Jacob Zuma, un tribun controversé élu président de l'Afrique du Sud
Afrique

@rib News, 06/05/2009 – Source AFP et Reuters

Jacob Zuma juste après son électionLe Parlement sud-africain a élu mercredi Jacob Zuma à la présidence du pays après la retentissante victoire de son parti, le Congrès national africain, aux législatives du 22 avril.

Pour le chef de l'ANC, qui prêtera serment samedi, cette élection couronne un retour en force exceptionnel après huit ans de démêlés judiciaires face à des accusations de corruption.

Zoulou âgé de 67 ans, Zuma devient le quatrième président de la "nation arc-en-ciel". Cet autodidacte à la personnalité controversée a obtenu 277 voix, contre 47 pour Mvume Dandala, candidat d'une faction dissidente de l'ANC.

Jacob Zuma tire sa force d'un solide soutien populaire : il a survécu à un procès pour viol, à des années d'enquête pour corruption et à un duel qui a laissé un chef de l'Etat sur le carreau.

Son parti, le Congrès national africain (ANC) ultramajoritaire depuis la chute de l'apartheid en 1994, a été reconduit au pouvoir avec 65,9% des suffrages.

Zuma incarne les espoirs des pauvres pour une vie meilleure, ce qui lui a permis de s'imposer en dépit des vives controverses.

Il s'affiche lors de cérémonies en tenue traditionnelle zouloue faite de peaux de léopards. Il proclame son amour pour toutes ses femmes - dont les quatre qu'il a épousées - et ses 18 enfants.

Lors des rassemblements de l'ANC, il danse et entonne des chants de la lutte contre l'apartheid, dont le vibrant "Umshini Wami" (Apporte-moi ma mitraillette), devenu sa signature.

Son procès pour viol, en 2006, a laissé des traces, bien qu'il ait été acquitté. Zuma avait choqué en expliquant à la barre avoir pris une douche pour se laver du sida après un rapport non protégé avec sa jeune accusatrice, séropositive.

Enfin, une interminable guerre de procédure autour de poursuites pour corruption l'a marqué du sceau du doute, même si l'accusation a été levée peu avant le scrutin en raison des abus de pouvoir qui ont entaché l'enquête.

L'ascension au sommet de l'Etat par celui qui, enfant, gardait les vaches dans son village zoulou de Nkandla (Est), s'est faite contre la volonté de l'ancien chef de l'Etat Thabo Mbeki. Ce dernier l'avait renvoyé de la vice-présidence en 2005, après la condamnation pour corruption de son conseiller financier.

La bonhomie du sourire masque chez Zuma une patience de prédateur, affinée dans les geôles de l'apartheid où, jeune homme, il a passé dix ans, puis à la tête des renseignements de l'ANC en exil.

En décembre 2007, porté par le mécontentement du peuple face à la pauvreté, Zuma était plébiscité pour diriger l'ANC. Neuf mois plus tard, le parti contraignait Mbeki à démissionner.

Antithèse de l'élitiste Mbeki, le Zoulou autodidacte heurte de front les "préjugés modernistes", affirme l'analyste Xolela Mangcu. "Zuma fait peur, surtout aux Blancs" parce qu'il renvoie l'Afrique du Sud à une image d'elle-même "qu'elle préfèrerait ignorer", acquiesce son biographe, Jeremy Gordin.

Une récente enquête montre que le chef de l'ANC est apprécié des Noirs, qui lui accordent une note moyenne de 7,7 sur 10, mais abhorré des Blancs (1,9).

Si Zuma incarne les espoirs des déçus, c'est qu'il est doué d'une rare capacité d'empathie, qu'il emploie à comprendre et convaincre. Un talent qui le sert en négociation, comme lors de la difficile transition vers la démocratie en Afrique du Sud ou dans les pourparlers de paix au Burundi.

Mais, selon un cadre de l'ANC, "le fait d'écouter tout le monde finit par brouiller son jugement". De fait, ce solide sexagénaire, qui ne fume pas et ne boit pas d'alcool, accumule les déclarations contradictoires.

Ce qui conduit ses opposants, à l'instar de l'universitaire Mark Gevisser, à dénoncer "son populisme et son manque évident de jugement".

NdlR : Pour rappel, c'est l'Afrique du Sud qui conduit la médiation régionale dans le processus de paix au Burundi. Avant son limogeage en 2005 de la vice-présidence sud-africaine, Jacob ZUMA était le principal représentant de la médiation sud-africaine au Burundi.