La Libre Belgique, 26 juin 2020 Burundi : Avec le président Ndayishimiye, les militaires sont sur le devant de la scène Analyse par Marie-France Cros Alors qu’on enterre ce vendredi, lors de funérailles nationales, le président sortant Pierre Nkurunziza, décédé le 8 juin, les premiers actes posés par son successeur, le général major Evariste Ndayishimiye, indiquent que contrairement à ce que voulaient croire beaucoup de capitales amies, il n’y a pas d’alternance. Le nouveau chef de l’État se situe dans la droite ligne de son prédécesseur.
Ainsi, bien que tout indique que le défunt ait succombé au coronavirus – auquel son épouse a survécu, après avoir été aux soins intensifs au Kenya -, épidémie dont Pierre Nkurunziza niait qu’elle fut présente au Burundi, son successeur a procédé à diverses cérémonies officielles sans que personne ne porte le masque ou observe la distanciation de sécurité. Les séances de prière organisées par le couple Nkurunziza et la campagne électorale de mai ont contribué à répandre la pandémie dans le pays ; les funérailles nationales – ou personne n’osera se présenter avec masque, ce qui serait vu comme une trahison du défunt – feront de même. Politiquement, la ligne reste aussi la même que sous Pierre Nkurunziza, bien qu’elle ait conduit le Burundi au désastre. Euthanasie, homsexualité et zoophilie Ainsi, dans son discours d’investiture, le nouveau Président s’est engagé à poursuivre l’ « œuvre de grande qualité” de feu le “guide suprême”. Ce dernier a laissé “un pays florissant, un pays paisible”, a-t-il assuré bien que le niveau de vie des Burundais, déjà très bas en raison de la guerre civile (notamment), a encore nettement baissé depuis l’arrivée au pouvoir de Pierre Nkurunziza en 2005. Et bien que le pays vive depuis 2015 dans la terreur imposée par la milice du parti au pouvoir, le CNDD-FDD. Le nouveau Président a assuré, à l’adresse des Occidentaux, qu’il ne fallait plus “faire pression pour les droits de l’Homme » alors que chez eux “on tue les enfants dans les écoles” (allusion aux tueries de masse aux États-Unis), “on pratique l’homosexualité, la zoophilie (sic), l’avortement et l’euthanasie”. Comme son prédécesseur, il a accusé les opposants d’être des marionnettes des Occidentaux. Et comme son prédécesseur, le président Ndayishimiye compte sur l’aide de Dieu pour faire du Burundi un État-providence. Nominations de “faucons” L’orientation donnée par les premières nominations est encore plus claire. Le nouveau Président a ainsi choisi (ou s’est vu imposer) pour Premier ministre – poste créé par la nouvelle Constitution – le général Alain Guillaume Bunyoni, ancien directeur de la police et ex-ministre de la Sécurité. Considéré comme le plus violent et le plus corrompu des “faucons” du régime CNDD-FDD, il fait partie de la dizaine de personnalités burundaises contre lesquelles la Cour pénale internationale (CPI) a ouvert une enquête pour soupçons de crimes contre l’humanité en raison de la terrible répression qui s’est abattue sur le pays depuis 2015. Bunyoni est une forte personnalité, à laquelle le président Ndayishimiye, jugé malléable et peu travailleur, a peu de chance de pouvoir s’imposer, à supposer qu’il le veuille. Ndayishimiye conserve en outre, comme chef du cabinet civil du chef de l’État, le lieutenant général Gabriel Nizigama. Ce dernier, comme Bunyoni, fait partie du “groupe des généraux” qui, depuis Nkurunziza, dirige en réalité le Burundi. Sous le nouveau Président, ce groupe se porte sur le devant de la scène, affirmant le caractère militaire du régime là où Nkurunziza préférait balancer entre royaume et théocratie. Cela montre l’incertitude dans laquelle est plongé le régime CNDD-FDD. Les élections générales du 20 mai ont en effet été notoirement frauduleuses (la Commission électorale a même dû retirer ses résultats officiels, tant ils apparaissaient fantaisistes) et aucune fête de la victoire n’a été organisée par le parti, ni officiellement, ni dans les cafés qui lui sont acquis.
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