Maggy Barankitse est la marraine de l’appel du BICE pour l’enfance
Société

La Croix, 22/05/2009

"Il faut défendre leurs droits à la santé, à l’éducation, et à la vie spirituel"

Marguerite BarankitseMarguerite Barankitse, celle qu’on a surnommée la « Mère Teresa » africaine est la marraine de l’appel du BICE pour une nouvelle mobilisation pour l’enfance

Marguerite Barankitse, Fondatrice des maisons Shalom d’accueil d’orphelins au Burundi

« J’ai accepté d’être la marraine de l’appel du Bureau international catholique de l’enfance (BICE) parce que depuis mes 3 ans – et j’en ai 53 ! – j’ai défendu la cause des enfants. Pour moi, il s’agissait de faire appel à toutes les personnes de bonne volonté pour défendre les droits des enfants. Des progrès ont été faits, depuis vingt ans, dans ce domaine. Désormais, quand les droits des enfants sont bafoués, nous sommes au courant. Dans la plupart des pays, on a mis en place des stratégies pour protéger les enfants. Même si on les exploite encore, par exemple par le travail, il y a des cadres qui ont été instaurés pour interdire ce travail. On sait donc que c’est illégal et qu’on ne peut pas le faire. C’est déjà un mieux.

Dans les pays en guerre (région des Grands Lacs, Burundi, République démocratique du Congo, Ouganda, Darfour, etc.), la situation des enfants reste catastrophique. Mais, ailleurs, on a un peu mieux protégé l’enfance. Tous les pays, sauf les États-Unis et la Somalie, ont ratifié la Convention onusienne des droits de l’enfant.

Mais le monde a vécu depuis vingt ans une régression majeure, du fait de la pandémie de sida. Trop d’enfants ont perdu leurs mères. On devrait faire plus d’efforts pour ces mères séropositives qui transmettent le virus à leurs enfants. C’est vraiment très dur de voir autant d’enfants qui meurent avec leur maman, ou qui lui survivent en étant malades à leur tour. On devrait davantage se préoccuper du droit des mères à la santé pour qu’elles puissent protéger et élever leurs propres enfants.

Les droits des enfants à l’éducation et à la santé

Le monde manque d’efforts pour éradiquer la pauvreté. En Afrique, les gouvernements n’essaient pas de s’occuper des mères. Au Burundi, on ne consacre que 2 % du budget de l’État à la santé et 2 % également à l’éducation, c’est une honte ! Et quand on essaie de mettre en place un Parlement des enfants, ce n’est que du papier, ils n’auront pas leur mot à dire pour défendre leurs droits.

Parmi les dix enjeux soulignés dans l’appel du BICE, les plus importants me paraissent être les droits des enfants à l’éducation et à la santé. Si un enfant peut aller à l’école, s’il peut bénéficier de soins médicaux, c’est le meilleur moyen de faire respecter ses droits. Dans les pays du Sud, ce sont les deux grandes priorités.

Dans les pays du Nord, un droit au développement spirituel devrait être davantage donné aux enfants. On parle beaucoup de la crise économique au Nord et les pays y sont confrontés, mais les difficultés économiques ne doivent pas faire oublier que former les enfants spirituellement, c’est leur donner des références pour les aider à vivre leur vie. Moi, tout ce que j’ai accompli dans ma vie, c’est ma foi qui m’a permis de le faire. Si un enfant ne se voit pas donner quand il est petit des références spirituelles, que deviendra-t-il quand il devra affronter des crises ?

Il faut dire aux enfants qu’il n’y a pas de fatalités, que la grâce existe, ainsi qu’un être suprême, un Dieu d’amour. Dans les pays du Nord, on exagère toujours. On parle de crise économique, mais la crise morale, la crise des valeurs est beaucoup plus grave que la crise économique. Et, dans les temps difficiles, la colonne vertébrale d’un être, c’est sa vie spirituelle.

Vivre et travailler au contact d’enfants, défendre leurs droits, comme je l’ai toujours fait, donne une grande force. À travers les guerres civiles, à travers les malheurs, les enfants m’ont toujours portée. Dans leurs yeux, on lit tellement d’espoir ! Les enfants sont les bâtisseurs de l’espérance. »

Recueilli par Nathalie LACUBE