Les mensonges sur l’assassinat du président Ndadaye ont la vie dure
Question à La Une

@rib News, 08/11/2013

Dans le sillage du 20ème anniversaire de la mort de Melchior Ndadaye :

des vérités sur certains mensonges.

Par Salvator SUNZU, journaliste

 Cela fait plus d’un mois que le pays a célébré le 20ème anniversaire de l’assassinat ignoble de feu Président Melchior Ndadaye. Des vérités, des contre-vérités, voire des mensonges ont été dits et écrits. Certains excès dans le traitement médiatiques de la crise de l’après Ndadaye ont été dénoncés. Avec un certain recul, certaines émissions, par leurs lectures croisées et la variété des invités se recentrent de plus en plus. D’autres, sont restées d’une médiocrité déconcertante et ne font qu’épaissir la confusion sur les circonstances et les mobiles de l’assassinat du premier président démocratiquement élu du Burundi. Certains des faits supposés, des accusations malveillantes ont été imaginées pour des fins de manipulation.

La stratégie de la rumeur permanente

Les amis et proches de Ndadaye ont été formels à travers leurs interventions dans les médias: le putsch était sur toutes les lèvres. Certains ont témoigné des efforts et des initiatives entreprises pour informer le président de l’imminence d’un putsch. Mais celui-ci donne l’impression d’être resté sourd. Et d’aucuns concluent à un manque d’expérience patent de la part du tout nouveau président. Ils n’ont pas tord. Ils n’ont pas tout à fait raison non plus. Depuis la victoire de Melchior Ndadaye, voire même avant, les rumeurs de coup d’Etat étaient permanentes. Surtout après la tentative que l’on a attribué à SINING et consort.

Cette permanence de la rumeur a quelque peu réduit la vigilance des services de renseignements. Tout fut dès lors sur le compte de la rumeur. Même le vrai coup d’Etat fut mis dans ce même registre. Ce n’est pas pour expliquer, ni pour dédouaner qui que ce soit. Rien en matière de sécurité et de renseignement ne doit être négligé. C’est un principe de base. N’empêche que le président Ndadaye et son équipe soient tombés dans le piège. La stratégie de la rumeur permanente a payé. Et les victimes en ont payé le prix le plus fort.

Demain et aujourd’hui, ce sera ainsi : chaque niveau de responsabilité s’accompagne d’un  niveau correspondant de prudence sécuritaire. Mais au-delà des prudences nécessaires, Melchior Ndadaye a été victime aussi de son humanisme qu’il s’efforçait de lire et d’imposer à tout être humain, son semblable. L’audace des putschistes, leur animosité est allée au-delà de ce qu’il pouvait s’imaginer.

Des rumeurs sur fond d’un climat délétère.

De juin à octobre 1993, trois phénomènes de déstabilisation ont pu être observés.  

Il y a eu d’abord le phénomène des feux de brousse. Sur toutes les parties du territoire national, ce phénomène fut constant. Des feux étaient allumés partout, dévastant les forêts, les brousses er broussailles. Les détracteurs de Ndadaye disaient alors que c’est de ce ‘’Burundi qui brûle’’ (Uburundi busha) au lieu du ‘’Burundi nouveau’’ (Uburundi busha ou Uburundi Bushasha) dont le candidat Ndadaye aurait été le prophète lors des campagnes  de son parti. Ils ont exploité le contenu polysémique et plurivoque du terme ’’busha’’- qui se traduit en même temps ‘’nouveau’’ et ‘’qui brûle’’. Il ne s’agissait point de ces feux accidentels que l’on observe généralement durant la saison sèche et qui sont généralement allumés par des éleveurs à la recherche d’une herbe tendre enrichie par des cendres. Ce phénomène faisait peur et créait un malaise social profond.

Le deuxième phénomène  est celui de la profanation des tombes à Nyabaranda, principal cimetière de la ville (Bujumbura) de l’époque. Des gens allaient ouvrir les tombes d’une manière permanente et exposait les dépouilles mortels en l’air. C’était inhabituel. Et tout cela était perçu comme des signes d’un apocalypse qui s’annonçait. Et tous ces phénomènes s’intensifiaient avant que Ndadaye Melchior ne prête serment. Ce qui était troublant, c’est que, de ces malfaiteurs, personne ne fut interpellé. De là à penser que l’administration UPRONA était complice, il n’y avait qu’un petit pas à faire.

Le troisième phénomène est celui des sorcelleries, surtout en province de Muyinga. Le phénomène n’a jamais été élucide.

Les trois phénomènes ont eu quelque chose de commun : au lendemain de l’assassinat de Ndadaye, tous s’estompèrent. De plus ils frappaient et troublaient l’esprit des citoyens, de part leur caractère nouveau. Ils créaient un climat sociopolitique délétère, malsain qui n’augurait point des lendemains qui chantent. Ils portaient ainsi ombrage à la victoire de la démocratie.

D’imaginaires tronçonneuses

Au lendemain du putsch terriblement sanglant du 21 octobre 2013, des ponts furent détruits par des paysans dans certains coins du pays. Des arbres sur le long de certaines routes furent coupés.  Pour eux, l’assassinat de Ndadaye était aussi leur propre assassinat. Il marquait le début d’un massacre à grand échelle. Depuis les années 60, ils le savaient, et personne d’autre de l’extérieur, fût-il du FRODEBU, ne devait le leur apprendre. Equipés d’outils rudimentaires, les haches notamment, les paysans ont pris leur sécurité en main. Ils ont barrés les routes avec des tronçons d’arbres pour empêcher les militaires de venir les tuer et de secourir les tutsis qui se faisaient aussi massacrer.

Face à la puissance réactive des paysans hutus, les putschistes n’y ont vu que du feu. En fait, ils ne mesuraient pas l’état de frustration de ces populations généralement si paisibles. C’est ainsi que l’idée des tronçonneuses est nées : le gouvernement, ou plutôt le Parti FRODEBU avait acheté des tronçonneuses (en prévision d’on ne sait quel évènement), disent ses détracteurs et putschistes de tout acabit. La tronçonneuse ne fait parti et n’a jamais fait parti des outils de travails des Burundais. S’ils avaient été importés, il doit y avoir des traces, et l’on peut défier qui que ce soit d’en montrer une seule. Aucun paysan ne sait utiliser la tronçonneuse. Et aucune tronçonneuse n’a été exhibée pour étayer les thèses de leur existence chez les petits paysans hutus.

Alors que cette diatribe faisait partie de toute une panoplie d’astuce pour justifier l’injustifiable au lendemain du putsch de Ndadaye, il y a des têtes, d’apparence bien pensante, qui, vingt après la tragédie, continuent à la soutenir aujourd’hui.

Du faux code à une vraie CODDE

On attribue ce code tantôt à Niyonkuru Shaddrack, ancien président du PP, tantôt au FRODEBU de Melchior Ndadaye.  Personnellement j’ai eu souvenir d’avoir lu un papier qui avait trait à ce ‘’code’’ là dont s’est fait écho, certains média, un écho malveillant qui remonte aux articles vicieux des journaux  "Carrefour des idées", "La Nation", ‘’l’Etoile’’. Du code il n’en a jamais été question. Il était question de la "CODDE" qui n’était autre chose que la C0alition Des DEmocrates. C’était en fait une coalition formée d’une manière informelle par le Frodebu de Melchior Ndadaye, RPB d’Ernest Kabushemeye et le PP de Niyonkuru Chaddrack. La date du 1er juin n’est qu’une référence par rapport à l’objet de la coalition. L’élection présidentielle s’est en effet déroulée le 1er juin. Le dit code, effectivement initié par Niyonkuru Schaddrack était une consigne de vote pour le premier juin. C'est-à-dire que tous les trois partis s’étaient donné comme mot d’ordre d’élire un seul candidat pour cette élection du 1er juin. C’’est cela le fameux code qui, même aujourd’hui continue à faire l’objet de spéculations. Cela, je le tiens de Schaddrack Niyonkuru lui-même, suite à un écrit que j’avais lu moi-même à ce propos.

Pourquoi cette coalition de circonstance n’a pas fait long feu et inconnue par certains, y compris des ténors du Frodebu ? Car c’était une coalition de circonstance, d’une part, et que d’autre part, il s’agissait pratiquement d’un accord informel. L’ancien président du PP a écrit un papier à ce propos pour la simple raison que c’est lui qui voulait en tirer profit directement et il tenait d’avoir une preuve si jamais le Frodebu lui faisait fausse route. C’est à partir de cette COODE que Niyonkuru Schaddrack et Ernest Kabushemeye ont eu des postes au premier gouvernement de Ndadaye. Sinon les voix du FRODEBU étaient suffisantes pour former un gouvernement à lui seul.

Voilà des réponses à certaines des scories nauséabondes charriées par des personnages d’allure pourtant respectable. Les élaguer est un devoir. Retranchées dans des tranchées de l’arrière garde, ces personnages  n’ont pas vu que, depuis 1993, les lignes de front se sont déplacés sur un plus viable : celui de véritables débats et de la recherche de la vérité. Cette dernière sera un mirage aussi longtemps qu’il y a des gens qui pensent obstinément, et contre toute logique que cette vérité là passe par le mensonge.