Burundi : Quid du droit de vote pour les personnes détenues ou hospitalisées ?
Opinion

@rib News, 22/05/2014

Des élections de 2015 au Burundi

Droits politiques et civiques des malades et des détenus.

 Par Jacqueline Nibaruta

Selon les récentes informations obtenues par le biais d’un citoyen aujourd’hui locataire de la prison de Mpimba, il semblerait que les prisonniers comme les personnes hospitalisées ne sont pas pris en compte que ce soit dans la préparation, l’organisation et des opérations électorales des scrutins généraux qui s’organisent périodiquement au Burundi. Apparemment, les personnes concernées ignorent eux-mêmes qu’elles ont ce droit, pour le réclamer. C’est une réalité burundaise qui me laisse sans voix, si jamais cela venait à s’avérer véritable. Je vous prie par conséquent de me confirmer ou de m’infirmer cette situation et de m’excuser au cas ce serait faux pour ce qui suit, car j’ai jugé bon de partager mon opinion à ce sujet.

En attendant vos éclaircissements, je continue à croire que cette information ne reflète pas la réalité car si c’était le cas, ce seraitselon moi, une preuve indiscutable de plus que la démocratie au Burundi est un leurre et que le respect des droits de l’homme en général, et ceux des malades et des détenus  en particulier est une farce.

En ce qui concerne le droit de vote des personnes hospitalisées :

Mon avis est que les personnes malades et hospitalisées ne souffrent pas toutes des maladies mentales. A ma connaissance, la plupart d’entre-elles sont en difficulté physique, souffrant des malades dites biologiques mais elles sont saines d’esprit. Eu égard à l’objet de cet article,  je soutiens qu’il est tout à fait normal que les malades mentaux, par la nature-même de leur maladie, ne peuvent pas être consultés pour des questions qui font appel à l’usage de l’intellect comme l’élection de nos futurs dirigeants.Néanmoins, même ceux-là ne perdent pas leurs droits politiques et civiques, ils sont déclarés et reconnus comme empêchés pour raisons de santé. En effet, ces derniers récupèrent automatiquement leur faculté d’exercer leurs droits comme tout citoyen qu’ils retrouvent l’esprit, dès qu’ils sont reconnus et certifiés guéris par le spécialistes de ce secteur de santé.

Après ce petit mis au point, je soutiens que les malades ont droit d’exercer leurs droits politiques et civiques, y compris et surtout le droit de vote. De plus, il faut remarquer tout d’abord qu’en raison de la précarité socio-économique qui s’est enracinée au Burundi depuis des années, une tranche non-négligeable de la population burundaise a une santé de mauvaise qualité. Et pour cause, des maladies liées à la malnutrition et aux mauvaises conditions de vie, la pandémie de la malaria, les maladies cardio-vasculaires, la diabète, le VIH-SIDA, etc, sont autant de maladies qui se sont accentuées et pris de l’ampleur avec la longue guerre civile qui s’est déclenchée en octobre 1993. Face à cette situation, il serait insensé d’exclure tout un pan de la société burundaise de tels rendez-vous importants dans la vie de la nation.

Retirer le droit de votes aux malades dans un pays comme le Burundi, est, en ce qui me concerne, non seulement une forme de discrimination mais c’est aussi amputer de l’électorat burundais d’une grande partie de sa substance. Le fait d’être malade n’implique nullement pas la perte des droits politiques civiques, je le répète.

En ce qui concerne le droit de vote des détenus :

Au sujet de ce groupe, je pars également de l’idée que les personnes détenues dans les différentes prisons du Burundi, ne se sont pas toutes rendues coupables des délits et crimes qui, au regard de la loi, les font perdre leur droit de vote.

De par les informations qui nous parviennent tous les jours, la plupart des détenus dispersés dans les différentes prisons du pays,  sont des prisonniers politiques et de petits délits de droit commun. Les criminels de renom - ceux qui ont commis des crimes de sang, ceux qui ont vidés les caisses de l’Etat, ceux qui sont quotidiennement cités dans les nombreuses affaires de corruptions et de malversations économiques, etc -  ne sont mêmes pas inquiétés. Ces derniers continuent à vaquer à leurs occupations habituelles, à commettre des crimes les uns après les autres comme si de rien n’était, au vu et au su de tout le monde. Certains d’entre-eux  sont même régulièrement promus à des postes importants de responsabilité en guise de récompense pour leurs macabres forfaits.

D’autre part, par les lacunes graves de notre système judiciaire, le Burundi se retrouve aujourd’hui avec des milliers de prisonniers sans dossiers. Même ceux d’entre-eux qui en ont un, ils passent des mois, voire des années avant d’être présentés devant le juge pour se défendre et être jugés. Or, vous savez comme moi, que toute personne n’ont encore jugée et condamnée est présumée innocente. Si nous pouvons laisser de côté ces problèmes liés au dysfonctionnement endémique de la justice burundaise, pourquoi de tels détenus ne peuvent plus exercer leurs droits civiques et politiques, dont le droit de vote ?

Enfin, j’ai l’intime conviction que même ceux qui ont déjà été jugés et condamnés, n’ont pas tous été condamnés pour des délits et crimes qui leur ôtent leurs droits politiques et civiques, au regard de la loi.  Pourquoi alors priver ceux qui, ne sont pas concernés par l’exception ci-haut relevée, du droit d’élire leurs dirigeants et représentants ?

Recommandations :

Aux autorités burundaises chargés de préparer, organiser et sécuriser les élections de 2015, je vous demande de ne pas oublier nos frères et sœurs malades (physiques) et détenus dans les différentes prisons du pays. Le Burundi appartient à tous les Burundais, il ne faut laisser personne au bord de la route lors de ces activités nationales hautement citoyennes. Il est important en effet, de prévoir l’organisation des opérations électorales dans les hôpitaux et dans les prisons dès les prochaines échéances de 2015. Comme les personnes hospitalisées ne peuvent pas se déplacer pour se rendre dans leurs différents bureaux de vote classiques en raison de leur santé, et que les prisonniers ne peuvent se rendre dans les bureaux de vote de leur circonscription pour des raisons évidentes de sécurité et d’organisation, je vous demande d’installer des bureaux de vote dans les différents grands hôpitaux et dans les différentes prisons du pays. Il en va du respect des principes de démocratie et du respect des droits humains.

Aux leaders des partis d’opposition et en particulier ceux de l’ADC-IKIBIRI, je vous invite à insister, lors des différents pourparlers avec le pouvoir en place sur la question électorale, sur ce point des droits de vote des malades et des détenus. Que le niveau de vie de la population burundaise soit précaire - ce qui produit beaucoup de malades mal-soignés - n’est un secret pour personne et que les détenus actuels soient surtout des membres et sympathisants des partis d’opposition,  et de la société civile est aussi évident que le nez au milieu du visage. Il serait dommage que tous ces prisonniers politiques qui remplissent les prisons burundaises n’expriment pas leur préférence lors des prochaines élections générales de 2015.

En conclusion, exception fait des malades mentaux et des citoyens ayant perdu leur droit d’électeur par décision judiciaire, TOUT citoyen burundais a le droit et le devoir d’exercer son droit civique en choisissant lui-même ses représentants à tous les niveaux de pouvoir. Il s’agit en effet d’une règle élémentaire de la gestion démocratique d’un pays.

Je vous remercie.

Jacqueline NIBARUTA