Ces Ministres burundais des Finances naviguant entre incompétence et malhonnêteté
Opinion

@rib News, 12/08/2014

BURUNDI : LE RÉGIME CNDD-FDD ET SES MINISTRES DES FINANCES

Par Jacqueline Nibaruta

Toute cette première semaine  du mois d’août 2014, des voix de l'intérieur comme de l'extérieur du Burundi, se sont élevées pour dénoncer le mensonge prémédité du Ministre des Finances Burundais, au sujet des financements des travaux de la REGIDESO et des améliorations en ce qui concerne la distribution du courant électrique. Tabou Abdallah MANIRAKIZA a en effet déclaré jeudi 31 juillet 2014, devant le parterre des Députés réunis dans l'hémicycle de Kigobe, la fin du système de délestage du courant électrique dans la capitale dès le 1er août 2014, déclaration qui était plus que bienvenue.

Et pour cause, le retour à l’approvisionnement normal d’électricité aurait en effet, redonné le sourire et le souffle à la population urbaine en général, et aux commerçants en particulier, surtout ceux qui sont dans le secteur de l’Horeca qui, par intermittence, vivent et travaillent dans le noir depuis des années.

Malheureusement, cette déclaration s’est avérée être un mensonge éhonté de ce haut cadre du Gouvernement. Ce mensonge a été orchestré sans aucun doute pour justifier le trou qui continue à s’agrandir dans la caisse de l’Etat et ainsi faire passer une nouvelle loi sur l’augmentation et la généralisation des taxes. Oui, le Ministre des Finances Tabou Abdallah a sciemment menti aux représentants du peuple ; Oui, des Députés il en a fait des Dépités ; mais que risque-t-il au fond?  - RIEN- !

En tant que Ministre des Finances au Burundi de Pierre NKURUNZIZA et ses acolytes, Tabou Abdallah MANIRAKIZA ne risque rien, étant donné qu’il n’a fait qu’appliquer une fois encore, les principes de base du Gouvernement et des institutions instaurés par les ex-rebelles qui règnent sur le Burundi depuis 2005. Il ne risque rien car, si nous ne sommes pas amnésiques, il n’est pas à son premier essais, ce n'est pas la première fois qu'il ment devant le parlement, qu'il ment au peuple Burundais, pour faire passer comme une lettre à la poste des lois qui, sans ce genre de maquillage délicat, auraient peu de chance de passer.

Rappelez-vous ce que Monsieur Tabou Abdallah MANIRAKIZA disait depuis mi-2013, à propos de l'arrivée massive des aides promises par communauté internationale! J'étais moi-même de passage au Burundi aux mois de juin-juillet 2013. C’était peu après la rencontre des bailleurs de fonds du Burundi organisée à Genève en Suisse, et pendant une autre rencontre organisée juste après, à Bujumbura, la capitale Burundaise.  Je l'entendais dire sur les ondes des radios locales, que 46% des aides promises ont déjà été débloquées! C’était une bonne nouvelle à première vue, mais je n’ai pas manqué de relever la variation des chiffres égrainés selon les jours et selon les orateurs. Les chiffres avancés par le Ministre des Finances sur ce sujet, ne correspondaient pas à ceux donnés par Monsieur Pamphile MUDEREGA par exemple, qui dirige l’organe local chargé de gérer ces aides. Concernant le décompte des aides déjà encaissées,  tantôt c’était 43%, tantôt 41%, tantôt 46%, etc. Je me rappelle qu’à l’époque j’ai fait remarquer à mon entourage que quelque chose ne tournait pas rond malgré les airs optimistes que les autorités essayaient de nous donner ! J’aurais aimé ne pas avoir raison, croyez-moi !

Aujourd'hui, les mêmes autorités qui nous rassuraient il y a à peine quelques mois, nous disent que les caisses de l’Etat sont vides, qu’il faut faire un effort supplémentaire pour combler le déficit public, la raison de cette situation étant,  selon toujours leurs dires, que les aides ne sont pas rentrées comme c’était prévu, que seuls 6% des aides promises ont été perçues, que les bailleurs de fonds  du Burundi ont revu à la baisse leurs interventions! J’avoue que je n'y comprends plus rien! Soit le Burundi a déjà encaissé plus des 46% des aides (version de juin 2013), soit seulement 6% de celles-ci (version actuelle), ou alors quelque chose d'indéfini entre les deux! Ce qui est incontestable en revanche, c’est que les autorités ont pris l’habitude de mentir au peuple et de mentir sur tout, pour des motifs non encore identifiés !

Monsieur le Ministre des Finances peut mentir autant qu’il veut aux Représentants du peuple et au peuple tout entier sans s’inquiéter. Rappelez-vous Monsieur Tabou Abdallah MANIRAKIZA était Ministre de l’Education sous le gouvernement NKURUNZIZA II ou III, difficile de m’en souvenir avec précision avec autant de remaniements ministériels sous une même législature. Bref, l’affaire des « cahiers ougandais », qui a fait couler beaucoup d’encre et de salive, c’était lui qui trônait sur le Ministère de l’Education et de l’Enseignement. Le manque à gagner occasionné par cette affaire des « Cahiers Ougandais » pour trésor public burundais, s’évalue en termes de millions de dollars américains. Est-ce qu’il a été inquiété et/ou  poursuivi ? NON.

Il a été au contraire promu aux responsabilités plus importantes, celles de gérer le Trésor public. Pourquoi ? Parce que dans ses actions et paroles, il obéit à la perfection aux ordres et à la logique du système né avec le CNDD-FDD au pouvoir dès 2005, celui d’assurer le plus de gains pour certains ténors du parti présidentiel avec le moindre effort. Cela se concrétise tous les jours par les affaires de corruption et de malversations économiques que nous apprenons sans cesse, par médias et magazines et rapports aussi bien nationaux qu’internationaux, interposés. Lui (le Ministre des Finances) est là, pour exécuter les ordres de l’oligarchie tripartite (Pierre NKURUNZIZA - Alain Guillaume BUNYONI – Général  Adolphe NSHIMIRIMANA), qui a la main mise sur toutes les richesses du pays, pour trouver des bonnes couvertures et les présenter au peuple. En échange de ces services, l’oligarchie tripartite lui assure protection et pérennité dans ce poste juteux que ses collègues du gouvernement lui envient, sans oser le dire.

Mais Tabou Abdallah MANIRAKIZA, n'est malheureusement pas le 1er Ministre des Finances qui fait tourner en bourrique la tête des citoyens burundais. Depuis l’avènement du pouvoir CNDD-FDD, Monsieur Pierre NKURUNZIZA, le Président de la République fraîchement élu, a fait confiance à un certain Dieudonné NGOWEMBONA et lui a confié le Ministère des Finances ô combien convoité par tous les ministrables, dans son premier gouvernement de 2005!  Monsieur Dieudonné NGOWEMBONA n’a pas été choisi ni pour ses compétences ni pour son rôle particulier dans la lutte armée qui a conduit aux négociations inter-burundais, aux accords de cessez-le-feu, à la mise en place des institutions de transition et enfin, à l’organisation des élections générales de 2005. Nous l’avions toujours su : Monsieur NGOWEMBONA a été préféré par le tandem NKURUNZIZA-RADJABU pour sa fidélité sans bornes à celui qui possède la groseille, donc le pouvoir. Le tandem Pierre NKURUNZIZA – Hussein RADJABU avait en effet décelé en cet homme, d’ailleurs sympathique et touchant, un être qui a d’abord un grand attrait des choses matérielles et de l’argent en particulier, un homme qui exécutera les ordres donnés sans poser de questions, un Ministre qui apposera sa jolie signature, par ailleurs, sur les documents qu’on lui apportera sans hésitation et qui assumera sans broncher toute la responsabilité le moment de rendre des comptes venu ! Voilà, ce que le 1er héritier du Ministère des Finances au lendemain des élections générales de 2005 avait de particulier !

C’est ainsi que durant son court séjour à la tête du Ministère des Finances, Monsieur Dieudonné NGOWEMBONA a battu le triste records des affaires de gros sous, sous la rubrique « Corruption et Malversations Economiques ». Du 30 août 2005 (jour de mise en place du 1er gouvernement Nkurunziza) au 15 janvier 2006, pas moins de 5 affaires de corruption reposaient déjà sur sa tête. Dans le désordre, je citerai par exemple, l’affaire des Haricots et Sucre destinés au corps de la police ; l’affaire de l’huile de palme destinée à la police et à l’armée ; l’affaire de la réhabilitation de la route Bujumbura –Rumonge,  avec Jean-de-Dieu à la direction générale des routes ; l’affaire de l’achat des véhicules neuves pour les membres du parlement nouvellement élu ainsi que ses positions quant à leur approvisionnement en carburant, etc. Malgré tous ces dossiers, il est nécessaire de rappeler que l’affaire qui a sonné le glas aux rêves de ce Ministre choisi pour sa docilité que pour sa connaissance intrinsèque de la mission du Ministère des Finances a été sans doute, la « Vente Illicite de l’Avion Présidentiel, le fameux Falcon 50 ». Nous y reviendrons en détails dans nos écrits ultérieurs.

Suite à l’indignation de la communauté tant nationale qu’internationale face à la médiocrité de la gestion du Trésor public sous le règne de Monsieur NGOWEMBONA, le Président de la République, Pierre NKURUNZIZA, a eu tout le mal du monde à se défaire de ce lieutenant fidèle, malgré la pression internationale. Avec le consentement de Monsieur Hussein RADJABU,  1er patron de Monsieur NGOWEMBONA dans le parti CNDD-FDD, Monsieur Pierre NKURUNZIZA n’a pas épargné ses efforts pour lui trouver un poste aussi digne que juteux que le Ministère des Finances, tout en lui évitant d’être trop exposé. C’est dans ce cadre qu’est intervenu le remaniement ministériel qui a remplacé Monsieur Dieudonné NGOWEMBONA par Madame Denise SINANKWAau Ministère des Finances, tandis que lui héritait du Ministère qui avait le Plan et de la Planification dans ses attributions. Un vrai jeu de chaises musicales, les remaniements de NKURUNZIZA !

Mais, comme contrairement aux autres affaires mafieuses du début du 1er mandat du CNDD-FDD, l’affaire Falcon 50 s’est vite avérée loin d’être simplement et purement une affaire burundo-burundaise, une tête devait tomber pour éviter que la communauté internationale, l’Union Européenne et la Banque Mondiale en tête, ne ferme les robinets. Il a fallu sacrifier quelqu’un pour faire baisser la pression. C’est ainsi que Monsieur NGOWEMBONA a été limogé pour « faute lourde » par décret présidentiel, mais qu’en revanche, le peuple attend toujours des explications et des sanctions sur ce que le décret présidentiel qui l’a limogé a appelé « Faute Lourde ». Ce que nous savons jusqu’à présent par contre, c’est que Monsieur Dieudonné NGOWEMBONA coule des jours heureux dans son énorme demeure du nouveau quartier chic de KIGOBE en mairie de Bujumbura, et qu’il fait profiter ses richesses illicites à sa deuxième famille, celle qu’il a fondé avec l’argent du contribuable Burundais en 2006.

Pour le moment, disais-je donc, notre ex-Ministre des Finances profite mène tranquillement cette vie que lui a permise, en quelques mois à peine, le système corrompu en place à la tête de l’Etat Burundais depuis 2005. De plus, il est sûr de sa protection du moins jusqu’au changement du régime, si jamais il est encore en vie, eu égard aux affaires d’élimination des témoins gênants par les ténors du parti CNDD-FDD. S’il y a quelque chose qui ennuie peut-être aujourd’hui Monsieur NGOWEMBONA, il doit juste regretter que contrairement à son souhait déclaré devant le parlement, et capté à son insu par un micro discret, il n’a pas passé les 5 années de la 1ère législature du CNDD-FDD, à la tête du Ministère des Finances. Les années 5 dans ce fauteuil ministériel lui aurait sans aucun doute permis de s’enrichir encore plus ! C’est le seul regret qui doit un peu le ronger à l’heure qu’il est !

Je disais plus haut que lors d’un des multiples remaniements gouvernementaux, Monsieur Dieudonné NGOWEMBONA avait été remplacé par Madame Denise SINANKWA au Trésor Public. Dès son arrivée à la tête de ce Ministère, elle non plus n’a pas fait dans la dentelle. Elle a vite mis en place des mécanismes destinés à faire saigner à blanc le trésor public qu’elle était sensée garder, gérer et approvisionner. Vous vous rappelez peut-être encore des affaires Inter-pétrole, les cahiers ougandais et le pétrole nigérian, pour ne citer que celles-là. C’était elle qui était à l’avant-garde de ces affaires de gros sous qui étaient commanditées d’en haut, comme sous son prédécesseur, Monsieur Dieudonné NGOWEMBONA. Du jour au lendemain, nous avons appris dans l’émoi général et par médias interposés, que Madame la Ministre Denise SINANKWA a pris la fuite, qu’elle a quitté le Burundi en emportant des sommes colossales! Aujourd’hui, elle est quelque part dans le monde, où elle mène une vie heureuse avec les siens sur l’argent issu de la sueur du contribuable burundais.

A ce stade, il est important de signaler au lecteur, qu’aucune instruction ou poursuite judiciaire n’est ouverte à l’encontre de ces deux ex-ministres des finances, qui ont pourtant été déclarés par décret présidentiel, coupables de « Faute Grave ». Pourquoi voulez-vous que Tabou Abdallah MANIRAKIZA, l’actuel Ministre des Finances, agisse autrement ? A part, son prédécesseur direct, Madame Clothilde NIZIGAMA, Tabou Abdallah MANIRAKIZA  est en train de faire du temps à la tête de ce ministère qui changeait de chefs comme des sous-vêtements depuis 2005, pour des raisons évidentes d’adéquation avec les principes de gouvernance dictés d’en haut ! Au vu de ce qui précède, il me semble que Monsieur MANIRAKIZA a mieux compris, plus que ses deux prédécesseurs ci-haut évoqués en tout cas, comment ça marche tant que le CNDD-FDD est au pouvoir. Il faut rester discret, trouver des explications plausibles pour tromper le peuple, et laisser couler en douceur. Pour le reste…… d’autres services s’en occupent ! C’est triste pour mon pays et mon peuple, mais c’est là où nous en sommes au Burundi !

En conclusion, je suis amenée à penser que certains ministères clés, comme celui des Finances, celui de la Planification, celui de la Défense, de la Sécurité publique et celui de l’intérieur, sont en train de devenir de gigantesques institutions plus ou moins légales de blanchiment d’argent, et des caisses de résonnance du régime dirigé par l’oligarchie tripartite, que j’évoquais plus haut.

Je vous remercie.

Jacqueline NIBARUTA.