Appel au Pape François pour la survie du Centre Jeunes Kamenge
Société

MISNA, 6 Novembre 2013

BURUNDI : À RISQUE DE FERMER SES PORTES, LE CENTRE KAMENGE ÉCRIT AU PAPE

 “François, je t’écris de très loin, d’Afrique, du cœur de l’Afrique, le Burundi” : c’est en ces termes que commence la lettre que père Claudio Marano (photo), missionnaire xavérien qui gère depuis 22 ans le Centre Jeunes Kamenge, au nord de la capitale Bujumbura, a écrite au Pape François. Il s’agit d’un triste appel pour la survie du Centre, devenu un point de repère important dans la vie de 42.000 jeunes d’un pays où la guerre civile n’a pris fin qu’il y a 10 ans et qui peine à recouvrer la paix.

“Nous avons un budget annuel de 450.000 – 500.000 euros et, en dépit de difficultés croissantes, nous parvenons à joindre les deux bouts (…). Ton arrivée à Rome nous a donné du courage et une grande joie. Paix, simplicité, travailler avec tous. Nos programmes aussi sont comme ça”, poursuit père Marano dans sa missive.

Fondé en 1992, soit un an avant le coup d’Etat qui allait renverser le premier gouvernement démocratiquement élu de Melchior Ndadaye, le Centre s’étend sur deux hectares dans le diocèse de Bujumbura, dans la périphérie nord de la capitale, la plus pauvre et oubliée de toutes où se trouvent les quartiers de Buterere, Cibitoke, Gihosha, Kamenge, Kinama et de Ngagara.

Bibliothèque, football, musique, cours d’informatique : tout le cursus formatif des jeunes – âgés de 16 à 30 ans – dépend du Centre Kamenge. Leur avenir est étroitement lié à celui du Centre, de plus en plus à risque de devoir fermer ses portes comme conséquence directe de la crise économique et de la suppression draconienne de subventions au secteur de la Coopération décidée par l’Italie depuis 2008.

Le Centre peine depuis six ans à rassembler les ressources nécessaires pour poursuivre ses activités didactiques et culturelles, ainsi que les importantes campagnes de sensibilisation, comme par exemple celle sur le sida. Il manque encore 100.000 euros au Centre pour l’année 2013.

Le missionnaire xavérien dénonce “l’absence de l’Italie institutionnelle depuis 10 ans”, c’est-à-dire depuis sa dernière intervention de quelques milliers d’euros pour réparer les toits de certaines habitations. Il y a quelques mois, le gouvernement italien a répondu à la négative à la demande présentée par le Centre Kamenge pour avoir sept tonnes de riz. La décision du ministère italien des affaires étrangères d’inscrire le Burundi sur sa liste des pays à “risque élevé” pour la sécurité de ses ressortissants a par ailleurs contribué à augmenter l’isolement du centre en le privant ainsi du soutien de volontaires.

Dans sa lettre au pape François, père Claudio observe au contraire que l’Afrique “ne doit pas être considérée comme une terre de violence et de martyre, mais pleine de vie et de jeunesse”, et cette jeunesse doit être protégée et valorisée pour offrir de grandes possibilités au continent. “Nous voulons garder nos jeunes ici. Ils ne faut pas qu’ils se mettent à rêver de partir ailleurs, ils ne doivent pas penser qu’en partant pour l’étranger, ils seront sauvés”, insiste le missionnaire xavérien.

Quelques semaines après le drame des migrants à Lampedusa, père Claudio à Bujumbura met l’accent sur la nécessité que “l’Italie et l’Union européenne doivent comprendre que pour éviter des tragédies de migrants comme celle-ci, elles doivent œuvrer pour la formation et la paix des peuples africains. L’Afrique n’est pas et ne doit pas être Lampedusa”.

En 2002, le Centre Kamenge a gagné le Prix Nobel alternatif de la Paix, plus particulièrement pour le refuge de bonheur qu’il a représenté pour des milliers de jeunes pendant les années sombres de la guerre civile et pour s’être trouvé sur la ligne de front des combats entre hutus et tutsis, avant qu’ils ne se réconcilient. (VV/CN)