Le Burundi, vu d'ailleurs, semble basculer petit à petit dans la dictature
Politique

L'Observateur Paalga, 20 mars 2014

Burundi : Pour garder son pouvoir, Black Panther montre les crocs

 Après avoir été longtemps en proie à des conflits ethniques, plus ou moins ouverts, occasionnant des milliers de morts et de déplacés, le Burundi, qui a retrouvé une certaine stabilité, est-il en train de basculer petit à petit dans la dictature ? On craint que oui, au regard des nombreux signaux d'alerte qui s'y multiplient. [Photo : La police affronte les étudiants à l’Université du Burundi]

Le dernier fait en date, c'est le procès expéditif des militants de l'opposition interpellés suite à des manifestations et contre lesquels le ministère public a requis la perpétuité. En effet, le 8 mars 2014, pendant que les femmes commémoraient leur journée internationale dans certains pays, au Burundi, les partisans de l'opposition descendaient dans la rue pour dénoncer les dérives du pouvoir.

Mais mal leur en a pris. Bilan de cette répression policière : de nombreuses victimes. 69 militants du Mouvement pour la Solidarité et le Développement (MSD) ont été arrêtés et poursuivis pour "participation" ou "tentative de participation à un mouvement insurrectionnel armé".

A l'issue d'un jugement, sans les avocats des prévenus, le  parquet n'y est pas allé de main morte : la prison à vie. Le ministère public sera-t-il suivi? Ces "magistrats acquis" au pouvoir burundais ne sont pas à leur premier haut fait d'arme : ainsi, le journaliste Hassan Ruvakuki, correspondant de RFI en Swahili, poursuivi pour "acte de terrorisme" après un reportage sur la naissance d'un nouveau mouvement rebelle, a été condamné à passer le reste de sa vie derrière les barreaux.

 A l'évidence, les attentes aux libertés individuelles et collectives sont légion sous le régime du président Pierre Nkurunziza (photo). Tout ça pour un objectif principal : permettre à l'ex-professeur d'Education physique et  sportive (EPS) de  se présenter de nouveau à la présidentielle au terme de son second et ultime mandat dont l'échéance est prévue pour 2015. Dès velléités de prolongation contre lesquelles s'élèvent bien sûr l'opposition, conduite par l'ancien vice-président Fréderic Bamvuginyumvira. Ce dernier est lui aussi poursuivi pour une histoire de mœurs depuis 2013 et pour tentative de corruption.

Comme on le constate, le prof d'EPS se débarrasse des obstacles à un nouveau tour de piste présidentielle.

Elu en 2005 puis réélu en 2010, Pierre Nkurunziza a frôlé auparavant la mort dans les luttes armées et a même été condamné à la peine capitale par contumace.

Dès son accession aux affaires, il suscitait l'espoir au regard de son parcours de combattant de la liberté ; d'où son surnom de Black Panther, par allusion au Black Panther party, un mouvement révolutionnaire afro-américain fondé en 1966 en Californie contre le racisme.

Pour avoir donc connu les affres de la guerre, le prof d'EPS est bien payé pour savoir que rien ne vaut la paix et la stabilité; malheureusement il se révèle un bourreau, et son attitude risque de réveiller les vieux démons dans un pays où les clivages ethniques  ont été source de conflits meurtriers. Pourquoi d'ailleurs les princes qui nous gouvernent sont-ils si prompts à sacrifier la paix sociale sur l'autel de leurs ambitions personnelles?

Athlète qu'il a été, Pierre Nkurunziza sait, mieux que quiconque, qu'il vaut mieux arrêter de compétir au moment où l'on vous réclame toujours sous peine de quitter le terrain sous le huée du public.

Adama Ouédraogo Damiss


NdlR : L’Observateur Paalga est un quotidien d'information du Burkina Faso