Belgique : Les lettres burundaises à l’honneur
Société

La Libre Belgique, 12 novembre 2013

Coup de projecteur sur la - mince - littérature burundaise.

Les éditions M.E.O et Archives et Musée de la Littérature (de la Bibliothèque royale de Belgique) publient un essai sur la littérature burundaise en langue française, ainsi que le premier roman francophone de ce pays, "L’homme de ma colline".

L’auteur de cette anthologie critique s’interroge sur les causes de la "quasi inexistence du Burundi sur le plan littéraire" : la politique coloniale belge "pas d’élite, pas de problème" ? L’indifférence des autorités traditionnelles pour la littérature ? La répugnance des élites burundaises à encenser l’œuvre belge ? Le manque de structures éditoriales ? La censure exercée par les régimes dictatoriaux post-indépendance ? Mais toutes valent aussi pour le Rwanda (sauf la deuxième) et le Congo, où la création littéraire fut bien plus abondante, note l’auteur sans trouver de réponse satisfaisante à la pauvreté littéraire du Burundi.

Raison de plus pour étudier ce qui existe - ce que fait l’auteur, passant de la littérature traditionaliste née à l’ombre des Pères Blancs, célébrant la vache ou recensant les proverbes qui reflètent la culture rurale burundaise, aux œuvres plus politiques qui virent le jour à la fin de la période coloniale ou après les massacres qui ont ensanglanté le Burundi indépendant.

Joseph Cimpayé, auteur du premier roman burundais, est précisément décédé en 1972, exécuté alors que débutent les sanglants événements que d’aucuns considèrent comme un génocide contre les Hutus de ce pays, même s’il n’a pas été reconnu officiellement comme tel.

"L’homme de ma colline" avait été écrit l’année précédant la disparition de l’auteur, alors que ce dernier effectuait une peine de prison pour "atteinte à la sûreté de l’Etat", alors aux mains d’une dictature militaire. Celui qui fut le premier Premier ministre du Burundi était, lors de sa première incarcération, chargé des relations publiques de la Sabena. Gracié à la mi-1971, il sera réarrêté le 2 mai 1972 et son exécution annoncée par la radio officielle, sans explication, quatre jours plus tard…

Le roman évoque les traditions rurales du Burundi des années 30 et l’émigration de paysans - coincés entre l’autorité des chefs traditionnels et celle des colons - vers l’Ouganda, recrutés par des passeurs à la recherche de main-d’œuvre bon marché. Premier roman francophone de ce pays, l’œuvre a été écrite dans un français qui entend garder sa "burundité" parce qu’il veut mettre en valeur la richesse de la culture locale. Sa rédaction achevée, le roman "n’a jamais pu être publié pour des raisons multiples", explique, en postface, le frère de Joseph Cimpaye. Voilà qui est fait, quarante ans après.

Marie-France Cros

La littérature de langue française au Burundi Juvénal Ngorwanubusa M.E.O et Archives et Musée de la Littérature 322 pp., env. 22 €

L’homme de ma colline Joseph Cimpaye éditions M.E.O et Archives et Musée de la Littérature 146 pp., env. 18 €