L'espoir français aux championnats d’Europe est originaire du Burundi
Sports

20 Minutes, 19/08/2014

Championnats d'Europe handisport: «Forgé comme un warrior», l'espoir français Jean-Baptiste Alaize vise trois médailles

ATHLETISME - Après avoir été champion du monde à quatre reprises chez les moins de 23 ans...

Après les valides à Zurich, c’est au tour des athlètes handisport de disputer leurs championnats d’Europe. La compétition a lieu à Swansea, au pays de Galles, à partir de ce mardi. Dix-neuf athlètes composent la délégation française, et parmi eux, un grand espoir: Jean-Baptiste Alaize, 23 ans. Engagé sur le saut en longueur, le 100m et le 200m, ce multiple médaillé aux Mondiaux des moins de 23 ans, qui court avec une prothèse à la jambe droite, aborde ses premiers «Europe» avec envie.

Avec quelles ambitions arrivez-vous à ces Championnats?

Ce sont mes premiers championnats d’Europe. J’attends ça de puis longtemps! J’ai bien travaillé toute cette saison aux Etats-Unis, j’ai gagné en sérénité. Je sais ce que je suis capable de faire, c’est pour ça que je vise le maximum de médailles sur mes trois épreuves, le 100m, le 200m et le saut en longueur. La concurrence est rude mais je veux absolument faire mes premiers podiums chez les seniors. Après, peu importe si c’est l’or, l’argent ou le bronze.

Et en termes de performances?

Mes meilleurs temps sont de 11’’80 sur le 100m et de 23’’80 sur le 200m. Je peux les battre. Sur la longueur, j’ai battu le record de France avec 6,65m, en mai. Je sais que je peux viser encore plus loin. Dans ma tête, je veux faire 7 mètres. Déjà, ça m’assurera le podium, et puis je ne serais que le troisième athlète à franchir cette distance. Ce serait énorme.

Vous avez participé aux Jeux de Londres en 2012. Quels souvenirs en gardez-vous?

J’en ai surtout tiré une bonne expérience pour Rio, en 2016. C’était une découverte, le fait d’arriver dans une grande compétition, de ne pas savoir où se mettre, de courir devant autant de monde…. Ce n’était pas évident. J’étais comme un enfant au village olympique. Le mélange avec les athlètes de tous les pays reste un super souvenir. Après, j’ai fait finaliste à la longueur, ce n’est pas si mal. Mais le véritable objectif, c’est Rio.

C’est pour cela que vous êtes parti vous entraîner aux Etats-Unis [voir encadré ci-dessous]?

C’était mon rêve depuis tout petit, de partir là-bas. Et je ne regrette pas. Les gens sont très accueillants, et puis l’entraîneur est un grand monsieur. Il m’a dit le premier jour: "Si tu veux devenir un champion, tu me fais confiance." Je ne parlais pas un mot d’anglais, mais ça, je l’ai bien compris. Depuis, j’ai cravaché, cravaché, cravaché… Aujourd’hui, je suis fier des séances qu’on a faites ensemble.

Jusqu’à quand est prévue votre collaboration?

On aimerait bien continuer jusqu’au Jeux de Rio. Mais je suis tellement content d’être là-bas que je me dis pourquoi pas jusqu’au Jeux de Tokyo, en 2020, ou même encore après.

En quoi est-ce différent là-bas? L’ntensité des entraînements, leur qualité?

Déjà, la météo! C’est en Caroline du Sud, on a beau temps tous les jours. Il fait 30°C le matin, ça donne envie. Après, les entraînements sont très durs. Ça marche par cycle. On bosse trois semaines à fond, puis une semaine de repos, et on recommence. C’est vrai que le premier jour, quand il m’a dit "tu as ça, ça, ça et ça à faire", mon cœur s’est arrêté. Je lui ai dit que je ne faisais que de la longueur, pas du 400m. Il m’a répondu de le laisser faire son travail, et aujourd’hui je suis forgé comme un «warrior». Avant, pour la longueur, j’étais fatigué au bout du quatrième saut. Là je peux enchaîner sans problème. C’est important pour les grands championnats.

Quel travail spécifique faites-vous entre l’appui sur votre jambe et l’appui sur votre prothèse?

Aux Etats-Unis, j’ai pu m’acheter de nouvelles prothèses, plus performantes. La lame est tellement puissante que ma jambe avait du mal à suivre. J’ai dû bosser pour avoir la même foulée, ne pas être en retard. Ça demande plus de travail qu’à un valide. Chez un valide, la foulée est naturelle. Pas pour moi, j’ai dû la créer. J’ai d’ailleurs eu des problèmes avec la puissance de la lame car les vibrations reçues sont toutes encaissées dans la hanche. Il faut s’adapter, prendre l’habitude. Le plus dur, c’est de créer la synchronisation et surtout ne jamais lâcher, même quand on est fatigué, sinon une seule jambe travaille. J’ai beaucoup bossé, maintenant je suis prêt. Le coach m’attend, il veut me voir revenir avec des médailles.

Son programme:

Mardi 19 août: 100m/Jeudi 21: 200m/Samedi 23: Saut en longueur

Des massacres au Burundi aux pistes d’athlétisme

La vie de Jean-Baptiste Alaize a basculé alors qu’il était âgé de seulement 3 ans. Né au Burundi en 1991, il n’a pas pu échapper aux terribles exactions commises dans ce pays et au Rwanda voisin durant cette période. En 1994, des «barbares armés de machettes», comme il le raconte sur son site, entrent dans sa maison. Ils tuent sa mère et lui assènent plusieurs coups de machette. «Quatre en tout, dont un qui m’a sectionné la jambe droite.» Envoyé en France en 1997 pour se faire appareiller, le petit Mougicha (son prénom africain) y reste définitivement.

Adopté par une famille de Montélimar (Drôme), les Alaize, il devient Jean-Baptiste et découvre vite l’athlétisme. Au collège, des «Jeux olympiques» sont organisés. Lui participe au relais. «On était troisièmes quand c’était à mon tour. J’ai rattrapé tout le monde et on a gagné», se souvient-il. Personne ne sait à ce moment qu’il est handicapé, car il ne voulait pas que ses camarades voient en lui quelqu’un de différent. Mais alors qu’il se change dans les vestiaires après la course, un de ses professeurs passe par là. «Il m’a demandé ce que j’avais eu, je lui ai expliqué. Et il m’a dit que ce que j’avais fait était formidable. Il m’a conseillé d’aller dans un club, l’US Montélimar, et voilà.»

Jean-Baptiste Alaize ne s’est plus jamais arrêté. Après avoir couru un temps avec les valides, il a commencé les courses handisport à 14 ans. Et intégré l’équipe de France quatre ans plus tard, en 2009. Fin 2013, il est parti s’entraîner aux Etats-Unis, sous les ordres de Sylvanues Hepburn. Ce dernier était notamment le coach d’Allen Johnson, qu’il a mené aux titres de champion olympique et du monde du 110m haies. Le but du Français est clair: devenir le meilleur. Ces championnats d’Europe constituent sa première étape vers les sommets espérés.