RFI, 15-12-2018 Le torchon brûle-t-il entre les présidents ougandais et burundais ? Fin novembre, le président burundais s'était absenté d'un sommet des chefs d'Etat de la Communauté des Etats d'Afrique de l'Est, l'EAC, prévu à Arusha, et qui devait se pencher notamment sur la crise au Burundi, en invoquant un deuil pour les héros nationaux du pays. [Photo : Les présidents burundais Pierre Nkurunziza (à g) et ougandais Yoweri Museveni (à d).]
Ce qui avait obligé ses pairs à l'ajourner faute de quorum. Mais Pierre Nkurunziza a joué cartes sur table quelques jours plus tard, le 4 décembre, dans une lettre adressée au président ougandais, Yoweri Museveni, président en exercice de l'EAC et médiateur dans la crise burundaise. Une correspondance qui lui a fait voir rouge. Exigence sans préalable d'un sommet spécial des chefs d'Etat consacré « au conflit ouvert » entre le Burundi et son « ennemi » rwandais, refus de toute ingérence des pays de la région dans les affaires internes d'un Burundi souverain, refus de discuter avec son opposition en exil qualifiée de putschiste, le président Nkurunziza avait mis cette fois les points sur les « i » dans cette lettre à Yoweri Museveni. Le retour de bâton ne s'est pas fait attendre. Le président ougandais lui a répondu vertement, une lettre peu diplomatique qui s'est retrouvée opportunément sur les réseaux sociaux, comme c'est le cas d'ailleurs pour tous leurs échanges épistolaires depuis plus d'un mois sans qu'on sache exactement d'où vient la fuite. Leçon sur la stratégie révolutionnaire Yoweri Museveni tance le chef de l'Etat burundais sur cinq pages, en revenant point par point sur son argumentaire. Nkurunziza ne veut plus de la médiation régionale ? Il lui rappelle que lui et son parti issu de l'ex-principale rébellion hutu du Burundi n'ont pas pris Bujumbura par les armes. « Vous êtes arrivés là grâce à un accord de paix arraché au pouvoir de l'époque par la médiation de l'EAC », souligne Museveni. Le refus de discuter avec ses opposants ? Balayé là aussi d'une main par l'ancien maquisard ougandais qui lui fait alors la leçon sur la stratégie révolutionnaire. Recourir à la violence dans une révolution, dit-il, c'est comme utiliser un couteau en chirurgie. « Si vous en faites mauvais usage, vous pouvez devenir un boucher au lieu de devenir un chirurgien. » « Le vieux sage semble avoir sifflé la fin de la récréation », se réjouit un diplomate, qui se demande si Bujumbura a compris qu'il était allé trop loin cette fois en humiliant les chefs d'Etat de la région.
|