EDITORIAL Par La Rédaction - Ijambo – Les quatre vérités, N° - Octobre 2002 Ce siècle, le 1er pour les civilisations du futur, a déjà deux ans. Et il eut un certain 11 septembre, célèbre s’il en est. Jour d’infamie. Il y eut beaucoup de morts et des familles endeuillées dont le destin a basculé depuis lors. Un an déjà. Et la terre en tremble encore. Cela se passe dans la cour de l’Histoire des Grands...
Au siècle précédent, le 20e pour tous ceux qui sont nés après Jésus-Christ, et on ne sait le quantième depuis que le Burundi existe, alors que le calendrier affichait déjà 1993 ans, il eut un certain 21 octobre, sinistre s’il en est. Il y eut un homme nommé NDADAYE. Lâchement assassiné par… shuuut ! Il y eut des morts et des exilés par centaines de milliers. Jour d’hécatombe, une de plus pour le pays. Cela se passe dans la cour de l’histoire des petits ! Neuf ans seulement ; et le monde a déjà oublié. A y regarder de près, le cours des événements au Burundi, rythmé par autre chose que l’intérêt du peuple à jouir pleinement de ses droits, surtout le droit à la vie, tend à renverser la logique des choses et criminaliser les légitimes revendications des victimes. Comportement suicidaire d’un peuple burundais enclin à l’autodestruction ou faillite et complot d’une communauté internationale en manque de solidarité ? La Fontaine n’a jamais si bien dit que « selon que vous serez puissants ou misérables, les jugements de la cour vous rendront… blanc ou noir »! La confusion et l’amalgame ambiants, savamment nourris et entretenus par ceux dont ils servent les intérêts, s’acharnent à réduire la tragédie en cours au Burundi à un antagonisme ontologique où s’affrontent une certaine engeance de Hutu, génétiquement méchants et criminels, et des Tutsi, plus aimables mais menacés parce que minoritaires dans un océan de Hutu hostiles. Recourant à de telles déformations des réalités, un rapport, très officiel, s’il en est, puisqu’il fut commandé par le très auguste gouvernement des Nations, en arriva à condamner, globalement, cette catégorie, les Hutu, comme initiateurs des événements meurtriers d’octobre 1993. La relation des faits du 21 octobre 1993 au Burundi, dans leurs moindres détails, a déjà eu lieu par ailleurs. Et personne ne peut aujourd’hui se prévaloir du droit à l’ignorance. Nul n’est sans savoir que le Président Melchior NDADAYE, premier Président démocratiquement élu du Burundi, a été lâchement assassiné par l’armée gouvernementale du Burundi que commande aujourd’hui le major BUYOYA. Ce que le monde feint d’ignorer, c’est que les formations dites « hutu » tant méprisées et vilipendées (FDD, CNDD, FNL, …) n’existaient guère la nuit du 21 octobre 1993, et pas davantage en 1963, 1965, 1968, 1972, 1988, 1991, années fatidiques où furent commis des pogromes innommables que les rapports WHITACKER et autres enquêtes ont qualifiés de génocide. C’est là des faits têtus que l’on ne peut gommer au bénéfice des combines mafieuses politiciennes, mais qui traversent le temps envers et contre tout, n’en déplaise aux trafiquants du fait historique. Et la lecture partisane, parcellaire et malhonnête qui, n’ayant cure de la poutre encombrant son œil, ne voit que la paille se trouvant dans celui du voisin, en rajoute à la tragédie et renvoie à la parousie l’avènement de l’ère de la paix. Osons regarder l’Histoire en face. La même confusion malicieusement orchestrée au profit de l’oligarchie burundaise -car c’est en ces termes politiques que se pose le problème central- tend à nous faire oublier que BUYOYA est un major, membre, en ce temps, du comité central de l’UPRONA, mais surtout du Comité militaire pour le salut national qui le porta au pouvoir, armes au poing, un certain 3 septembre 1987. Non contente du camouflet cinglant que le peuple burundais (toutes ethnies confondues) infligea à l’UPRONA aux élections de juin 1993, cette même armée de BUYOYA, bras armé de l’ex-parti unique, commit l’ignoble infamie. Le coup d’Etat fut exécuté constitution à la main, écrira un politologue spécialiste de la région, puisqu’en plus du Président de la République, Melchior NDADAYE, le Président et le Vice-président de l’Assemblée nationale ne furent pas épargnés. Ainsi la République fut décapitée. D’aucuns se sont ingéniés à ne présenter que la dimension ethnique du problème burundais afin de refuser d’y reconnaître des mobiles purement politiques visant le maintien au pouvoir de l’oligarchie. Soit. Mais alors, si NDADAYE avait été assassiné par des militaires tutsi sous le seul tort d’être d’origine hutu, est-il vrai que la même logique justifie l’assassinat de Gilles BIMAZUBUTE (Tutsi), Vice-président de l’Assemblée ? Que n’aura-t-on pas fait pour instrumentaliser la corde sensible ethnique et pour clamer au péril de la minorité numérique, qui n’a de minorité que le nom puisqu’elle monopolise le pouvoir, tout le pouvoir, entre quelques mains qui ne représentent même pas les Tutsi dans leur ensemble. Et si BUYOYA n’a pas directement revendiqué le coup d’Etat, il est à tout le moins curieux de constater son silence, mais surtout de le voir revenir en putschiste trois petites années plus tard et recevoir l’approbation du monde. Et pour cause. Sinon qui pouvait mieux assurer l’impunité des fauteurs en eau trouble de 1993 ? Comprendre cet aspect des choses, c’est toucher du doigt la véritable raison du refus systématique dans le chef de l’armée de l’oligarchie burundaise de céder du terrain. Les simulacres de procès orchestrés par le régime et la justice mono-ethnique du major putschiste récidiviste, à grand renfort médiatique, pour se faire accréditer aux yeux du monde qui l’a banni, la traduction en justice, en 1997, de 53 officiers accusés d’avoir trempé dans l’assassinat du Président NDADAYE, tout comme les 38 condamnations à mort et 19 sentences à perpétuité des mois de février à août 1997, ajoutés aux 54 sentences à perpétuité et 133 condamnations à mort précédentes doivent être frappées de nullité. Si la peine de mort est déjà une infamie en soi, digne d’un autre âge, n’est-il pas simplement scandaleux qu’un régime illégal et illégitime, doublé d’une justice partiale et mono-ethnique s’érige en autorité pouvant distribuer la mort ? Et les assassins de NDADAYE peuvent continuer de couler des jours heureux, et le peuple burundais de courber l’échine, puisque tous ces faits sont aujourd’hui versés dans la corbeille de la confusion, pour faire oublier l’idéal démocratique qui était celui de NDADAYE et ses compagnons. Et le monde sera coupable de non-assistance à peuple en danger. S’il est vrai que ‘légitimes revendications’ n’est pas synonyme de ‘revanche sur l’histoire’, (sinon la traite négrière et la colonisation se paieraient cher !), les démocraties du monde, pompeusement dit civilisé, pourront-elles longtemps se contenter de laisser écraser la majorité par la minorité sous prétexte qu’il faut assurer la sécurité de cette minorité ? On peut le craindre quand on lit sous la plume d’universitaires « civilisés », de surcroît dits spécialistes que « il serait temps que nos spécialistes ‘africanistes’ (sic) de salon et que les vendeurs de charité comprennent enfin que les peuples africains dont les femmes ont le ventre le plus fécond ne sont pas forcément les plus doués pour commander, pour diriger, pour administrer » (dixit B. LUGAN, 1995 :12, un universitaire français défenseur de la thèse de la recolonisation de l’Afrique et du règne des minorités). Les assassins de NDADAYE ont donc des souteneurs et des mentors idéologiques. Et l’on se croirait revenu à l’époque de GOBINEAU, et des tenants des théories de races supérieures devant des discours aussi révoltants que criminels du style « Peu à peu les peuples jadis dominants et dont l’orgueil est d’être précisément des minorités obéies par la majorité, grâce à leurs ‘vertus’ guerrières ou ‘raciales’, relèvent la tête. Là est d’ailleurs l’espoir de l’Afrique. Il nous interdit de désespérer de ce continent ». (idem, p.11). « Démocrates du monde entier, unissez-vous contre la tyrannie », serait-on tenté de crier, un peu comme le cri aujourd’hui planétaire contre le terrorisme, réel ou supposé. Et Herman COHEN de nous rassurer en prônant la Majority rule: « Majority rule whith entrenched minority power sharing » (…) I believe the 1993 elections in Burundi, which brought FRODEBU to power, were on the right track….” (Au Sénat américain, le 5 avril 1995). Un homme-une voix, la règle de la majorité, principes chers aux démocraties du monde entier auront-ils droit de cité au Burundi ? La suite des événements survenus au Burundi, ainsi que les demi-solutions préconisées ça et là, au regard surtout du rôle joué par les acteurs occultes, risquent de nous faire affirmer le contraire. Alors le même LUGAN aura fait des petits, lui qui déclare mordicus que la charité, la justice, les droits de l’homme sont des notions bien insolites, exotiques et même traumatisantes en Afrique (idem). En effet, qui s’indigne aujourd’hui du gouvernement autoproclamé régnant en maître sur le Rwanda ? Quelle dimension démocratique a-t-il ? Qui se souvient encore que MUSEVENI est un seigneur de guerre hissé au pouvoir par les armes en 1986 ? Au Burundi, certains ont bien compris la leçon. NDADAYE est mort. Et plusieurs centaines de milliers d’innocents avant et après lui. Mais tout fonctionne sans le moindre souci d’une telle hécatombe. La course effrénée au partage du pouvoir, ou plutôt à la confiscation de celui-ci, a vite fait oublier les mots prononcés par le médiateur dans le conflit burundais lui-même, l’ex-Président Nelson MANDELA, lui qui disait un jour de février 2000 que « L’un des sujets les plus critiques, c’est qu’une minorité de 15% de la population puisse continuer à monopoliser le pouvoir politique, économique et militaire. Aussi longtemps que perdurera cette situation, on ne pourra pas parvenir à la paix et à la stabilité ». Mais le monde ferme l’œil et préfère s’adonner à d’autres combines qui laissent l’amer constat que l’intérêt du peuple burundais est hors sujet. En 2000, au lieu de pousser les négociateurs burundais à mettre sur la table des négociations d’Arusha les questions clés concernant la sécurité pour tous, la médiation, les chefs d’Etat de la région, dont on sait que l’Initiative de paix pour le Burundi est présidée par Yoweri MUSEVENI, ont préféré, contre toute attente, imposer les leaders de la transition. Le résultat bien connu est que le gouvernement mis en place le 1er novembre 2001 est un trompe-l’œil, alors que la réalité du pouvoir véritable est ailleurs, c’est-à-dire dans les mains du Comité militaire pour le salut national, présidé par BUYOYA ! C’est sans doute ce qui fait tiquer certains des opposants armés au régime (appelés « rebelles », le terme « résistants » étant une marque déposée et réservée à d’autres temps et d’autres peuples), en exigeant du fameux gouvernement de transition d’assumer la réalité du pouvoir, donc d’endosser les coups bas et autres massacres perpétrés par l’Armée-Etat, en ce compris l’assassinat du Président NDADAYE. Et nous n’en sommes pas au bout de nos peines, car le sommet des mêmes chefs d’Etat de la région annoncé pour le 7 octobre 2002, pourrait bien écouter le chant des sirènes dans l’air du temps et déclarer persona non grata toutes les rébellions dites hutu. Les accords de Lusaka entre la RDC et le Rwanda en ont auguré la tendance en les rangeant parmi les forces dites « négatives ». Et exit le Burundi et les revendications on ne peut plus légitimes de la partie de sa population exclue des affaires de l’Etat depuis des lustres, et vive la République du Kilimandjaro ! Triste sort d’un peuple victime d’un flagrant deux poids deux mesures. Qu’on se souvienne. En 1990, le monde entier a soutenu à bout de bras, sauf quelques illuminés encore défenseurs du droit, de la justice et de la vérité, l’invasion du Rwanda par le FPR, sous le seul prétexte que les réfugiés ont, et c’est vrai, le droit de rentrer chez eux. Aujourd’hui, les mêmes défenseurs de l’universalité des droits humains, ont oublié que des Hutu peuvent aussi être des réfugiés ayant le même droit qu’ils ont reconnu à des Tutsi de rentrer chez eux, d’y jouir des droits inaliénables dans la dignité, et pas nécessairement l’arme au poing. En 1997, dans son rapport (E/CN.4/1997/12) sur la situation des droits de l’homme au Burundi, Monsieur P.S. PINHEIRO, rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme de l’ONU, concluait en disant « qu’il semblait peu probable que puisse s’instaurer au Burundi un gouvernement représentatif, démocratique et respectueux du droit aussi longtemps que manquerait une approche régionale de la situation dans les pays avoisinants ». Aujourd’hui, c’est chose faite, l’approche a eu lieu, mais en défaveur de la démocratie. Car, les dictatures minoritaires imposées par les armes au Burundi, au Rwanda et en Ouganda sont autre chose, loin s’en faut, que des gages de démocratie. Et force est de constater que tout est fait pour que le Burundi ne devienne pas un îlot démocratique au milieu d’une jungle grand lacustre où c’est la loi du plus fort qui domine. Si des voix s’avisent de déclarer que « les crimes contre l’humanité commis en 1994 par le Front Patriotique Rwandais, aujourd’hui au pouvoir à Kigali, doivent être également jugés » (propos de LAITY MAMA, Président du TPIR, rapportés par Le Temps, 18/09/1998), l’on peut attendre tout, sauf que la junte burundaise laisse approcher l’heure de son jugement. Avec eux seraient aussi jugés les chercheurs d’or et autres colombo-tentalite (les "chers, très diamants belgo-africains", comme les a nommés un universitaire belge, J.Cl. WILLAME dans un article célèbre) qui ne sont sûrement pas tout à fait étrangers dans les massacres génocidaires de Goma, Bukavu, Uvira, Tingi Tingi, Kalima, Mbandaka… Massacres que le monde entier peut oublier si rapidement, mais qui hanteront toujours la mémoire des rescapés de ces pogromes sans nom, dont les victimes sont n fois celles du 11 septembre (n étant suffisamment grand). Peu importe que l’ONU n’ait reconnu qu’au moins 200.000 morts, ils n’en sont pas moins morts ! Et honnis soient les Hutu, du Burundi et du Rwanda, tous malencontreusement foulés dans un ensemble portant nom Interahamwe-Ex-FAR-génocidaires pour glorifier un certain Tutsi International Power, en fermant l’œil sur ses exactions! Exactions qui n’épargnent personne, en réalité ; tout opposant au système hégémonique, soit-il Tutsi, est relégué au rang de gibier. Coupable par inaction. Pareille situation n’est ni plus ni moins synonyme de la faillite de l’ONU en tant que puissance régulatrice du monde, par inaction et passivité, car les Etats membres, eux, n’ont que des intérêts. Le cas du Burundi prouve à suffisance que le fossé est grand entre les intentions idéologiques de l’ONU et de la communauté internationale et les coupes sombres que commande la réalité des intérêts individuels des Etats, ainsi que des groupes et lobbies de la finance mondiale ! Alors, il y a lieu de s’interroger sur la capacité de l’ONU, en tant que gouvernement mondial, à traduire dans les faits, objectivement et efficacement, sa raison d’être et son vouloir-faire, surtout face à la seule super puissance mondiale devenue telle après la fin de la guerre froide. Et pour preuve. Après le coup d’Etat de 1993 qui a emporté le Président NDADAYE et plusieurs dizaines de milliers de Burundais, aucun pays du monde, aucune puissance, seule ou sous le couvert de l’ONU, n’étaient-ils capables de rétablir l’ordre au Burundi ? Si c’est possible en Haïti, ça doit l’être mêmement au Burundi ! Même le contingent de 35 observateurs des droits de l’homme prévu initialement brillera par son absence, faute de ressources, nous a-t-on dit aux Nations Unies (cf. rapport du SG UN, 1997). Sont restées quasiment lettres mortes la multiplication des déclarations de bonnes intentions et les résolutions du Conseil de Sécurité de l’ONU au sujet du Burundi. Et comment en aurait-il été autrement quand tout le monde sait que les pays membres, surtout les permanents disposant du droit de veto, sont souvent protecteurs plus de leurs intérêts que de ceux des peuples concernés? Seules quelques mesures timides aussi inefficaces que coûteuses ont été tentées. Quelle évaluation peut-on aujourd’hui établir sur le rôle joué par M. Ahmadou OULD ABDALLAH, en sa qualité de Représentant spécial du Secrétaire des Nations Unies au Burundi depuis sa nomination le 19 novembre 1993, mais surtout depuis son arrivée au Burundi le 25 du même mois ? Il n’y a pas de quoi se pavaner si l’on se souvient qu’il avait pour mandat de « favoriser le dialogue entre les partenaires politiques ; restaurer les institutions démocratiques renversées par la tentative de coup d’Etat, entamer une enquête sur les faits liés aux événements d’octobre et enfin, coopérer avec la mission de l’OUA au Burundi » (cf. Rapport du Secrétaire général, Commission des Droits de l’Homme des Nations Unies, 51e session). Si la Convention de gouvernement, dont on connaît l’inefficacité, fut son œuvre, notre Représentant spécial peut-il aussi mettre à son actif l’organisation des escadrons de la morts « sans échec » et leurs ignominieux forfaits à l’endroit des Hutu, et les nombreuses villes mortes qui ont fait sombrer le Burundi dans la nuit depuis son arrivée? Et les fameux observateurs militaires de l’OUA (encore ainsi nommée alors) ? Et l’enquête impartiale qui fut conduite pendant que ledit Représentant spécial trônait à Bujumbura, et qui, jusqu’aujourd’hui, conforte un certain extrémisme dit tutsi sous toute son expression ? Parlant d’enquête, si celle effectuée sur les faits liés au coup d’Etat d’octobre1993 laisse à désirer, l’on attend toujours, 8 ans après, que l’ONU daigne nommer une commission d’enquête judiciaire en bonne et due forme sur l’attentat contre l’avion des Présidents Juvénal HABYARIMANA du Rwanda et Cyprien NTARYAMIRA du Burundi au-dessus de Kigali, le 6 avril 1994, puisqu’il s’agit de chefs d’Etats de pays membres des Nations Unies. Mais la loi du plus fort étant toujours la meilleure, il est fort à parier qu’en l’état actuel des choses, les assassins de M. NDADAYE, de C. NTARYAMIRA et de L.D. KABILA continueront à courir. Et ceux qui en savent un peu trop, comme l’auteur du propos « Explosive leak on Rwanda genocide, Informants told UN investigators they were on squad that killed Rwanda’s president –and foreign government helped » (National ¨Post, 1 mars 2000) pourraient être amenés à la boucler … pour respecter le silence des grands, occupés à… ! Même les assassinats de membres de son personnel ou des ONGs et autres organisations internationales n’ont pas fait l’objet d’une attention soutenue de l’ONU, puisque, à ce jour, l’on ne sait toujours pas qui a tué les trois membres du CICR au Burundi en juin 1996, et bien d’autres. Jeux d’influences géostratégiques, recherches d’intérêts financiers, ou réelle volonté d’agir mal canalisée, c’est selon. La communauté internationale est surtout coupable par actions inappropriées, voire nuisibles. L’absence d’approches synergiques dans le chef des différents intervenants bi- ou multilatéraux est déjà une nuisance. La reconnaissance, par l’ONU et les Etats (la France et le Vatican en tête), du régime issu de la Convention de gouvernement (1994), ainsi que « le partenariat intérieur » (cf. Résolution S/RES/1286 du Conseil de Sécurité), en lieu et place du retour à la légalité constitutionnelle et institutionnelle, que les coups d’Etat de 1993 et 1996 ont ébranlé, est une erreur coupable. De même, la reconnaissance des autorités burundaises de fait après le putsch du 25 juillet 1996. Les ardents défenseurs des droits de l’homme qui se sont indignés, à juste titre, de l’existence des chambres à gaz et des camps de concentration nazi se sont apparemment très aisément accommodés de l’existence des mêmes camps de concentration, véritables mouroirs, au Burundi (ils existent encore aujourd’hui!), et que le Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits de l’homme, M. P.S. PINHEIRO fustigeait en 1997 comme stratégie militaire désuète de « villagéisation » forcée. Des PINOCHET et autres MILOSEVIC, des sanguinaires qui ont des milliers de vies humaines sur la conscience, le Burundi en est plein, l’Afrique centrale en regorge. Mais l’Humanité s’en accommode. Cependant, le monde, ce « grand machin » que l’on nomme communauté internationale n’a pas brillé seulement par inaction et passivité, si ce n’est des actes manqués depuis l’assassinat du Président NDADAYE. Où en est le rapport GERSONY jamais publié sur les massacres commis au Nord du Rwanda, sur des Rwandais et des Burundais ? Rangé sans doute dans le même tiroir que le rapport WHITACKER qui parle du génocide de 1972 contre les Hutu du Burundi. Et pour cause. Bien des effets induits par les guerres en Afrique centrale ne sont plus à démontrer. Personne ne se scandalise de la présence de deux mille militaires américains au Rwanda évoquée en son temps, sinon on comprendrait très mal comment l’Ouganda, le Rwanda et le Burundi auraient trouvé facilement les pilotes des hélicoptères de combats et autres MIG sud africains. De même le branle-bas de combat de puissants groupes financiers transnationaux qui ont financé toutes ces guerres. Et l’on sait que sans disposer du moindre carat dans leur sous-sol, Kigali aujourd’hui et Bujumbura, en son temps, sont des comptoirs inégalés de vente et fournissent, à Anvers notamment, des tonnes de minerais précieux. Pourtant, la France en tête, les pays et bien des organismes financiers, FMI et Banque mondiale, se hâtent pour décaisser les millions de dollars avant le retour de la paix. Ce faisant, ils aident le Burundi à s’enfoncer dans le processus de l’autodestruction et garantissent l’impunité à ses fossoyeurs. Ils bafouent le principe cher à l’esprit de LA BAULE, qui n’aura vécu que l’espace d’un matin, celui de la liaison de l’aide aux progrès démocratiques. Tous les textes de toutes les résolutions de l’ONU ou de l’Union Européenne soulignent cependant que le respect des conventions internationales, la stricte observance des droits de l’homme, l’instauration d’institutions démocratiques sont une condition préalable à la coopération au développement. Bien faire mémoire du Président NDADAYE, c’est œuvrer pour son idéal de démocratie et de justice pour tous au Burundi. Et imposer autre chose en lieu et place de négociation d’un véritable cessez-le-feu et d’une paix durable, c’est laisser penser qu’en soumissionnaires, les pays de la région, sous couvert de l’Initiative de paix pour le Burundi, décident à la place des Burundais. En l’occurrence, l’échec patent de parvenir à un cessez-le-feu négocié amène certains analystes à penser que le prochain sommet desdits pays de la région, dont il est dit qu’il est le dernier du genre, pourrait préconiser des sanctions à l’endroit des « groupes armés ». Ce leitmotiv est dans l’air depuis une certaine période ; c’est aussi ce qu’a exprimé BUYOYA lui-même devant le Conseil de sécurité, menace à peine voilée, que « si la voie diplomatique ne parvenait pas à convaincre les rebelles à renoncer à la violence, d’autres moyens devraient être mis en œuvre selon l’ONU». Dans le prolongement des actes ignobles commencés le 21 octobre 1993, l’oligarchie et ses mentors ne rêvent que de ce scénario catastrophe qui couperait l’herbe sous les pieds de ceux qui menacent les privilèges séculaires. Ce serait le pire service à rendre au Burundi que de bannir les revendications légitimes exprimées par ceux qui ont pris les armes contre l’armée en rébellion. Il est déjà malheureux d’accréditer, dans le chef des Nations Unies, que seuls les « rebelles » auraient le monopole de la violence au Burundi. Le dernier pogrome d’Itaba, le nième de la série depuis des lustres, vient de convaincre les incrédules et autres gens de mauvaise foi. Même l’ONU a condamné et exigé une enquête. Gageons là dessus puisque elle reste saisie de la question burundaise. Mais pour qu’il n’y ait plus jamais ça, il faut changer ce qu’il faut changer au Burundi, les corps de défense et de sécurité, responsables… aussi… de l’assassinat du Président NDADAYE. Voici déjà neuf ans. That’s the solution!
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