Aimé Magera table sur une réunification de tous les FNL autour de Rwasa
Politique

@rib News, 13/06/2014

Agathon Rwasa : L’homme du changement au Burundi ?

A un an des élections générales au Burundi, certains partis politiques planchent déjà sur leur message de campagne tandis que d’autres cherchent à bien se positionner sur terrain. La « transhumance politique » a aussi déjà commencé et devrait s’accentuer dans les mois qui viennent. Et tout le monde dit être à la recherche du changement significatif. Et qui peut apporter ce changement tant attendu au Burundi ? Aimé Magera (photo), porte-parole du parti FNL de Rwasa, s’est entretenu avec ARIB.INFO. Pour lui, Agathon Rwasa est l’homme qu’il faut. Suivez ci-dessous l’intégralité de l’interview.

ARIB.INFO : Comment qualifiez-vous la situation politique actuelle au Burundi ?

Aimé Magera : J’étais au Burundi, il y a quelques semaines. Je vous dis que la situation est très chaotique. Tous les indicateurs économiques, sociaux et sécuritaires sont au rouge. Le régime essaie d’écarter et d'intimider toute personne qui dénonce ses dérives. La famine tue et menace de tuer davantage. Il y a aussi la militarisation par la distribution des armes aux miliciens Imbonerakure. Et voilà que ceux qui dénoncent cette manœuvre dangereuse et demandent des enquêtes indépendantes sont incarcérés. Des arrestations arbitraires sont devenues monnaie courante, sur le simple fait que des gens appartiennent aux partis d’opposition, surtout le FNL. Des marchés sont incendiés partout dans le pays ; la population déjà paupérisée est désespérée par les discours mal placés d'un président fatigué mais occupé à ses affaires privées. La situation est très alarmante et il faut absolument  un changement à la tête du pays.

Changement oui, mais quand ?

Le changement, c’est maintenant, du moins dans les esprits. Le rendez-vous de 2015 sera la phase finale, dans les urnes. Aujourd’hui, c’est l’heure de la vérité sur le bilan négatif de la législature sortante. C’est l’heure du rassemblement des forces du changement. Il faut que tous, nous soyons conscients que la situation est grave. Il faut que toutes les personnes qui se sentent touchées  par l'ampleur sans précédent de la corruption, la restriction des libertés publiques, la montée vertigineuse des prix, l'insécurité généralisée, etc. se rassemblent autour d’un seul homme que je qualifie de charismatique et qui incarne à notre avis le vrai changement au Burundi. Cet homme, c’est bien Agathon RWASA.

Comment Rwasa incarnerait-il ce changement ? Croyez-vous qu’il sera à la hauteur de tous ces défis cités ci-haut ?

Agathon Rwasa, c’est le leader de l'opposition le plus redouté par le régime de Bujumbura à cause de sa popularité incontestable non seulement au sein des FNL, mais aussi parmi la grande majorité des forces vives de la nation. Les membres éminents de la communauté internationale voient dans sa personnalité une force politique assez crédible au Burundi, sans commune mesure avec des leaders désignés par Nduwimana ou promus par le CNDD-FDD comme sa cinquième colonne dans l'opposition. Ce n'est pas par simple hasard que les journalistes des chaînes et radios françaises ont presque tous demandé au président Pierre NKURUNZIZA dernièrement pourquoi il bloque les activités politiques d'Agathon RWASA comme président du FNL. Les réponses qu'il a données sont les mêmes que celles de son ministre Edouard NDUWIMANA, le parrain de toutes les ailes fantoches montées dans les partis politiques. Notre impression est que ces deux personnalités ne comprennent probablement pas les questions posées avant de répondre aux micros. Ils brandissent la loi, sans doute qu’ils ignorent.

Agathon RWASA s'est montré l'homme incorruptible, avant et après le holdup électoral de 2010. Le CNDD-FDD lui a fait des avances alléchantes mais empoisonnées, sans succès. Son caractère de rassembleur des Burundais n'est plus à démontrer. Le message très bref qu'il a adressé le 06/8/2013 dès sa réapparition publique en est révélateur. Il interpellait tout le monde qui aspire réellement au changement pour qu'en 2015, on accorde ensemble à Pierre NKURUNZIZA la liberté d'aller s'occuper de ses stades et de ses fermes privés au lieu de rêver un autre mandat de trop, anticonstitutionnel. Quant aux défis énumérés, le peuple Burundais est capable de les relever une fois bien dirigé.

Parlons maintenant de votre réunification avec le FNL, aile Jacques Bigirimana. Il y a quelques jours, on parlait de tentatives de réunification entre vos ailes. Allez-vous poursuivre ce processus après la mort de Datus Nshimirimana, une mort qui vous divise davantage aujourd’hui ?

La tâche de réunification n'est pas facile, mais elle est possible. Le grand défi qui nous reste est cette main sale du CNDD-FDD qui manipule, harcèle, tue nos militants et nous empêche d’organiser un congrès d’unification. Le FNL est un parti qui a été combattu par plusieurs régimes depuis 34 ans. Mais il a toujours survécu à tous les coups. Même aujourd'hui, les marionnettes du CNDD-FDD qui avaient profité du repli tactique d'Agathon RWASA en 2010 devraient se rendre à l'évidence : les militants et sympathisants du FNL sont restés fidèlement attachés à leur chef, légal et légitime. Ils ont refusé de suivre une voie contraire aux idéaux du parti, supportant injures, humiliations et mêmes exécutions extrajudiciaires.

Même ceux qu'il avait obligés à intégrer ses comités lui ont tourné le dos aussitôt que RWASA est réapparu. Jacques Bigirimana, en effet, ne pourra pas nier qu'il a été derrière la persécution cruelle des FNL en sa qualité d'indicateur des services de la police présidentielle. De 2010 à nos jours, il s'est toujours vanté d'avoir le droit de vie ou de mort sur quiconque n'est pas avec lui dans la trahison. Il l'a même clamé haut et fort dans un meeting tenu devant des ex-combattants à RUGAZI, en août 2013. C’est ainsi que le lendemain, Edouard MISAGO alias FUNDI a échappé à un assassinat et croupit toujours dans la prison de Muramvya. Dans cette politique de chasse à l’homme, l'assassinat ignoble de Datus NSHIMIRIMANA peut nous révéler que cet homme du système en place n’a pas changé.  Il est cité notamment à la tête des bandes malveillantes qui rôdent jours et nuits autour du domicile de la veuve Datus, comme si la mort de son mari ne suffisait pas pour la laisser tranquille avec ses deux orphelins. 

Nous faisons cette interview au moment où Bigirimana est à Bruxelles pour officiellement remplacer les organes du FNL en Europe et réconcilier les Banamarimwe. Vous a-t-il contacté à ce sujet ?

Non ! Cet homme joue trop de la farce. Moi, je l’ai aperçu seulement dans une cérémonie de levée de deuil définitif d’un couple de compatriotes décédé en 2012. C’était samedi dernier. En tout cas, nous savons qu’il est venu spécialement pour cette cérémonie. Mais par son avidité inégalée, il a peut-être trompé ses patrons de la police présidentielle qu’il vient acheter des membres, afin qu'on lui donne un peu d'argent. Personne n’a vu Jacques en dehors de cette levée de deuil dont je vous ai parlé. Tout simplement parce que ce Judas n'a rien à dire aux gens, sauf à ceux qu'il veut encore rouler dans la farine.

Il y a quelques jours, l’ancien bras droit de Jacques Bigirimana en Europe, Emmanuel Kaburanirwa a fait défection pour vous rejoindre. Quelle signification donnez-vous à cette migration (pour ne pas dire transhumance puisque l’herbe ne pousse pas encore chez Rwasa) ? Un gros poisson pour vous ?

Agathon RWASA a déjà lancé un appel vibrant pour le rassemblement de tous les FNL. Pas de gros ni petits poissons, car chacun a une et une seule voix dans l'urne au jour du vote. Nous ne voudrions pas parler de transhumance dans le cas de monsieur Emmanuel KABURANIRWA. Nous osons espérer qu'il a répondu comme beaucoup d'autres l'ont fait sur tous les continents. L'appel a été réitéré le 18 avril dernier, à l’occasion du 34è anniversaire du Palipehutu et 5è anniversaire du FNL autour du thème « réconciliation ». Donc, nous accueillons à bras ouverts tous ceux qui reviennent au FNL, y compris les brebis égarées tout comme celui qui veut devenir sympathisant ou membre. Pour ce cas, c’est un bel exemple, à condition de revenir pour travailler.

Vous parlez de Rwasa comme homme du changement attendu au Burundi et vous faites un appel de rassemblement autour de lui. Mais une partie des Burundais voit toujours le FNL comme le Palipehutu dans le temps. C’est-à-dire un parti à exclusion ethnique, qui n’arrangerait pas surtout les Tutsis une fois au pouvoir. Comment les rassurez-vous de rejoindre aussi Rwasa ?

Le contexte politique des années 1980 explique et justifie tout le combat qu'a mené le PALIPEHUTU , puis le Palipehutu-FNL. Les tabous qui entouraient les ethnies n'existent plus, on en parle et on les a démystifiés. Ça c’est le travail essentiellement du Palipehutu. Les accords de paix et de cessez-le-feu ont été des compromis entre les Hutu et les Tutsi  qui s’entre-déchiraient depuis des décennies.

Nous voulons préciser que le Palipehutu n'avait aucune dent contre une ethnie, mais qu'il a décidé de se battre contre un système de mauvaise gouvernance. Exactement presque identique à celui qui dirige le Burundi depuis 2005. Même si le FNL est le prolongement du Palipehutu, reconnaissez que le contexte a sensiblement changé.  La lutte actuelle du FNL est totalement politique. Certains des ex-combattants ont intégré les corps de défense et de sécurité et d’autres ont intégré la vie civile, et personne ne leur reproche quoi que ce soit.

Agathon Rwasa est le leader qui a eu l'honneur de diriger une lutte à la fois politique et armée au Burundi et s’est transformé en homme politique. Il sait donc très bien que l'heure n'est plus aux spéculations ethnistes. C'est plutôt l'heure des projets de société. Sa vision est pour cela opposée à celle de Pierre NKURUNZIZA, pourtant chef d'un parti également dit Hutu (qui fait semblant de se renier  par hypocrisie).  Sur ça, tous les Burundais épris de justice et de paix peuvent être rassurés sous une direction d'Agathon RWASA, indépendamment des ethnies.  Le dialogue et la concertation restent ses maîtres mots sur toutes les questions importantes de la nation.

Vous êtes dedans et dehors de l’ADC-Ikibiri, une Alliance des Démocrates pour le Changement. Comment allez-vous collaborer avec elle pour arriver au changement que vous prônez ?

Je crois que nous sommes incompris dans cette collaboration avec l'ADC-Ikibiri, qui est une alliance et non pas une fusion de partis. Le FNL ne s’est jamais retiré. Il n'entend pas le faire. Nous avons participé dans la création de cette alliance, avec un agenda précis. Je l’ai   personnellement représentée à l’étranger pendant trois ans. C’est parce que j’y croyais. Nous continuons à participer et à contribuer dans les réunions.  Seulement, nous avons refusé d'être traités de manière indigne, comme des moutons de Panurges ou des membres de second étage.

Je dois dire qu’il faut par contre aujourd’hui recomposer l'alliance  et l’élargir  puisqu’il y a plus de mécontents aujourd’hui qu’en 2010. Beaucoup de voix s'élèvent pour une coalition forte de tous les démocrates. Elles devraient trouver une place d'expression au sein ou à côté de l'ADC-ikibiri. Je pense notamment à l'UPRONA, FRODEBU NYAKURI qui ont, in extremis, mené dernièrement  une action de sauvetage de la démocratie en s'opposant avec leur dernière énergie au putsch constitutionnel. Les actions conjointes en cours sur les dossiers brûlants comme la formation paramilitaire des miliciens du CNDD-FDD montrent que l'union des forces démocratiques est d'une impérieuse nécessité.

Propos recueillis par Jérôme Bigirimana