Pour la CADHP, la détention de Mbonimpa est un "harcèlement judiciaire"
Droits de l'Homme

@rib News, 15/07/2014

Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples

Communiqué de Presse sur le maintien en détention du défenseur des droits de l’homme Monsieur Pierre Claver Mbonimpa

La Rapporteure Spéciale sur les Défenseurs des Droits de l’Homme en Afrique, Me Reine Alapini-Gansou, a de nouveau reçu des informations faisant état du maintien en détention provisoire de M. Pierre Claver Mbonimpa, Président de l’Association pour la Protection des Droits de l’Homme et des Personnes Détenues (APRODH) et lauréat du Prix Martin Ennals pour les défenseurs des droits de l’homme 2007 ; suite à son interpellation de puis le 15 mai 2014.

La Rapporteure Spéciale note que le Tribunal de Grande Instance de Bujumbura a confirmé la détention provisoire de M. Pierre Claver Mbonimpa et a renvoyé la cause pour examen  au fond.

Elle est préoccupée par le fait  que cette décision ait été prise au mépris d’une  circulaire du Ministre de la Justice du 27 février 2014 exemptant de détention préventive, les personnes âgées de plus de 60 ans ou souffrant de maladies chroniques et dont l’application devrait profiter à  M. Pierre Claver Mbonimpa.   

Arrêté le 15 mai 2014, M. Pierre Claver Mbonimpa a, pour la première fois, comparu en audience publique le 4 juillet 2014 pour « atteinte à la sûreté intérieure et extérieure de l’Etat », « faux et usage de faux » selon les articles 579, 602 et 356 du Code Pénal burundais. Son arrestation faisait suite à son investigation et ses déclarations aux médias sur les centres d’entraînement des jeunes « Imbonerakure »,  du parti au pouvoir au Burundi, à l’est de la République Démocratique du Congo.

La Rapporteure Spéciale note par ailleurs que ces préoccupations avaient été également soulevées le  Bureau des Nations Unies au Burundi en soulignant  que la militarisation des ces jeunes constituait une « menace majeure pour la paix au Burundi ».

La Rapporteur Spéciale considère cette détention comme un harcèlement judiciaire à l’égard de M. Pierre Claver Mbonimpa, acte qui ne vise qu’à intimider les défenseurs des droits de l’homme et à restreindre leurs activités. Elle est préoccupée par le  fait que cet état de chose ne vienne fragiliser  la situation des droits de l’homme déjà précaire  au Burundi.

La Rapporteur Spéciale condamne fermement cette détention et invite le Gouvernement Burundais à prendre toutes les mesures idoines en vue de libérer sans condition M. Pierre Claver Mbonimpa, si celui-ci n’est poursuivi pour autre raison de droit.

La Rapporteur Spéciale exhorte en outre les autorités judiciaires à prendre toutes les mesures nécessaires en vue de faire la lumière sur le dossier relatif à l’existence des centres d’entraînement des jeunes Burundais à l’est de la République Démocratique du Congo.

La Rapporteure Spéciale rappelle aux  autorités burundaises le  « rôle important que jouent les défenseurs des droits de l’homme dans la promotion de la protection des droits de l’homme en Afrique » comme la Déclaration de Kigali le reconnaît.

La Rapporteure Spéciale souhaite également rappeler au Gouvernement Burundais ses obligations et responsabilités au titre des instruments régionaux et internationaux dûment ratifiés par la République du Burundi, notamment  la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples.

Elle l’invite en outre à se conformer aux dispositions de la Déclaration des Nations Unies ainsi que les Déclarations de Kigali et de Grand Bay sur les Défenseurs des Droits de l’Homme.

La Rapporteure Spéciale encourage enfin les autorités burundaises dans leurs efforts  pour la promotion et la protection des  droits de l’homme et les invite à s’assurer que les défenseurs des droits de l’homme exercent leurs activités dans un environnement  propice, sécurisé et exempt de toute autre forme de représailles.  

Fait à Banjul, le 14 juillet 2014

Me Reine Alapini-Gansou

Commissaire, Rapporteur Spéciale sur les Défenseurs des Droits de l’Homme en Afrique