La Libre Belgique, 23 septembre 2019 La Banque centrale du Burundi a décidé la semaine dernière de contrôler les activités de change, dans l’espoir de réduire la différence entre cours officiel et cours réel du franc burundais (FBu). Certains observateurs craignent cependant que cette mesure aggrave les choses en raréfiant les devises.
Le cours officiel est d’environ 1800 FBu pour un dollar, tandis que le billet vert atteint 2900 FBu sur le marché libre. Dans l’espoir de réduire cet écart, la Banque centrale, lors d’un point de presse tenu la semaine dernière, a expliqué que dorénavant, les hôtels perdaient leur qualité de changeur agréé; que les voyageurs devront déclarer les sommes en devises qu’ils détiennent en espèces quand elles dépassent 10.000 dollars (ou l’équivalent en euros) et 200.000 FBu; que les changeurs non agréés s’exposaient dorénavant à la confiscation des montants en leur possession; que le change sans pièce justificative ne peut désormais dépasser 500 dollars par jour et 3000 par mois (au lieu de 3000 dollars par jour jusqu’ici); que les importateurs ne pourront plus payer en espèces que des factures de 5000 dollars maximum (au lieu de 40.000 jusqu’ici) pour « limiter la circulation des espèces en devises ». Enfin, les bureaux de change sont obligés d’adhérer à une association professionnelle qu’ils doivent crééer; leur capital minimum passe du simple au double et ils sont tenus de se doter d’un logiciel de gestion. Gitega – la nouvelle capitale administrative du pays – tente ainsi de faire face à une crise économique croissante. Celle-ci a été déclenchée en 2015, à la suite des troubles politiques au Burundi dus à la volonté du président Pierre Nkurunziza, au pouvoir depuis 2005, de se présenter à un troisième mandat interdit par l’Accord de paix d’Arusha, qui mit fin à la guerre civile (1993-2005). Fin des aides financières bilatérales En raison de la violence de la répression des manifestation pacifiques qui protestaient contre cette violation, la communauté internationale – en particulier l’Union européenne, principal bailleur de fonds du Burundi – a gelé ses aides financières bilatérales. Alors que, selon l’Onu, la terreur se poursuit, il n’est pas question de les rétablir. A cela s’ajoute la fuite de près d’un demi-million d’habitants (sur 11 millions) en raison de la violence exercée par les autorités du parti présidentiel CNDD-FDD, par sa milice Imbonerakure, et par les forces de l’ordre, contre les opposants et ceux qui semblent trop tièdes envers le régime. Quelque 400.000 Burundais se retrouvent dans des camps de réfugiés dans les pays voisins, tandis qu’environ 80.000 personnes de la classe moyenne supérieure ont émigré dans les pays voisins et au Canada, entraînant une croissance économique négative de moins 2%. En 4 ans, l’inflation a atteint 30%, tandis que le chiffre d’affaires du commerce et de la téléphonie a chuté de moitié. Le pays doit faire face à une épidémie de malaria, à une autre de choléra et la malnutrition, en augmentation, est telle que l’on commence à enregistrer des décès par sous-nutrition. Le cours du FBu a chuté de 40% par rapport au dollar et à l’euro mais aussi par rapport aux monnaies des pays voisins; cela n’aide cependant pas le pays à exporter, faute de production. Il importe plus qu’il n’exporte. Vers des difficultés accrues Refusant de dévaluer officiellement le FBu, Gitega pense pouvoir combattre le différentiel entre cours officiel et réel en faisant preuve d’autorité. La recette, maintes fois tentée, donne toujours les mêmes résultats désastreux: les devises seront encore plus rares, donc encore plus chères, ce qui rendra les importations encore pklus coûteuses. Le régime du président Nkurunziza – qui se croit élu par Dieu pour diriger le Burundi – s’avance vers de plus en plus de difficultés pour acheter du carburant, des pièces de rechange, etc… Par Marie-France Cros. |