@rib News, 16/07/2008 - Source AFP La mise en cause par la Cour pénale internationale (CPI) du président soudanais Omar el-Béchir inquiète l'Union africaine (UA), déjà contrariée par le cas rwandais et décidée à ne pas laisser les régimes du continent être déstabilisés par la justice internationale. L'UA défend avec ardeur son "refus de l'impunité", notamment pour les crimes de guerre et génocide. Mais elle se heurte, dans l'affaire soudanaise, à un autre objectif majeur, celui d'instaurer la paix et la stabilité en Afrique.
Lundi, le procureur de la CPI, Luis Moreno-Ocampo, a demandé aux juges de la Cour d'émettre un mandat d'arrêt contre le président soudanais, l'accusant notamment de génocide au Darfour, région de l'ouest du Soudan en guerre civile depuis 2003. Une procédure à laquelle l'UA s'était déjà opposée. Dès le 11 juillet, elle avait exprimé "sa forte conviction que la recherche de la justice [devait] être menée de manière à ne pas [...] compromettre les efforts visant à promouvoir une paix durable" sur le continent. Lors du sommet de l'UA, en Égypte, les chefs d'État et de gouvernement des 53 pays membres étaient apparus préoccupés par la question de la "compétence universelle", jugée "déstabilisante", et avaient demandé aux pays européens un "moratoire sur les procédures en cours". Au premier rang des protestataires figuraient le Rwandais Paul Kagame, dont neuf proches sont visés par des mandats d'arrêt émis en novembre 2006 par le juge français Jean-Louis Bruguière. Ce dernier a également réclamé des poursuites contre l'homme fort de Kigali pour sa "participation présumée" à l'attentat contre l'avion de l'ex-président rwandais Juvénal Habyarimana, le 6 avril 1994, qui avait précédé le déclenchement du génocide rwandais. Cette procédure a entraîné la rupture des relations diplomatiques entre Kigali et Paris. Le Rwanda a, depuis, subi l'ouverture d'un second front judiciaire avec l'émission en février par la justice espagnole de mandats d'arrêt contre 40 officiers de l'armée par le juge Fernando Andreu Merelles. Tous furent poursuivis pour "génocide, crime contre l'humanité et terrorisme" dans les années 90. Dans une résolution adoptée en Égypte, l'UA a tenté de mettre des limites à la "compétence universelle", pourtant inscrite dans son corpus de principes fondateurs. "L'abus du principe de compétence judiciaire universelle constitue un développement qui peut mettre en danger la loi internationale, l'ordre et la sécurité." L'UA revendique en fait implicitement le seul droit aux Africains de juger des régimes du continent. "La nature politique et l'abus de la compétence universelle par des juges issus d'États non africains contre des dirigeants africains, en particulier contre le Rwanda, constituent une violation claire de leur souveraineté et de leur intégrité territoriale." "Les mandats d'arrêt ne doivent pas être appliqués au sein des États membres de l'UA", ajoutait le bloc continental. Dans un rapport sur la question, l'UA rappelle aussi que la Cour internationale de justice (CIJ), dans une affaire opposant des juges français au président djiboutien Ismaël Omar Guelleh, a confirmé que "la citation des chefs d'État à comparaître dans les procédures devant les cours d'un autre État [devait] être soumise au consentement du chef d'État concerné". Dans une présentation à l'UA le 11 juillet, la procureure adjointe de la CPI, Fatou Bensouda, rappelait que la Cour ne visait que "des responsabilités individuelles sans stigmatiser une communauté". Mais l'UA veut garder la main. Elle a elle-même décidé la mise en place d'une cour africaine de justice et des droits de l'homme et a mandaté en 2006 le Sénégal pour juger l'ancien président tchadien Hissène Habré pour "crimes contre l'humanité". |