Interdiction d'une marche de la Société civile à Bujumbura
Politique

PANA, 29/05/2009

Evrard GiswaswaBujumbura, Burundi - Le maire de la ville de Bujumbura, Evrart Giswaswa, a annulé à la dernière minute, vendredi, une manifestation destinée à dénoncer la recrudescence de la criminalité à Bujumbura, à l'appel de plus de 300 organisations de la Société civile, a-t-on appris de source associative.

Le dernier crime en date, qui avait suscité le plus d’émoi dans l’opinion publique nationale et internationale, avait coûté la vie à l’ancien vice-président de l’Observatoire de lutte contre la corruption et les malversations économiques (OLUCOME), Ernest Manirumva, en avril dernier et les manifestants entendaient ainsi faire pression sur l’Etat burundais pour que s’accélèrent les procédures d’enquête sur les tenants et aboutissants ainsi que le mobile du meurtre.

Dans l’état actuel des choses, la commission d’enquête sur l’assassinat de l’ancien président de l’OLUCOME n’a toujours pas déposé son rapport alors qu’elle avait jusqu’au 22 mai dernier pour le faire, a rappelé nerveusement le président du Forum pour le renforcement des capacités des la Société civile (FORSC), Pacifique Nininahazwe.

Des enquêteurs du Bureau fédéral américain d’investigation (FBI), la police fédérale américaine, ont été appelés en renfort, mais eux non plus n’ont pas encore rendu publics les résultats de leurs recherches très attendus sur l’assassinat, que certains dans les milieux de la Société civile locale ont vite lié au travail de la victime.

Le maire de la ville, Evrart Giswaswa, de son côté, a évoqué des craintes de "débordement" de la marche-manifestation à laquelle était attendu beaucoup de monde pour annuler purement et simplement l’autorisation qu’il avait pourtant signée la veille en âme et conscience.

Les organisateurs de la manifestation ont aussitôt rétorqué au maire que l’impunité des crimes de sang ne datait pas d’hier dans le pays, en revenant, photos-souvenir à l’appui, sur les cas les plus marquants non encore élucidés de l’assassinat de l’ancien représentant de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’Ivoirien Kassi Manlan, en 2001, celui encore récent de la volontaire française de l'ONG Action contre la faim (ACF), Agnés Burry, au seuil du nouvel an 2009, ou encore des meurtres antérieurs du nonce apostolique irlandais, Michael Curtney et du représentant du Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF), le Chilien Louis Zuniga.

Les partis politiques de l’opposition étaient jusque-là les plus grognards en matière des libertés publiques suite aux nombreux cas d’interdiction et d’annulation de meetings populaires.

Le ministère de l’Intérieur avait dernièrement lâché du lest en autorisant les seules réunions des organes dirigeants des partis politiques et des associations de la Société civile, mais là aussi uniquement en week- end, officiellement pour ne pas trop distraire les masses laborieuses et compromettre la sécurité encore chancelante d’un pays qui tente péniblement de sortir de plus d’une décennie de guerre civile.

Une marche-manifestation géante du parti présidentiel a, par contre, été dernièrement autorisée à Bujumbura et fait des jaloux du côté des adversaires politiques qui y ont vu une démonstration de force à peine déguisée plutôt qu’une volonté de s’opposer à un simple projet de loi sur les droits des homosexuels que s’apprêtait à voter le Parlement burundais.

Les manifestants ont eu à la fin gain de cause et le chef de l’Etat burundais, Pierre Nkurunziza, a fini par écouter la rue en promulguant par décret la fameuse loi qui pénalise l’homosexualité dans le pays.