La dernière analyse de Stef Vandeginste sur le Burundi ne fait pas l’unanimité |
Opinion | |
@rib News, 30/06/2014 Le constituant et le législateur burundais ne sont pas muets sur la limitation du nombre de mandats présidentiels. Par Théophile Bamwumva La lecture de l'analyse du constitutionnaliste belge, le professeur Stef Vandeginste, sur les sites internet burundais, nous a étonné autant que nous sommes surpris par le silence des acteurs politiques burundais sur ce sujet. Le Chef de l’Etat burundais sait que son temps est compté depuis que l’Assemblée Nationale lui a fait manger son chapeau en rejetant in extremis son précieux projet de Révision de la Constitution de mars 2005 qui lui aurait garanti un 3ème mandat. Pour essayer de manipuler un électorat de plus en plus sceptique, déçu et blasé, il a notamment pris l’option de s’acheter en espèces sonnantes et trébuchantes, dans les quatre coins de la planète, des expertises aussi farfelues qu’injustifiées. C’est ainsi que le président Pierre Nkurunziza vient de trouver un défenseur de sa thèse, un expert juriste belge, un constitutionaliste connu des internautes burundais, en l’occurrence un certain Stef Vandeginste, chargé de cours à l’Université d’Anvers en Belgique et collaborateur du Professeur Filip Reyntjens. Dans son analyse, dont les conclusions nous semblent discutables et même critiquables, le professeur Vandenginste, comme pour avouer qu’il disserte sur commande, il fait bien d’annoncer, d’entrée de jeu, que le prescrit de la Constitution en ce qui concerne le mandat du Chef de l’Etat ne l’intéresse guère : « Le présent papier se limite donc à l’analyse d’une question très précise et ne s’intéresse pas au bien-fondé du principe. Nous n’abordons pas non plus la question complexe de savoir si un mandat supplémentaire (troisième ou, selon certains, deuxième mandat) de Pierre Nkurunziza serait contraire ou conforme à la Constitution ». Or, la Constitution de la République du Burundi est effectivement on ne peut plus clair là-dessus, notamment en son article 96 : « un mandat de cinq ans renouvelable une fois». C’est cela l’esprit et la lettre de l’Accord d’Arusha pour la paix et la réconciliation des Burundais, qui a inspiré les acteurs politiques au moment de sa rédaction. Pour la bonne gouverne de ceux qui, comme Stef Vandeginste, veulent enterrer prématurément ce compromis historique, rappelons que c’est avec l’Accord d’Arusha que les Burundais ont prouvé au monde entier qu’ils avaient la volonté à la fois de reconstruire leur pays déchiré et de se réconcilier par un engagement à « mettre un terme aux causes profondes de l’état continu de la violence ethnique et politique, de génocide et d’exclusion, d’effusion de sang, d’insécurité et d’instabilité politique, qui ont plongé le peuple dans la détresse et la souffrance et compromettent gravement les perspectives de développement économique et la réalisation de l’égalité et de la justice sociale dans notre pays ». Aussi est-il difficile de comprendre la conclusion de cet expert constitutionaliste, qui veut que ni « la CENI, ni la Cour Constitutionnelle, nul ne peut l'arrêter » (la candidature du président Nkurunziza pour son 3eme mandat). Si la CENI a la mission de vérifier la recevabilité des candidatures, pourquoi les membres de cette CENI, si du moins ce sont des hommes et des femmes intègres et à l'esprit indépendant, ne prendraient-ils pas en considération toutes les exigences de la loi pour évaluer la recevabilité de la candidature du président Nkurunziza ? Il ne nous semble pas judicieux de leur exiger de motiver le rejet de sa candidature « sur tous les points de non-conformité à la Constitution et à la présente loi » et ne pas leur reconnaitre le droit de recourir à ces mêmes exigences rigoureuses dans l'exercice d'évaluation de son acceptabilité. Il y a quelque chose qui ne marche pas dans ce raisonnement teinté de sophisme. L'expert constitutionnaliste nous déclare encore que « la Cour constitutionnelle n’aura pas à statuer sur la recevabilité de sa candidature. Nulle part dans la Constitution, dans le Code électoral ou dans la loi régissant la Cour constitutionnelle, il n’est prévu que la Cour doive confirmer une candidature déclarée recevable par la CENI. Il n’est pas non plus prévu qu’un tiers intéressé puisse contester, devant la Cour, une candidature déclarée recevable par la CENI ». Au regard de cette assertion, l'expert juriste donne à penser que le rôle de la Cour constitutionnelle consiste à statuer sur la recevabilité de la candidature de Nkurunziza. Il en fait une juridiction de recours à la CENI. Ce n'est pas son rôle. Les membres de la Cour constitutionnelle devront se prononcer, en cas de saisine de celle-ci, sur la conformité de cette candidature de Nkurunziza à toutes les exigences de la loi. L'article 96 de la Constitution qui parle de deux mandats du Président sera examiné sous tous les cas de figure pour savoir, si oui ou non, il y a eu un exercice effectif des pouvoirs de Président de la République par Monsieur Pierre Nkurunziza pendant deux périodes de cinq ans chacune. En tout, dix ans d'exercice de pouvoirs présidentiels. Le mode de désignation à cette fonction ne constitue pas, et n'a pas constitué, une limitation de l'exercice de pouvoir. En cas de doute, la Cour peut toujours recourir aux travaux préparatoires pour sonder la pensée et l'esprit du constituant et du législateur sur ce sujet. Ces derniers n‘ont pas été muets et la limitation constitutionnelle du nombre de mandats présidentiels n'est pas une coquille vide. Nous osons espérer que les hommes et les femmes membres de la CENI et ceux et celles de la Cour constitutionnelle prendront à coeur, en âme et conscience, leur responsabilité. Tout n'est pas perdu, n'en déplaise aux thuriféraires. Théophile BAMWUMVA |