Reporters sans frontières, 12.02.20 Licenciement d’un journaliste de BBC Afrique : RSF dénonce une décision disproportionnée et dangereuse
Un journaliste de la BBC Afrique a été licencié, pour une interview sur le génocide rwandais qui n’aurait pas plu au gouvernement du Rwanda. Reporters sans frontières (RSF) dénonce une sanction disproportionnée qui va contribuer à intimider les journalistes travaillant sur ce sujet sensible, y compris en dehors du Rwanda.
Le journaliste congolais Jacques Matand Diyambi en service à BBC Afrique, à Dakar au Sénégal, a été licencié pour “faute grave”, suite à une interview réalisée en novembre 2019, avec l’écrivain franco-camerounais Charles Onana, qui venait de publier un livre sur le génocide rwandais : "Rwanda, la vérité sur l'opération Turquoise". Dans la lettre de licenciement consultée par RSF, la direction de la BBC Afrique explique avoir reçu une “plainte” du gouvernement rwandais résultant de la diffusion de cette interview. Ce dernier aurait accusé la radio internationale d’avoir été “injuste, biaisée et inexacte” et indiqué qu’il se réservait le droit de “prendre des sanctions” contre la BBC. Contacté par RSF, le secrétaire d’Etat au ministère rwandais des Affaires étrangères, Olivier Nduhungirehe a déclaré que Kigali ‘’ne s’est jamais formellement plaint” de cette interview auprès de la BBC. “C’est un problème interne du groupe de presse britannique’’ a-t-il ajouté. Interrogé sur le contenu et l’existence de cette plainte, le service de presse de la BBC a répondu à RSF qu’il “ne commentait pas les questions liées à son personnel” et indiqué que tous ses journalistes devaient “se conformer au respect des standards éditoriaux rigoureux de la chaîne”. ‘’Cette décision est à la fois regrettable et disproportionnée, estime le directeur du bureau Afrique de l’ouest de RSF,Assane Diagne. Si la BBC estime que son journaliste a manqué à son devoir d’équilibre, il y avait bien d’autres façons de pouvoir lui signifier ou de faire entendre d’autres voix sans prendre une sanction aussi lourde.” “Il est étonnant et dangereux qu’un média international réputé pour son indépendance cède aussi facilement aux pressions qu’auraient exercées le gouvernement rwandais, et ce d’autant plus que la BBC a elle même été victime de la censure à grande échelle de la part des autorités rwandaises contre celles et ceux qui s’écartent du discours officiel, estime pour sa part le responsable du bureau Afrique de RSF, Arnaud Froger. Cette décision contribue à terroriser les journalistes qui travaillent sur ce sujet sensible. Elle traduit aussi une dangereuse exportation de la politique de répression et d'intimidation contre le journalisme indépendant menée par les autorités rwandaises”. Le licenciement a suscité une vague d’indignations. Au Sénégal, le Syndicat des professionnels de l’information et de la communication sociale (SYNPICS) dont Jacques Matand dirige la section BBC est monté au créneau pour dénoncer ‘’une fuite en avant de la rédactrice en chef, qui n’assume pas son rôle, de premier responsable de la diffusion de tout sujet ». En République démocratique du Congo, pays d’origine du journaliste, le président de l’Union nationale de la presse du Congo (UNPC), Boucard Kasonga Tshilunde, a menacé d’inviter ‘’tous les Congolais à ne plus suivre’’ la BBC et les médias qui prennent le relais de ne plus le faire’’. Les très populaires programmes de la BBC en kinyarwanda sont suspendus depuis 2014 au Rwanda à la suite de la diffusion d’un documentaire sur le génocide de 1994 qualifié de “négationniste” par les autorités rwandaise. L'enquête du média britannique soulevait notamment la thèse controversée d’une possible implication du président Paul Kagamé dans l’assassinat de son prédécesseur Juvénal Habyarimana, événement ayant déclenché le génocide qui a fait plus de 800 000 morts dans le pays. Le Rwanda occupe la 155e place sur 180 au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF.
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