Burundi : dix-neuf ans après les massacres d’étudiants Hutus, l’UB se souvient
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@rib News, 11/06/2014

 L’Université du Burundi a commémoré mercredi les massacres du 11 juin 1995 qui ont ciblés les étudiants Hutus. Les rescapés ont rendu hommage à deux anciens responsables de l’Université, MM. Athanase Bakunda et Pascal Firmin Ndimira, qui ont lutté pour qu’il n’y ait pas de crise au sein de cette institution, bien qu’ils aient été dépassés par les événements.

Un des rescapés a témoigné que les deux autorités de l’Université du Burundi à l’époque, ont plaidé pour que les étudiants Hutus qui avaient fui après l’assassinant de Ndadaye puissent regagner les auditoires et avoir des chambres comme les autres, malgré le refus de certains extrémistes Tutsis.

Les signes avant coureurs étaient déjà visibles. Des réunions et des discours de haine de faisaient sentir dans cette Université du Burundi.

« Ils disaient dans des assemblées générales de l’Association des Etudiants de Rumuri ASSER qu’il y a des saletés et qu’il faut les balayer », a déclaré l’un des témoins, qui dit avoir été bâillonnés à maintes reprises et laissé pour mort, avant de se réveiller plus tard.

Paul Kagame encourage les étudiants Tutsis

Les choses se sont empirées avec la visite, deux jours avant les massacres, de Paul Kagame, alors vice-président du Rwanda.

Selon certains témoins oculaires, l’homme fort du Rwanda était arrivé au Burundi, sans protocole. Alors qu’il était entré au Burundi dans son véhicule, il va dévier et va se faire remarqué à Musaga (Sud de la capitale) alors qu’il devrait normalement entrer en ville par le nord de la capitale (Gare du Nord, Kamenge).

Ce visiteur qui n’avait pas de protocole a rencontré les étudiants à l’Université du Burundi au campus Kiriri et a dit qu’il fallait être vigilant à voir ce qui s’est passé au Rwanda en 1994. Il faisait allusion au génocide des Tutsis au Rwanda, une année au paravent.

Selon les témoins, le président rwandais a demandé aux étudiants Tutsi, d’une façon indirecte, d’ouvrir les yeux car au Rwanda, des Hutus avaient tué des Tutsis dans des écoles alors qu’ils étaient tous des étudiants.

Le lendemain de ce discours, les rescapés disent avoir vu certains des étudiants Tutsis manifester à l’aide des pancartes demandant le nettoyage des campus, c'est-à-dire, massacrer tous les étudiants Hutus, comparés aux ordures.

Le 11 juin 1995, ce qui devrait arriver arriva. Une centaine d’étudiants Hutus furent tués par des étudiants Tutsi, appuyés par des groupes de tueurs de l’époque appelés « Sans Echecs » et « Sans Défaites » venus de Nyakabiga et Musaga en camionnette rouge.

Des camions de l’armée régulière et de la gendarmerie vont transporter les corps pour les jeter dans des fosses communes ou dans la Rusizi. Des corps flottant seront localisés sans pour autant savoir si c’étaient ceux des étudiants ou pas.

« On voyait le sang, mais on ne voyait pas de corps » a raconté un autre témoin.

L’armée et la gendarmerie n’ont rien fait pour venir en aide aux étudiants, selon les témoignages. Il y a même ceux qui ont été tués devant ces mêmes agents de sécurité ou même dans des véhicules de la gendarmerie.

Complices, les militaires qui étaient en position au campus Mutanga ont saisi la cabine téléphonique ouverte à tous; empêchant ainsi les victimes d’appeler au secours.

General Major Evariste Ndayishimiye, qui à cette époque était étudiant en 1ère Licence, a souligné que les filles avaient été enlevées puis violées avant d’être froidement tuées.

 Ce 11 juin 2014, 19 ans après les massacres, l’organisation AMEPECI des familles des victimes et des rescapés a appelé à la construction d’un monument pour ses victimes et dédier cette journée du 11 juin aux cérémonies de commémoration, donc une journée fériée à cette uUniversité.

Le Recteur Gaston Hakiza, qui enseignait déjà lors des massacres à cette Université, a promis de convaincre les autorités pour que ce monument soit construit.

Une longue procession a eu lieu, composée essentiellement de jeunes étudiants, des familles des victimes et même des responsables du pays, des députés. Ils portaient des rubans de couleur mauve ; signe de deuil dans la société burundaise. Des gerbes de fleurs ont été déposées sur la Place de l’Unité au Campus Mutanga. [JMM]