Débat à Anvers sur les conséquences du changement climatique au Burundi
Diaspora

@rib News, 04/03/2014

Par Jérôme Bigirimana

 Plus d’une vingtaine de participants étaient réunis  samedi dernier à Anvers au nord de la Belgique, pour parler du changement climatique et son impact sur la production agricole au Burundi. Mais l’ombre des inondations sanglantes qui ont frappé récemment Bujumbura, a plané sur tout le débat. Plusieurs participants ont critiqué une politique de prévention des catastrophes, très lacunaire et l’incompétence des services d’urgence. [Photo : Jean Pierre Claver Nduwumwami, président fondateur de BEKRIBU]

C’est autour de l’asbl BEKRIBU, Belgische vriendenKring van Burundi « Cercle Belge des Amis du Burundi » en français, que des Burundais et des amis du Burundi on débattu sur le changement climatique et ses effets néfastes sur la vie économique et sociale. Une conférence tenue au moment où le Burundi vient de vivre un « tsunami » qui a durement frappé la ceinture nord de la capitale Bujumbura, occasionnant plus de 100 morts et des milliers de sans-abri en détruisant des centaines de maisons.

D’après des spécialistes de l’environnement, le changement climatique affecte déjà le Burundi ; tantôt par des sécheresses récurrentes dans le nord-est du Burundi, tantôt par des inondations,  surtout dans l’ouest et sud-ouest du pays. Cette perturbation climatique entraîne la chute du volume de la production agricole d’un pays comme le Burundi déjà en mal d’autosuffisance alimentaire depuis au moins plus de deux décennies.

Zoom sur BEKRIBU

Selon La conférence n’est pas dictée par les récentes inondations. Jean Pierre Claver Nduwumwami, président fondateur de BEKRIBU, assure que cette conférence était programmée depuis fin décembre 2013.  Mais on ne peut pas nier que les récents événements de Bujumbura ont servi d’exemple parlant,  dans la concrétisation du thème du jour.

L’association qui va fêter ses 10 ans l’année prochaine, a choisi comme mission de contribuer à  l’amélioration de la santé maternelle et infantile au Burundi. C’est dans ce cadre que l’association a offert au centre de santé de Kiyenzi (Bujumbura Rural) des lits et matelas d’hôpital, des chaises roulantes et des médicaments. Actuellement, dans la mesure du possible, elle s’apprête à organiser la formation par compétences, de candidats personnels soignants. 

Mais alors quel lien avec la conférence sur le changement climatique? Nduwumwami nous explique : « Le climat affecte la santé des populations. Une population qui n’est pas saine ne peut pas bien travailler et se développer. Le changement climatique est une menace de tous les pays y compris le Burundi. C’est pourquoi nous avons organisé cette activité pour sensibiliser nos compatriotes burundais. Mais, nous voulons surtout faire un clin d’œil au Pouvoir burundais pour qu’il prenne au sérieux la menace que court son peuple, et par conséquent, entreprendre des mesures adéquates avant qu’il ne soit trop tard ».

La part du gouvernement burundais

Selon le conférencier Nduwumwami, le gouvernement burundais, tout comme les gouvernements des pays en voie de développement ne sont  responsables qu’à moins de 10 % dans les émissions des gaz à effet de serre, principal gaz responsable du réchauffement climatique. Plus de 90% provenant des pays industrialisés. Cependant, au sein du pays, la responsabilité de l’Etat s’évalue à 90 % dans ses choix politico-économiques pour la nation : Par l’importation massive des machines polluantes, l’exploitation sauvage des minerais et de l’énergie fossile (charbon, pétrole, gaz), par la déforestation ainsi que l’importation massive de pesticides et des engrais chimiques, etc.  

La population, quant à elle, est responsable par ses pratiques de déforestation et de déboisement à la conquête de l’habitat, des champs, du charbon, etc. ;  les feux de brousse à la conquête de friches ou de pâturages pour le bétail.

Et depuis l’année dernière et au début de cette année, le Burundi fait face aux différentes intempéries (foudre, inondations, grosses incendies, etc.) qui ont mis à nu l’incapacité du gouvernement burundais à gérer de telles catastrophes.

 Mme Consolate Bindariye (photo), qui participait au débat estime que « les conséquences du changement climatique ont commencé depuis longtemps surtout le siècle dernier mais prennent une allure inquiétante aujourd’hui. Et c’est tout le monde qui est concerné. Nous devons être conscients et s’informer le plus sur le changement climatique. C’est pour cela que je suis venu écouter. Les pouvoirs publics doivent extrêmement être vigilants et mettre en place une place rigoureuse de prévention des catastrophes. C’est vrai qu’on ne peut pas les prévenir à 100% mais le gouvernement burundais devrait faire mieux qu’aujourd’hui », a-t-elle fait remarquer.

 Interrogé sur ce que ferait le FNL une fois au pouvoir, le porte-parole du FNL, aile Agathon Rwasa, Aimé Magera (photo, à droite) également présent à la conférence, dévoile le projet politique du FNL Rwasa en matière de gestion de catastrophes à quelques 14 mois des élections générales de 2015 : «Nous allons revoir la politique environnementale au Burundi : plan d’urbanisation, les canalisations, la construction des quartiers. Nous allons aussi reboiser les collines, réaménager des routes, des canalisations, encourager la lutte antiérosive, investir dans l’agriculture au lieu d’investir dans les stades. Les gens au Burundi sont très pauvres et n’ont pas besoin de stades pour l’instant.

« Et si ces catastrophes arrivent, il faudra bien les gérer de manière efficace et responsable. Nous allons équiper et former les agents de protection civile. Ils doivent être capables d’intervenir quand il faut et avec tous les moyens nécessaires. Et puis, il faut prévoir immédiatement une unité de psychologues pour accompagner moralement les sinistrés. Il faudra aussi installer des paratonnerres dans toutes les écoles, les hôpitaux, etc. Enfin, un fonds opérationnel pour la gestion des catastrophes qui sera géré par le ministère à la Solidarité, voilà quelques unes des mesures dont je peux déjà vous parler».

Oui. Il faut une planification stratégique à long terme surtout si l’on sait que la ville de Bujumbura est construite sur une faille, dans une zone d’effondrement. Et donc un risque énorme de glissement de terrain mais aussi de faille ou de tremblement de terre. Bien évidemment, les inondations et les autres catastrophes naturelles ne sont pas imputables à un individu ou à un régime quelconque. Mais, c’est de la responsabilité du pouvoir en place d’anticiper sur les catastrophes qui peuvent survenir à n’importe quel moment.

 D’après Gervais Cishahayo (photo), physicien burundais vivant à Malte, « aujourd’hui ce sont les pluies diluviennes, mais ça aurait été un volcan, un tremblement de terre puisque Bujumbura est logé dans une zone sismique active. Si cela n’est pas encore arrivé, c’est seulement par la Providence. Ce qui devrait interpeller les planificateurs. Ils devraient savoir qu’on est assis sur des structures extrêmement dangereuses, sur des failles glissantes et cela a déjà eu lieu dans l’histoire du Burundi. Dans les années 50, il y a eu des inondations, des tremblements de terre suivis d’inondations. Et des routes sont disparues. »

En tout cas, ce qui est sûr, c’est que si la prévention des catastrophes était plus rigoureuse, les dégâts des inondations à Bujumbura auraient été limités. Par exemple, pendant que le nord de Bujumbura était dans le chaos diluvien, Londres connaissait également de fortes inondations. Mais quel bilan des dégâts à Londres et à Bujumbura ?  La différence réside tout simplement dans l’aménagement urbain, la prévention et la gestion sérieuse des catastrophes.