Génocide de 1972 au Burundi : L’ONU a-telle besoin d’un rapport complémentaire ?
Question à La Une

@rib News, 29/04/2014

Editorial à l’occasion de la commémoration de 42 ans du génocide perpétré contre les Hutu du Burundi en 1972

Par La Rédaction

 Il est communément admis aujourd'hui, du moins l’entend-on dire dans l’opinion burundaise, que les tensions de nature ethnique se sont apaisées.  On ne demande qu’à y croire.  Seulement voilà : la Vérité et la Justice qui sont habituellement perçues comme tremplin, sinon conditions de la Réconciliation et du Pardon n’ont pas encore vu systématiquement le jour.

La polémique  entretenue sur la création et l’action de la Commission Nationale Terre et autres Biens suffit à elle seule à prouver que l’on est loin du compte. Et puis il y a les fameux quotas  « ethniques » introduits comme par le malin lui-même  dans les accords d’Arusha et qui tiennent le pays injustement en lesse : encore faudrait-il, à l’issue d’un recensement, dire qui est qui au Burundi.  Illogique quand tu nous tiens ! On ne peut pas vouloir une chose et faire son contraire.

Ensuite l’intolérance politique qui prévaut dans le pays est-elle de nature à tracer la voie pour une quelconque recherche de la vérité ?  La fameuse Commission Vérité et Réconciliation elle-même, quels que soit son mandat, sa composition et ses objectifs, ne risque-t-elle pas d’être une commission de plus sinon de trop, une grosse montagne burundaise qui accouchera d’une souris aveugle et sans avenir ?

Et pour cause : comment oublier les siens fauchés par la furie meurtrière d’une République (fût-elle bananière) et jetés au milieu de nulle part, dans des fosses communes jonchant tout le Burundi, mais que personne n’ose encore indexer ?   Comment oublier, se taire et pardonner (d’ailleurs qui faut-il pardonner ?) quand on sait que les comptes bancaires des disparus, leurs biens meubles et immeubles…  ont été accaparés par des gens, certains encore en vie, mais qui dorment dessus comme leurs propriétés acquises de haute lutte,  alors que c’est le fruit d’une spoliation à la faveur d’un génocide honteux dont ils n’osent se revendiquer ni comme commanditaires ni comme exécutants ? (Voir notre dernier posting à ce sujet sur ce même site).

Qui est coupable de quoi, telle reste la question.  Pourtant chaque famille victime sait ce qui s’est passé.  Les bourreaux aussi.   Ceux-là mêmes qu’Henry Kissinger a qualifiés de « bouchers ».  Il ne croyait pas si bien dire, comme s’il avait été informé sur la vraie signification de ce mot dont la seule évocation donne encore froid dans le dos, « amacuniro » pour ne pas le prononcer ! 

Les veuves, les orphelins, les descendants sont toujours là.  Si les premières vieillissent sous le coup du chagrin et des ans, les seconds ont tout appris.  Et ils sont des centaines de milliers.  Presque toutes les familles du pays ont été soit endeuillées directement, soit touchées dans leur évolution normale.  Ceux qui ne sont pas passés de vie à trépas ont été jetés sur les routes de l’exil pour échapper au pogrom.  Les études se sont arrêtées pour des milliers de jeunes Hutu.  D’autres ont été empêchés de poursuivre les filières d’enseignement menant à des emplois sentis comme prestigieux (droit, économie, douanes, médecine, etc.). « Tout ce que le Burundi comptait de force vive d’intellectuels Hutu, de fonctionnaires du public et du privé, des prêtres, des commerçants, des élèves, des étudiants et même des paysans, a disparu sans laisser de trace », écrivait Perpétue Nshimirimana, dans un de ses nombreux articles, publié sur ce même site 29/04/2012 (Lire 1972-2012. Quarante ans de silence sur le génocide des Hutu du Burundi).

Pourtant également, la fameuse Communauté internationale, du moins certaines gens de bonne volonté avaient crié au génocide !  Et les auteurs du forfait leur ont opposé un… « Silence on tue !»  Les ambassadeurs du régime, ses émissaires et les régimes analogues qui leur ont succédé ont répété la même attitude face à ce drame sans nom.  Jusque dans les sphères des puissants de ce monde ; jusqu’à l’ONU.   Mais comme ce crime des crimes lui-même reste imprescriptible (du moins selon la définition de l’ONU, donc du droit international), les cicatrices de tous ceux qui ont souffert dans leur chair et dans leur psyché restent béantes et les rescapés continuent de donner de la voix, une voix certes nasillarde, mais qui finira par exploser et faire échos multiples.  Ne vaudrait-il pas mieux l’entendre déjà maintenant ?  Car mieux vaut tard que jamais !

Pourtant également peu après le génocide, l’Etat américain entre autres a bel et bien souligné que la Belgique, ancien colonisateur du Burundi avait publiquement dénoncé le génocide de 1972 et avait arrêté sa coopération militaire.  Au risque de répéter le même refrain depuis 1985, rappelons à l’ONU, si un jour elle veut bien lever l’accusation portée contre elle de « deux poids deux mesures »,  ce qu’un de ses envoyés spéciaux, Whitaker pour ne pas le nommer,  écrivait alors, qualifiant les massacres commis contre les Hutu du Burundi de génocide :

« En matière de génocide, le 20ème siècle se distinguait par le fait que ce crime est commis de sang-froid sur un ordre donné délibérément par les détenteurs d’un pouvoir politique despotique et que ses auteurs emploient toutes les ressources de la technologie et de l’organisation actuelles pour exécuter complètement et systématiquement leurs plans meurtriers. L’aberration nazie n’est malheureusement pas le seul cas de génocide au 20ème siècle. On peut rappeler aussi le massacre des Hereros en 1904 par les Allemands, le massacre des Arméniens par les Ottomans en 1915-1916, le pogrom ukrainien en 1919 contre les Juifs, le massacre des Hutu par les Tutsi au Burundi en 1965 et en 1972, le massacre au Paraguay des Indiens Aché avant 1974, le massacre auquel les Khmers rouges se sont livrés au Kampuchéa entre 1975 et 1978 et actuellement le massacre des Bahaïs par les Iraniens ».

L’ONU a-telle besoin d’un  rapport complémentaire ?  Quelqu’un disait dernièrement que les faits sont têtus.  Certes ; mais sait-il seulement qu’ils le sont toujours, partout et pour tous ?  Avant Whitaker et les autres, les médias occidentaux avaient tout dit.  Ou presque.

Voici ce qu’un membre de l’ARIB publiait déjà en avril 1996 dans Ijambo les Quatre Vérités.  Le texte intitulé « Summum du Génocide Anti-Hutu (1972-1973) au Burundi » est on ne peut plus d’actualité et il faudrait l’amplifier en une étude plus vaste et complète.

Lire Summum du Génocide Anti-Hutu (1972-1973) au Burundi