ONU : Le Gouvernement burundais demande une sorte de « Plan Marshall »
Diplomatie

@rib News, 24/06/08

Assemblée générale                                                             23/06/2008

CCP/36

  

Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

Commission de consolidation de la paix

Deuxième session

Formation Burundi

4e et 5e séances – matin et après-midi

FACE À LA COMPLEXITÉ DES DÉFIS, LA MINISTRE DES RELATIONS EXTÉRIEURES DU BURUNDI APPELLE LA COMMISSION DE CONSOLIDATION DE LA PAIX À « REPENSER » LES STRATÉGIES

La Commission adopte les recommandations liées au Cadre stratégique pour le Burundi et le rapport de la deuxième session

La Ministre des relations extérieures du Burundi a invité aujourd’hui la Commission de consolidation de la paix à « repenser » les stratégies face à la « complexité » des défis que son pays doit encore relever.  Mme Antoinette Batumubwira s’exprimait alors que la « Formation Burundi » de la Commission adoptait les recommandations de l’examen semestriel de la mise en œuvre du Cadre stratégique pour la consolidation de la paix au Burundi*, adopté en juin 2007.

        La Commission a également adopté le rapport de sa deuxième session**.  Présent à cette réunion, le Secrétaire général de l’ONU, M. Ban Ki-moon a estimé que le rôle important de la Commission est qu’elle permet une approche intégrée des trois piliers du travail de l’ONU que sont la paix et la sécurité, le développement, et les droits de l’homme.  Le Président de la Commission a, quant à lui, fait une analyse conceptuelle et opérationnelle d’une Commission qui a désormais à son ordre du jour les situations au Burundi, en Sierra-Leone, en Guinée-Bissau et en République centrafricaine***.

Parmi les défis au Burundi, la Ministre des relations extérieures du Burundi s’est particulièrement attardée sur le défi lié à la répartition des terres, source « très ancienne » de tensions dans un « pays surpeuplé ».  Elle a aussi cité le défi lié au renforcement des capacités humaines que le pays a des difficultés à retenir en raison de la fuite des cerveaux, causée par un niveau de salaires très bas. 

La Ministre a enfin attiré l’attention sur le défi relatif au processus de désarmement, de démobilisation et de réintégration (DDR), en arguant que sans une lutte efficace contre le chômage, les démobilisés risquent de plonger dans le banditisme ou de replonger dans de nouvelles rébellions. 

Les recommandations de la mise en œuvre du Cadre stratégique portent sur les questions foncières et du relèvement communautaire; l’Accord global de cessez-le-feu entre le Gouvernement et le Palipehutu/FNL; la réforme du secteur de la sécurité; la bonne gouvernance, la promotion de l’état de droit et de la lutte contre l’impunité; la mobilisation et la coordination de l’assistance internationale; la dimension sous-régionale et l’intégration de la dimension sexospécifique.

Les tendances, les progrès réalisés et le bilan des engagements montrent une bonne évolution dans tous les domaines de consolidation de la paix, a commenté la Ministre burundaise des relations extérieures.  Mais, a-t-elle dit, la seule convergence de vues entre le Gouvernement burundais et la Commission de consolidation de la paix ne suffira pas à pérenniser les acquis.

Les propos de la Ministre ont été commentés par les représentants du Pakistan, du Brésil, de la Norvège, de la Belgique, des États-Unis, du Royaume-Uni, de la Jamaïque, de l’Angola, de l’Afrique du Sud, de la France et du Japon ainsi que par le représentant de la Communauté européenne et la Secrétaire exécutive de la Conférence internationale sur la paix, la stabilité et le développement de la région des Grands Lacs. 

Mme Liberata Mulamula a rappelé que cette réunion a lieu au moment où entre officiellement en vigueur le Pacte issu de la Conférence internationale qui ouvre une nouvelle porte vers la mise en œuvre de nouveaux projets dans les domaines de la paix, de la sécurité, de la démocratie, de la bonne gouvernance mais aussi dans les secteurs humanitaire et social.  Elle a souhaité que le Pacte devienne un cadre d’échange de pratiques optimales qui permettrait de contribuer aux efforts et d’unir les actions concernant, par exemple, le retour des réfugiés. 

Le processus de paix au Burundi reste en effet confronté à de nombreux défis, a averti la Ministre burundaise des relations extérieures, en expliquant que le retard dans la mise en œuvre de l’Accord de cessez-le-feu a particulièrement handicapé la restructuration de la sécurité et l’état de droit.  La Ministre s’est donc félicitée que le 10 juin dernier, le Gouvernement et le Palipehutu/FNL aient signé la Déclaration de Magaliesburg en Afrique du Sud, par laquelle les deux parties s’engagent à renoncer définitivement à la violence et à résoudre leurs différends par le dialogue. 

Le cadre juridique relatif aux élections de 2010 ne pourra être élaboré qu’après l’intégration du Palipehutu/FNL pour éviter, a dit la Ministre, une remise en cause ultérieure par ce partenaire.  Le retour massif et accéléré des réfugiés devient une nouvelle source de conflit entre les rapatriés et les occupants de leurs terres, a-t-elle aussi indiqué. 

Les conflits autour de la propriété foncière entre rapatriés et résidents ne constituent qu’une partie de la question.  Elle se pose également entre les personnes déplacées à l’intérieur du pays et celles qui sont restées sur les collines.  Le problème de la terre, a averti la Ministre, restera longtemps une source de conflit à cause de la dimension socioculturelle de ce patrimoine, du morcellement excessif lors des procédures successorales, du surpeuplement et des méthodes d’exploitation agricole encore archaïques. 

Le processus de consolidation de la paix, a souligné la Ministre, nécessite des ressources additionnelles, en particulier à la lumière de la hausse du prix du pétrole et de la crise alimentaire mondiale.  Elle nécessite aussi l’intégration du Palipehutu/FNL dans les institutions nationales avec son corollaire, le processus de désarmement, démobilisation et réintégration et la réinsertion des rapatriés. 

Le Gouvernement, a-t-elle affirmé, apprécie beaucoup le constat selon lequel le Burundi nécessite une sorte de Plan Marshall.  Toutefois, connaissant les procédures de préparation et de financement de ce type d’intervention, le Gouvernement du Burundi sollicite déjà et encore une fois le déboursement des fonds promis par les partenaires lors de la table ronde de mai 2007. 

Le Plan Marshall, a expliqué la Ministre, prendra le relais du Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté pour permettre au Burundi de renouer progressivement avec une vie économique et sociale normale.  Le Gouvernement croit en ce mécanisme à la fois stratégique et programmatique et demande à la Commission de consolidation de la paix de le soutenir et de faire le plaidoyer pour la mobilisation des ressources.

Le Gouvernement lance un appel aux partenaires bilatéraux et multilatéraux ainsi qu’au système des Nations Unies pour qu’ils soient flexibles dans les procédures de financement du Burundi, a conclu la Ministre. 

Toutes les délégations se sont félicitées de sa présence aujourd’hui avant de saluer la Sous-Secrétaire générale chargée duBureaud’appuiàlaconsolidationdelapaix, Mme Carolyn McAskie et le Président de la « Formation Burundi », M. Johan Løvald de la Norvège, qui quittent leurs fonctions.  Parmi les commentaires, le représentant du Pakistan s’est félicité que le concept d’appropriation nationale » ait été respecté dans les relations entre la Commission de consolidation de la paix et le Burundi.  

L’engagement du Gouvernement du Burundi en faveur des activités conjointes a également été relevé par la représentante du Brésil qui s’est dite heureuse des progrès réalisés, en particulier en ce qui concerne le dialogue politique et la gouvernance.  Elle a néanmoins mis l’accent sur les défis importants que la Ministre burundaise a relevés, en insistant en particulier sur la pauvreté « endémique », aggravée par une crise alimentaire qui devient un véritable risque pour la consolidation de la paix. 

La signature de l’Accord de Magaliesbourg a conduit l’Envoyé spécial de la Norvège dans la région des Grands Lacs à appeler la communauté internationale à appuyer le processus de paix de « façon concrète ».  Il a aussi souligné la nécessité d’une assistance au développement économique, avant de rappeler que son gouvernement a débloqué en tout une somme de 120 millions de dollars pour aider le Burundi à « protéger les plus fragiles » durant la période à venir. 

Dans ce cadre, a-t-il indiqué, la Norvège coopère avec le Fonds monétaire international (FMI), la Banque mondiale et les Pays-Bas, en leur qualité d’ancien Président de la « Formation Burundi ».  L’Envoyé spécial s’est aussi félicité de l’Initiative régionale qui est un exemple de la capacité de l’Afrique de trouver ses propres solutions aux conflits qui la secouent. 

La gravité de la question foncière a été reconnue par le représentant de la Belgique, qui a rappelé que son pays vient de faciliter l’organisation d’un séminaire qui, du 23 au 26 mai dernier, a réuni à Bruxelles, la diaspora burundaise qui veut s’impliquer dans le développement économique de son pays.  Les conclusions du séminaire dont l’une d’elles porte sur la création d’un cadre permanent de coopération entre le Gouvernement et la diaspora, paraîtront le mois prochain, a indiqué le représentant belge.

Après la reprise du travail du Parlement burundais, a encore indiqué le représentant, la Belgique travaille au renforcement des capacités pour accélérer l’adoption des lois en suspens.  Il s’est également attardé sur l’importance de la justice transitionnelle, en soulignant le savant dosage qu’il faudra préserver entre la composante judiciaire et la composante réconciliation. 

Reconnaissant la nécessité de faciliter le retour des réfugiés venant de la République-Unie de Tanzanie, le représentant a estimé que le principal défi sera l’intégration politique des cadres du Palipehutu/FNL et l’intégration militaire de ses combattants dans l’Armée nationale.  À cette fin, la Belgique, a-t-il annoncé, réfléchit à une initiative double. 

L’importance d’une telle initiative, en particulier avant les élections de 2010, a été soulignée par le représentant des États-Unis.  Il a appelé la Commission à faire en sorte que les élections ne compromettent pas le consensus national.  Les deux parties doivent à tout prix le préserver, a renchéri le représentant du Royaume-Uni.  « Mon pays examine les moyens de mettre en œuvre les dispositions du cessez-le-feu », a-t-il indiqué, en appelant le Gouvernement à renforcer la lutte contre l’impunité. 

Il a par ailleurs demandé à la Commission de créer des indicateurs pour mieux évaluer les progrès.  Il serait bon, a-t-il insisté, de quantifier l’impact de nos actions communes et d’en identifier les principales lacunes.  En l’occurrence, le Gouvernement burundais doit pouvoir présenter sa vision des choses, a alerté le représentant de la Jamaïque.  Il a surtout souhaité que les préparatifs et la tenue des élections ne conduisent pas à un détournement des ressources du Fonds de consolidation de la paix.  Il a lancé un appel aux institutions financières pour qu’elles identifient des sources novatrices de financement compte tenu des nombreux défis que le Burundi doit encore relever.

La participation de tous les partenaires est essentielle, a convenu le représentant de la Communauté européenne avant d’annoncer que, dans le cadre du Fonds européen, le programme de coopération pour 2008-2013 s’élève à 188 millions d’euros.  Le Burundi a besoin d’actions concrètes, se sont félicités les représentants de l’Angola et de l’Afrique du Sud.  Pour sa part, leur homologue de la France a insisté sur l’exemplarité de la coopération régionale.  Les efforts du Gouvernement burundais doivent être davantage encouragés, a estimé pour sa part le représentant du Japon, qui a appelé la Commission à renforcer son rôle de plaidoyer

Dans ses activités de plaidoyer la Commission doit mettre l’accent sur l’éducation et la santé car c’est le meilleur moyen de régler les questions foncières, a déclaré la Ministre des relations extérieures du Burundi, dans ses observations finales.  Il faut absolument, s’est-elle expliquée, donner aux Burundais la possibilité de passer d’une économie agricole, source de tension foncière, à une économie plus diversifiée. 

La Ministre a aussi commenté les revendications du Palipehutu.  Elle a rappelé la nécessité pour ce parti de changer son nom car la Constitution du pays n’autorise pas les partis à consonance ethnique.  Quant à la revendication visant à réécrire l’histoire du Burundi, la Ministre a rappelé qu’elle figure déjà dans l’Accord d’Arusha.  Il n’y a donc aucun problème, a-t-elle dit, en arguant que les Burundais doivent comprendre ce qui leur est arrivé pour prévenir tout nouveau conflit. 

Aujourd’hui, a-t-elle dit, le Parlement fonctionne, le Gouvernement reconnaît les partis tels qu’ils sont inscrits dans la Constitution, des cadres bien clairs ont été établis pour faciliter les partenariats avec la Commission de consolidation de la paix et les partenaires du Burundi.  Tout est désormais en place pour que le pays poursuive son œuvre de consolidation de la paix.

Commentant l’adoption du rapport de la deuxième session de la Commission de consolidation de la paix, le Secrétaire général de l’ONU s’est dit convaincu que l’une des raisons pour lesquelles la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) a pris autant de retard en Afrique est que jusqu’ici, l’on n’a pas mis assez l’accent sur la nécessité urgente de consolider la paix.  M. Ban Ki-moon s’est donc félicité que la Commission recherche les moyens de rationaliser sa méthodologie pour examiner plus efficacement les quatre situations qu’elle a désormais inscrites à son ordre du jour.  Chaque situation est unique et il faudra développer tout un éventail d’instruments pour y répondre.

Au niveau du système des Nations Unies, a poursuivi le Secrétaire général, il faut une culture de la coordination et de la cohérence pour mieux répondre à la nature spécifique de la consolidation de la paix.  Notre défi commun est de traiter des priorités immédiates de la consolidation de la paix de manière à promouvoir une approche holistique propre à répondre aux impératifs d’une paix durable.  Il faut investir dans les capacités nationales pour garantir la viabilité de la paix.  Les États concernés ont besoin d’institutions capables de fournir les services sociaux de base et de garantir la sécurité, la justice et la stabilité politique.  « J’attends de la Commission de consolidation de la paix, a dit le Secrétaire général, qu’elle génère de bonnes pratiques applicables non seulement dans les pays dont elle s’occupe mais partout ailleurs. »

S’agissant des ressources financières, le Secrétaire général a annoncé son intention d’évaluer les termes de référence du Fonds de consolidation de la paix une fois qu’il aura reçu le rapport du Bureau des services de contrôle interne.  « Mon intention, a-t-il dit, est d’initier un processus visant à identifier les faiblesses conceptuelles et opérationnelles dans la réponse de la communauté internationale aux situations postconflit et de faire des recommandations concrètes à tous les organismes pertinents des Nations Unies. » 

« Comment combler ces lacunes », s’est interrogé le Président de la Commission de consolidation de la paix?  Il faut faciliter l’interdépendance entre les trois piliers du travail de l’ONU, a-t-il répondu, en rendant compte des conclusions auxquelles il est parvenu après ses discussions avec le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, le Représentant permanent des États-Unis auprès des Nations Unies et l’ancien Président du Mozambique.

Le Président de la Commission a ainsi souligné que la reconnaissance de la nature unique de chaque situation de consolidation de la paix est un principe important.  Cette consolidation, a-t-il poursuivi, doit être partie d’un processus d’appropriation nationale.  La paix doit venir de l’intérieur et non de l’extérieur et le peuple doit être placé au centre de tous les efforts.  La sécurité est la clef de tous les efforts, a-t-il aussi conclu, mais les liens entre sécurité, développement et droits de l’homme sont importants.  Une paix durable dépend d’un cadre politique viable où toutes les parties jouent un rôle constructif.  Il faut combattre la mentalité selon laquelle le gagnant rafle toute la mise.

Le Président a mis l’accent sur la nécessité de faire avancer en parallèle le processus de réforme politique et celui de réforme économique.  Il est essentiel de promouvoir les réformes institutionnelles qui peuvent contribuer à former un gouvernement largement représentatif et comptable de ses actes dans les domaines de la sécurité, de la fourniture des services sociaux de base et des opportunités économiques.

La paix n’est que « la normalisation de la vie des populations », a-t-il poursuivi, en soulignant l’importance des projets à impact rapide.  Les stratégies intégrées de consolidation de la paix sont un cadre utile pour renforcer l’appropriation nationale, la responsabilité mutuelle et l’engagement continu de tous les acteurs pertinents.  La consolidation exige du temps et de la patience, a conclu le Président.

Et il n’y a pas de paix sans développement ni de réponse à la situation humanitaire, a commenté à son tour la Sous-Secrétaire générale chargée duBureaud’appuiàlaconsolidationdelapaix, en regrettant que les tenants du « tout politique » n’aient pas encore reconnu ce « grand défi ».  La Commission de consolidation de la paix, a-t-elle estimé, représente un partenariat unique et peut, à ce titre, contribuer à régler le débat Nord-Sud sur la primauté du développement et de la stabilité politique.  

Le Président de la Formation Burundi a dit qu’il quittera ses fonctions avec beaucoup d’espoir pour le Burundi compte tenu de la volonté des Burundais à oublier le passé et à aller de l’avant et celle de la communauté internationale à rester à leurs côtés.  Des commentaires ont également été faits par plusieurs membres du Comité d’organisation.  

En attendant la conclusion d’un accord sur sa future composition, le Comité d’organisation de la Commission de consolidation de la paix a reconduit le mandat des Présidents des Formations pour la Guinée-Bissau, la République centrafricaine et la Sierra Leone.  Les consultations se poursuivent sur le futur président de la Formation pour le Burundi en remplacement du Représentant permanent de la Norvège.  Pour les mêmes raisons, le Comité a également reconduit le mandat des membres du Bureau de la Commission de consolidation de la paix, en accueillant ses deux nouveaux que sont la Suède et le Canada. 

* PBC/2/BDI/L.2

 ** PBC/2/OC/L.2

  *** http://www.un.org/french/peace/peacebuilding/

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