La mort de Mandela a réveillé des souvenirs de l'apartheid burundais
Opinion

@rib News, 27/12/2013

BURUNDI : l’Ubuntu, l’Apartheid et Mandela

En 1989, je vis à Bujumbura, la capitale de mon pays natal dit la « Suisse d’Afrique ». Je suis mariée, mère de deux jeunes enfants et je travaille. Pour moi, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes !

Par le passé, j’ai été engagée dans quelques associations (dont la fameuse Jeunesse Révolutionnaire Rwagasore), convaincue d’agir pour la promotion des droits humains. Depuis peu, je me sens fière de militer au MSA, le Mouvement de Soutien à l’Afrique Australe. Cette branche locale d’une organisation panafricaine lutte contre l’Apartheid et prône la libération de Nelson Mandela. Nobles et juste causes, n’est-ce pas ?

Tenez, une après-midi, nous sommes au stade FFB où le MSA organise un important match de football. Les fonds récoltés sont destinés à aider les réfugiés sud-africains installés en Tanzanie, dans des camps. Cela se fera par l’envoi de couvertures et d’autres biens de première nécessité.

Mais tandis que je suis occupée à la vente des billets, voilà tout à coup M. Pascal Kabura, mon oncle et père adoptif, qui surgit derrière moi. Ce grand Homme, toujours mû par l’Ubuntu, est le Président de la Fédération de Football du Burundi. Il me somme d’arrêter l’activité, mais sans me fournir d’explication.

Pourquoi Diantre, lui qui est la bonté et la compassion incarnées, m’empêcherait-il de suivre ses exemples de générosité et de solidarité actives ? Quel est ce je ne sais quoi qu’il voulait me faire comprendre ? Ces choses demeurées taboues dans ma famille, dans mes études (du primaire à l’université), à la radio nationale ou ailleurs dans mon milieu social ?

En 1993, quelques réponses m’arrivent par la campagne électorale générale et la sortie de Ndadaye, l’autre Mandela du même charisme, même vision, même poing levé, … Puis son lâche assassinat suivi de l’enfer inéluctable qui me font enfin prendre conscience que je vis sous l’Apartheid ! Où, par contre, il n’est pas consigné noir sur blanc. Chez nous, on fait dans l’hypocrisie, la subtilité, le non-dit et le mensonge. Pire, la violence atteint l’extrême puisqu’elle est doublée de nombreux crimes de génocide. Longtemps demeurés impunis, ils ont fait des centaines de milliers de morts, de disparus et de réfugiés.

Et en 1989, quand je m’agitais au MSA, la Tanzanie hébergeait aussi des réfugiés burundais. Comme quoi, Science sans conscience, … Motus et bouche cousue !

Aujourd’hui, comme des millions d’autres, je pleure Nelson Mandela, le Héros sud-africain. Mais je n’ai toujours pas fini de pleurer le Mandela du Burundi, lui qui a encore un long chemin vers la reconnaissance.

Hommages de W. Kabura