Velléités de révision constitutionnelle au Burundi
Politique

Le Pays, 30 décembre 2013

Attention M. le Président, le Burundi revient de loin !

 L’opposition burundaise est sur le pied de guerre. A l’origine de cette agitation, la décision du président en exercice, le Pasteur Pierre N’kurunziza, de modifier la Constitution du pays, afin de pouvoir briguer un troisième mandat. Rappelons que le mandat actuel du pasteur Pierre Nkurunziza prend fin, selon la Constitution burundaise, en 2015.

Il faut dire d’ailleurs que depuis un certain temps, l’opposition politique burundaise "sentait venir les choses", mais se refusait de prendre les devants en mettant en doute la bonne foi du président-pasteur. Le climat politique dans ce pays est si délicat que la moindre impertinence verbale est susceptible de mettre le feu aux poudres et ramener le pays aux heures sombres de son passé récent.

Mais de toute évidence, cette précaution de l’opposition n’aura servi à rien. C’est un projet de loi adopté en Conseil des ministres, autorisant le président à opérer une certaine « chirurgie localisée » sur la Constitution du pays, qui a levé le doute sur les intentions réelles du président et provoqué la colère de l’opposition.

L’opposition, en tout cas, n’entend pas céder sur le terrain

Selon la Constitution du Burundi, « Le Président de la République est élu au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans renouvelable une fois. »

Pour l’opposition, la loi constitutionnelle est on ne peut plus claire. L’actuel président, en poste depuis 2005, doit céder son fauteuil à partir de 2015 à d’autres intelligences pour gouverner le pays.

Seulement voilà. Le locataire du palais présidentiel n’entend pas les choses de cette oreille. Il préfère plutôt la règle du « un coup pour rien ». En termes clairs, le premier coup ne compte pas. Pour asseoir sa théorie, il dit n’avoir été élu par le peuple qu’une et une seule fois, son premier mandat ayant été le fruit d’un consensus entre l’ensemble de la classe politique burundaise, pour éviter au pays un bain de sang. Comme on le voit, le diable se trouve toujours entre les lignes.

Quoi qu’il en soit, cette décision du président menace la paix sociale acquise de haute lutte à travers chaque petit geste qu’il pose, à commencer par celui que le Major Pierre Buyoya a posé en 2000, en cédant volontairement le pouvoir à son vice-président hutu, Domitien Ndayizeye. Et cela, conformément à l’accord politique que Nelson Mandela avait personnellement réussi à faire signer, et mettre ainsi fin aux massacres ethniques qui avaient cours dans le pays.

Entre le débat des constitutionnalistes et le bras de fer qui pointe déjà à l’horizon, le peuple burundais se remémore les tristes années de crises et retient son souffle. L’opposition, en tout cas, n’entend pas céder sur ce terrain. Et son message, sans équivoque du reste, laisse craindre le pire.

Les vieux démons d’hier sont encore à l’affût et guettent la moindre occasion pour immerger le Burundi dans la violence et l’instabilité

Comme elle le dit en effet, « on ne va pas accepter qu’il postule pour un troisième mandat. S’il fait un forcing, les conséquences s’amoncelleront sur sa tête et son parti ». La société civile, de son côté, se prépare à arrêter ce qu’elle qualifie de folie de la part du président et se demande pourquoi « ce Nkurunziza veut déclencher une guerre, comme si le passé ne nous avait rien appris ! »

Pierre Nkurunziza va-t-il par égoïsme replonger le Burundi dans la violence ? Il faut souhaiter que les actions entreprises par les différents facilitateurs portent leurs fruits et qu’il entende plutôt la voix de la raison. Qu’il se rappelle surtout que les cimetières sont pleins d’hommes indispensables. Les vieux démons d’hier sont encore à l’affût et guettent la moindre occasion pour immerger le Burundi dans la violence et l’instabilité.

Pierre Nkurunziza, en bon pasteur, doit apprendre à mener son troupeau vers des pâturages toujours plus paisibles au lieu de le conduire dans les affres de la douleur, de l’humiliation et de la mort. Le temps des messies est révolu et il est bien placé pour le savoir.

Que ce soit en Côte d’Ivoire avec Gbagbo où, et Dieu sait qu’ils sont encore nombreux, tous ces messies autoproclamés n’ont apporté que désolation à leurs peuples.

Alors, Monsieur le pasteur-président, souvenez-vous que le Burundi revient de loin et évitez de le replonger à nouveau dans la guerre civile.

Dieudonné MAKIENI