Nzomukunda, ou Ngendakumana pourra nommer un premier vice-president Sinduhije ou Nyamoya (qui aura fait campagne avec lui/elle) sans violation aucune de l’article 124 de la Constitution de la République du Burundi qui stipule que :

« Les Vice-Présidents appartiennent à des groupes ethniques et des partis politiques différents.
Sans préjudice de l’alinéa précédent, il est tenu compte, dans leur nomination du caractère prédominant de leur appartenance ethnique au sein de leurs partis politiques respectifs ».

Si l’ADC gagnait les élections en 2015, pour la toute première fois dans une très longue période, l’UPRONA – qui des fois ne peut dire si il est dans l’opposition ou au gouvernement – sera effectivement un parti politique d’opposition. Peut-être une occasion de se regrouper.

Dans la foulée des unes de l’actualité récentes, les unes plus chaudes que les autres, l’annonce faite par Mr. Sinduhije n’aurait pas reçue l’attention qu’elle mérite. Cette annonce aura sûrement des impacts significats dans les jours, mois, et années à venir. L’ADC pourrait aller même plus  loin et adopter la même stratégie de candidats/listes communs pour les élections législatives ; une stratégie qui, une fois réussit, réanimera la vie et le débat démocratiques au Burundi. Le futur du Burundi comme pays prospère, des libertés, et flambeau de la démocratie en dépend.

* Pourquoi Nkurunziza n’est ni Bozizé, ni Gbagbo et Présidera jusqu’en 2020