Réponse du Muganwa Baranyanka à l'Ambassadeur Kavakure
Opinion

@rib News, 24/06/2009

Précisions du Muganwa Charles Baranyanka à la réaction de Monsieur l'ambassadeur Laurent Kavakure.

Je remercie du fonds du cœur Son Excellence Monsieur l'ambassadeur Kavakure, pour avoir bien voulu, malgré ses nombreuses charges, étudier attentivement mes propositions à propos des funérailles de Sa Majesté Ntare V, Roi-Martyr et apporter à ce débat, que je souhaite élever au niveau national, des observations dignes d'intérêt.

Quelques commentaires supplémentaires de ma part s'imposent, pour compléter l'excellent commentaire de l'ambassadeur Kavakure, tout en essayant de rester le plus bref possible avec le risque de trop schématiser.

En effet, comme le dit l'ambassadeur Kavakure, les rois étaient enterrés dans le domaine des Biru, à l'orée de la Kibira. Mais c'étaient des rois intronisés et ensevelis selon les règles strictes du Code ésotérique dont les Biru, ritualistes atitrés, en sont détenteurs. Dans mon livre: "Le Burundi face à la Croix et à la Bannière", j'explique le rôle des Babibe investis à l'exclusion de tout autre clan, du pouvoir d'introniser nos rois. Or, à l'intronisation de Ntare V, les Babibe brillaient par leur absence et ceux qui ont intronisé le souverain, ignoraient la totalité des rites à observer en pareille circonstance.

Bien plus, le Code ésotérique dispose que : "l'intronisation d'un roi du vivant de son père est sacrilège". Ainsi, aux yeux de l'orthodoxie monarchique, Ntare V est un roi illégitime, inapte à être enterré dans la nécropole royale. Ntare V a opéré une révolution de Palais, un coup d'Etat, entériné d'ailleurs par le peuple enthousiaste, préoccupé à cette époque par une situation politique nationale qui ne cessait de se détériorer. C'est un roi moderne, en rupture de tout lien rituel que le rattache au passé de la vieille monarchie. A ce titre, le Burundi le reconnaît comme chef d'Etat, dénué cependant du caractère sacré reconnu à ses illustres prédécesseurs. Sa place se situe, me semble-t-il, ailleurs et non dans la région des Inganzo qui, elle, obéit aux lois secrètes et inviolables de l'antique royauté.

Lorsque Sa Majesté Ntare V ainsi que des centaines des milliers des Barundi sont assassinés pendant le génocide de 1972 et jetés dans une même fosse commune, ils ont subit ensemble le martyre. Nous les pleurons d'abord comme compatriotes dont quelqu'un parmi eux porte le titre de roi. C'est pour cela qu'ils devraient bénéficier de la même faveur, c'est-à-dire l'hommage national mettant un accent particulier sur la personne du monarque. Procéder autrement manquerait gravement à l'impératif que l'ambassadeur Kavakure souligne avec pertinence, je le cite : "C'est une réflexion profonde qui mérite beaucoup d'attention, pour notre réconciliation nationale avec nos morts et nos disparus que nous n'avons ni pleuré, ni enseveli dans la dignité".

Pour ma part, je vois difficilement le peuple se lever pour rendre les honneurs nationaux à Sa Majesté Ntare V seul, en ignorant les siens qui ont subit le même sort ignoble. En effet, les milliers des familles qui portent encore le deuil de 1972 dans leurs cœurs, ne se sentiront jamais concernés par les cérémonies qui privilégient uniquement un seul martyr parmi eux, si illustre soit-il. Aborder cette question franchement, clairement, sans détours ni omissions, nous conduira infailliblement vers la réconciliation nationale que nous appelons de tous nos vœux.

A Ndago, autour des cercueils qui représentent la nation meurtrie, il n'y a pas de doute que les Barundi n'en sortent réconciliés. Ils liront à cette occasion sur les murs du Temple de Ndago, montagne proclamée sainte et inviolable, symbolisant l'unité nationale retrouvée, inscrits en lettres d'or, les noms des toutes les victimes des génocides  qui ont endeuillés la Patrie.

Quant au feu sacré, il brillerait éternellement dans le Temple de Ndago, en l'honneur de nos héros, mais aussi en souvenir de notre réconciliation nationale. Autrefois, il était entretenu à la Cour royale. A la mort du souverain, on mettait les braises de ce feu sous la cendre (Kuvumbika). Cette pratique était observée par la nation entière. A la proclamation du nouveau monarque, on réactivait la flamme.

Je saisis cette occasion pour remercier Son Excellence le Prince de Nkoronko, Gardien des Armoiries, Maîtres des Livres, le Professeur Bwejeri, de l'honneur qu'il m'a fait en daignant jeter un coup d'œil sur mon texte. Malheureusement, je ne me sens pas capable de formuler quelque observation sur sa longue intervention très savante.

J'en profite aussi pour exprimer anticipativement ma reconnaissance à tous ceux qui me feront l'honneur de me lire et se donneront la peine de me faire part de leurs objections.

Pour finir je formule le vœu de mettre à l'ordre du jour ce débat au niveau national.

Muganwa Charles Baranyanka