Les élèves de l’ETS dénoncent un plan d’assassinat de certains éducateurs
Education

@rib News, 31/01/2014

 Plus de deux milles cinq et cent élèves de l’Ecole Technique Secondaire (ETS) de Kamenge, dans le Nord de la capitale Bujumbura, ont manifesté vendredi matin dans les enceintes de l’école et sur le Boulevard du 28 novembre (photo - Voir vidéo de la manifestation) pour dénoncer « une tentative d’assassinat de certains de leurs enseignants, dont le Directeur Technique et un prêtre de la paroisse St Jean Baptiste » par la milice du parti au pouvoir CNDD-FDD.

Ces élèves réclament le départ ou le limogeage du Directeur de l’Ecole, le retour du Directeur Technique en fuite suite aux menaces de mort, de même qu’une enseignante du nom de Rita et un encadreur du nom d’Isaac.

Les personnes visées par ce plan d’assassinat sont nombreux, atteignant même une dizaine. La liste est longue car il y a même un prêtre, professeur de religion du nom d’Agathon. Des sources de la paroisse avaient souligné la semaine dernière que ce prélat avait été agressé par un élève qui se fait appeler « Commissaire » de l’ETS Kamenge. Les noms de ces enseignants, y compris celui de ce prêtre ont été transmis à la documentation nationale, les services secrets burundais.

Tôt ce vendredi matin, alors que les élèves venaient de se réveiller, ils n’ont pas suivi les cours comme d’habitudes. Ils ont appris que trois des enseignants dont le Directeur Technique ont échappé à un plan d’assassinat, concocté par le Directeur de cette école en compagnie de leaders de la milice du parti CNDD-FDD dans cette école dont un certain Nkeshimana Jean Claude alias « Commissaire ».

C’est ce « Commissaire » qui cordonnait les activités de ce jeudi soir en rapport avec l’attaque. Jeudi soir, l’élève qui devrait tirer à l’aide du pistolet sur ces enseignants dans le cabaret connus sous le nom de « La Splendide » a appelé ses enseignants et leur a averti de ne pas passer la nuit chez eux car les armes avaient même été distribuées par les agents de renseignement de Mirango, non loin de cette école.

Les choses se sont compliquées dès ce jeudi soir. Un groupe de jeunes Imbonerakure, milice du parti au pouvoir le CNDD-FDD, a organisé une attaque à la grenade et à l’aide des pistolets contre certains enseignants dont le directeur Technique de l’ETS. Un des élèves qui devraient tirer sur ces enseignants était un certain Ferdinand, de la première année en section informatique de cette même école. C’est cet élève qui a demandé aux trois enseignants de se cacher pour éviter d’être tuer.

« J’avais eu la mission de tirer sur ses enseignants, mais j’ai décidé de les alerter pour qu’ils prennent la fuite » a déclaré cet élève du nom de Ferdinand, qui a décidé de se cacher parce qu’il est recherché par les services de renseignement de la présidence de la République.

Vers 8 heures du matin, alors qu’une centaine de policiers étaient déjà dans les enceintes de cette école, la plus grande du pays, les élèves ont essuyé des tirs des gaz lacrymogène de la part de la Police. Cependant, celle-ci a échoué de maitriser les élèves qui sont par la suite pris le Boulevard du 28 Novembre est sont arrivé au  niveau du Pont Ntahangwa, à environ 3 Km de leur école.

« Dégagez », scandaient les élèves à leur Directeur Désiré Manangirakamaro. C’est ce même directeur qui est accusé de tous les maux de cette école, selon pas mal de réactions de la part des élèves trouvés sur les lieux.

La Police a pu maitriser le mouvement vers 12 heures quand les élèves ont regagné l’internat.

La ministre de l’Education de Base et Secondaire Rose Gahiru a demandé aux élèves de regagner les auditoires, ce qu’ils n’ont pas accepté tant que de leur revendications n’étaient pas satisfaites.

Les causes de la crise à l’ETS Kamenge

Un prêtre sous menace de mort

Un prêtre catholique de la Paroisse St Jean Baptiste serait menacé depuis quelques jours par le groupe des jeunes du parti CNDD-FDD de l’Ecole Technique Secondaire de Kamenge (ETS). A la tête de ce groupe il y a un élève du nom de Jean Claude Nkeshimana, connu sous le sobriquet de « Commissaire ».

L’histoire remonte la semaine dernière. Ce prélat qui dispense le cours de Religion aurait tenté de conseiller ces jeunes de cette école de ne pas répondre aux manipulations politiciennes et ce suivre leurs études. Depuis l’élève surnommé « Commissaire » a commencé à menacer le prélat, le qualifiant d’ennemi du régime.

Une source proche de cette paroisse de la commune urbaine de Gihosha a expliqué que ce prêtre était victime de son franc parler face à l’impunité dont bénéficient certains élèves dont ce « Commissaire ».

Les noms du prélat et une dizaine d’autres enseignants ont été transmis la semaine dernière aux Services de Renseignement, une information qui a été confirmée par certains enseignants de l’ETS contactés dimanche dernier.

Il y a deux semaines, un groupe d’élèves de cette école membres de la milice Imbonerakure du CNDD-FDD avait menacé de boycotter les cours pour contraindre certains professeurs à ne plus donner cours car, selon nos sources, ces professeurs seraient membres de formations politiques autres que le parti présidentiel.

Parmi les professeurs visés par ce boycott, il y avait bien entendu le prélat de la Paroisse St Jean Baptiste qui dispense, bien qu’il ne soit membre d’aucune formation politique.

Depuis l’ouverture de cette année scolaire en septembre dernier, l’ETS Kamenge semble être paralysée par une division à caractère politique entre les élèves d’un côté et entre les enseignants de l’autre côté.

Un groupe d’élèves du parti présidentiel fait des rondes nocturnes à cette école, au moment où les autres sont endormis, a-t-on constaté sur place. Bénéficiant de la protection de la direction et des leaders du parti présidentielle CNDD-FDD, ce groupe n’hésite pas à interrompre même des activités des autres élèves.

L’exemple le plus récent s’est produit jeudi de la semaine dernière. Alors que les élèves de la section Informatique, toutes les religions confondues, avaient organisé une veillée pour la prière au sein de leur établissement, un groupe des jeunes, dont ce « Commissaire » a continué de roder aux environs de la salle de la prière jusque tard dans la nuit. Vers 1 heure du matin, alors que la séance de prière se poursuivait, le Directeur de cette école s’est introduit dans cette salle accompagné par « Commissaire » avec une dizaine d’autres élèves et a mis fin à ces activités de prière.

«  La sécurité n’est pas bonne » avait lancé Désiré Manangirakamaro, directeur de cette école, la plus grande du pays avec un effectif de plus de 2000 élèves.

ETS Kamenge, de scandale en scandale

Les scandales se succèdent à cette école technique depuis l’arrivée du directeur de cette école Désiré Manangirakamaro et plus particulièrement depuis le début de cette année scolaire, qui vient d’entrer dans son deuxième trimestre.

En décembre dernier, un élève du nom de Marc Ndereyimana, de cette école aurait été empoisonné par ce même groupe des Imbonerakure. Il aurait mangé des aliments contenant une substance nocive inconnue, et a dû passer une dizaine de jours à l’hôpital Roi Khaled.

Des sources de cette école disent que cet élève avait été victime de ses idées, surtout ses liens présumés avec l’opposition burundaise. Le premier suspect dans cet empoisonnement était Jean Claude Nkeshimana, alias « Commissaire ». Le directeur de cette école Désiré Manangirakamaro avait fait de son mieux pour cacher ses aliments intoxiqués pour faucher les enquêtes. Il a par contre accusé la victime de s’être empoisonnée pour jeter le tort aux jeunes du parti CNDD-FDD, et l’a renvoyé définitivement de cette école, en compagnie de cinq autres élèves qui s’étaient succédé pour le veiller sur lui à l’hôpital en tant que garde malade. Ces élèves seront réhabilités par la Ministre de l’Enseignement de Base et Secondaire, Mme Rose Gahiru, au début du deuxième trimestre. Ils viennent de terminer les examens de rattrapage car ils avaient raté les premiers examens suite à ces renvois abusifs.

Qui est « Commissaire » ?

Jean Claude Nkeshimana alias « Commissaire » est originaire de Bubanza, probablement dans la commune de Musigati (Ouest du Burundi). Il a hérité le sobriquet de « Ccommissaire » après sa participation dans l’opération dite « Safisha » (Nettoyer, en langue Swahili) initié par le parti au pouvoir contre les membres des partis de l’opposition à Bubanza et Cibitoke depuis 2010. Des centaines des membres de l’opposition avaient été enlevés puis exécutés par les Services de sécurité et les Nations Unies avait documenté des centaines d’exécutions extrajudiciaires en 2010, après les élections contestées qui ont maintenu au pouvoir le CNDD-FDD et Pierre Nkurunziza.

Selon la famille de Jean Claude Nkeshimana alias « Commissaire » à Bubanza ce dernier ne peut plus se rendre chez ses parents de peur d’être lynché par les membres des familles de ses victimes. Ces sources convergent sur le fait que cet élève d’une vingtaine d’année se serait illustré depuis 2010 dans des activités de vol par armes, des embuscades, de transfert des armes à l’Est du Congo, de viol et d’assassinats des opposants, ce qui lui ont valu l’appellation de « Commissaire ».

« Savez-vous pourquoi on m’appelle commissaire ? C’est parce qu’il y a quatre crimes que j’ai commis sans que je sois emprisonné. C’est un baptême ! », aime répéter aux autres élèves Jean Claude Nkeshimana, le protégé du directeur de l’ETS Kamenge. Ces crimes sont essentiellement violer et tuer aurait raconté « Commissaire » aux élèves de son école. Il serait aussi membre d’un réseau au sein de cette école, accusé de procéder aux viols systématiques des filles de l’ETS Kamenge. Certains des encadreurs de cette école seraient au courant de ces faits. [JMM]