Assassinat des trois religieuses : s’agit-il d’un crime ŕ message politique ?
Opinion

Le Pays, 10 septembre 2014

Assassinat odieux de religieuses au Burundi : A qui profite le crime ?

C’est la stupeur et le désarroi au Burundi, après le viol et l’assassinat dans leur couvent, de trois membres de la congrégation des sœurs de Marie, toutes Italiennes, dans la périphérie de Bujumbura. Au regard de l’âge avancé de ces pauvres religieuses et les mutilations corporelles qu’elles ont subies, on est en droit de se demander si ce crime est simplement le fait d’un forcené en mal de sensations fortes.

La thèse d’un crime crapuleux ne résiste pas à l’analyse

En tout cas, on se rappelle encore cette autre sombre affaire similaire, où les auteurs des assassinats d’un coopérant italien et d’une religieuse croate, mis aux arrêts par la police burundaise, avaient déclaré avoir agi pour des motifs crapuleux, en novembre 2011.

Dans le cas présent, la motivation semble tout autre. Qu’est-ce que ces religieuses ont pu bien faire pour mériter un tel sort ? Cela dit, à qui profite ce crime indigne d’une époque civilisée ? Autant de questions que l’on peut se poser.

Toujours est-il que la thèse d’un crime crapuleux, dans le cas d’espèce, ne résiste pas à l’analyse, dans la mesure où le troisième meurtre a été commis au nez et à la barbe des forces de sécurité burundaises qui veillaient à la sécurité du couvent. A cela s’ajoute le fait que les criminels n’ont rien emporté après leur basse besogne.

Ce qui est d’autant plus ahurissant, c’est que deux autres religieuses, une Rwandaise et une Congolaise qui dormaient dans le même couvent, n’ont pas été inquiétées. C’est à n’y rien comprendre.

Comment l’auteur du troisième crime a-t-il pu tromper la vigilance de la police pour arriver à décapiter sa victime ? Ce qui est sûr, c’est que ce crime n’est pas sans motivation, surtout dans le contexte sociopolitique burundais actuel.

Rien ne saurait justifier cet acte ignoble

Lorsqu’on considère la manière dont les crimes ont été commis et l’art utilisé, on est tenté de dire que le ou les auteurs sont porteurs d’un message. On le sait, l’Eglise catholique n’a pas sa langue dans sa poche et ne reste jamais aphone lorsque la situation politique exige une prise de position claire.

On sait bien que le président Nkurunziza supporte mal la contestation et ne fait pas mystère de sa volonté de modifier la Constitution pour demeurer au pouvoir. Est-il derrière cet acte et si oui, a-t-il voulu envoyer un signal fort à l’Eglise catholique ? Rien n’est à exclure. D’ailleurs, ce triple assassinat rappelle étrangement l’affaire des moines de Tibéhirine, assassinés en Algérie en novembre 1996, dans un contexte sociopolitique trouble.

Par ailleurs, on ne peut absoudre à bon comptes l’opposition politique burundaise qui pourrait aussi être l’instigatrice de ce crime. Elle pourrait  en effet avoir ourdi un stratagème macabre, pour salir l’image du pouvoir en place. Cette piste n’est pas non plus à exclure.

En tous les cas, rien ne saurait justifier cet acte ignoble. Ce triple assassinat donne encore une image hideuse de l’Afrique au reste du monde, comme si l’affaire des moines de Tibéhirine ne suffisait pas. En tout cas, vivement que les auteurs de ces crimes barbares soient arrêtés et qu’ils répondent de ces actes odieux.

Thierry Sami SOU


NdlR : Le Pays est un quotidien d'un groupe de presse privé du Burkina Faso