Pr Filip REYNTJENS : « Le Burundi est confronté à une gouvernance déficiente »
Analyses

@rib News, 26/06/08

CHRONIQUE POLITIQUE DU RWANDA ET DU BURUNDI, 2007-2008

par Filip Reyntjens - Anvers, mai 2008

1. INTRODUCTION

Tant au Rwanda qu’au Burundi, l’évolution politique en 2007-2008 a été marquée par la continuité. Au Rwanda, l’emprise du FPR est forte, à tel point que les élections législatives, prévues pour septembre 2008, ne seront qu’une formalité. La position apparemment intouchable du régime se combine paradoxalement avec une remise en cause internationale.

En effet, malgré des visites de haut niveau à Kigali qui semblent apporter autant de cautions, le FPR est de plus en plus rattrapé par son passé criminel. Après le juge Bruguière en France, fin 2006, le juge espagnol Andreu Merelles lance des mandats d’arrêt internationaux contre des officiers de l’APR au début de 2008.

Même si le TPIR doit, en principe, fermer ses portes à la fin de cette même année, le procureur Jallow est confronté à la nécessité de remplir « la seconde partie du mandat » qui concerne les crimes commis par le FPR en 1994.

Le régime flaire le danger et réagit de façon fort nerveuse à la montée de ces menaces qui, comme nous le verrons, commencent à générer des effets gênants. A l’intérieur du pays, il poursuit et intensifie même l’ingénierie sociale, à la fois volontariste et totalitaire, que j’ai décrite dans l’Annuaire de l’année dernière.

Alors qu’elle s’inscrit dans la logique de la transformation modernisante contenue dans la « Vision 2020 » du gouvernement, elle constitue également une mise en coupe des habitants auxquels elle impose de nombreuses contraintes.

Enfin, la lutte contre l’« idéologie génocidaire » à l’intérieur et à l’extérieur peut paraître légitime, mais elle fait en même temps partie d’une stratégie visant à sauvegarder le monopole de la vérité sur le passé, le présent et l’avenir du Rwanda. Le contrôle du discours est ainsi devenu un important instrument politique.

Le Burundi, quant à lui, est confronté à une gouvernance déficiente, sous la houlette d’un régime qui tente de museler l’opposition et la presse. Si cette évolution a pu être observée ailleurs en Afrique, elle est particulièrement regrettable au Burundi.

En effet, le CNDD-FDD avait obtenu un large mandat populaire en 2005, à l’issue d’élections globalement honnêtes et transparentes. Le parti dominant aurait dès lors pu gouverner de façon confiante et décontractée. Or c’est l’inverse qui s’est produit : le CNDD-FDD s’est replié sur lui-même, et il a développé des pratiques qui inquiètent à l’extérieur et même à l’intérieur du parti.

Nous verrons la paralysie institutionnelle qui en a été le résultat, de même que les divisions au sein du parti. Ces pratiques affaiblissent le CNDD-FDD, qui craint la concurrence des FNL au moment où ce mouvement rebelle intégrerait éventuellement le système politique.

Par conséquent, tout comme certains autres partis, le CNDD-FDD semble avoir déjà entamé la campagne électorale en vue des échéances de 2010, ce qui à son tour contribue à l’impasse politique. En outre, même si la réalisation la plus importante de la nouvelle constellation burundaise est la pacification ethnique, celle-ci ne saurait être tenue pour acquise. Enfin, les négociations avec la dernière rébellion piétinent, menaçant ainsi tant la paix civile que la stabilité des institutions.

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