@rib News, 04/03/2023 - Source Reuters En quatre jours d’une intense tournée en Afrique centrale cette semaine, Emmanuel Macron s’est efforcé d’illustrer le “partenariat renouvelé” mâtiné d’humilité et de respect appelé de ses voeux sur un “continent d’avenir” avec lequel la France partage une “histoire plurielle”. A Libreville, Luanda, Brazzaville et Kinshasa, où il ne s’était jamais rendu en tant que président, le chef de l’Etat a oeuvré à redorer le blason d’une France en perte de vitesse au profit de puissances comme la Chine, l’Inde et la Russie.
“L’Afrique est un théâtre de compétitions. Il faut qu’elle se fassent dans un cadre loyal”, a-t-il rappelé samedi à Kinshasa. “Nous avons notre place à jouer, ni plus ni moins.” Après les retraits des troupes françaises au Mali et au Burkina Faso, à l’heure où un malaise anti-français gagne du terrain, encouragé par les réseaux sociaux sur fond de guerre en Ukraine, le président a martelé des messages en réponse aux incompréhensions. Lors d’un aparté avec la presse à l’institut français de Kinshasa, dernière étape de son voyage, Emmanuel Macron a estimé que la lutte contre ce sentiment hostile à la France ne se ferait “pas en un coup”. “Moi je vois depuis cinq ans tout le travail qu’on a fait. Et on a quand même changé la donne dans beaucoup de pays sur beaucoup de sujets”, a-t-il dit. Lundi à l’Elysée, le président avait jeté les bases de sa nouvelle stratégie africaine, annonçant que les bases militaires françaises serait désormais co-gérées avec les pays où elles se situent. “Pour moi l’objectif est rempli, c’est de pouvoir commencer à déployer la feuille de route qu’on a expliqué lundi”, a-t-il dit samedi soir à Kinshasa, au terme de quatre jours de périple. Au Gabon, ancienne colonie francophone nouvellement entrée dans le Commonwealth, Emmanuel Macron a parlé climat, défense des forêts tropicales et proclamé la fin de la “Françafrique”, un mot qu’il évitait jusqu’ici de prononcer. “Au Gabon comme ailleurs la France est un interlocuteur neutre qui parle à tout le monde”, a-t-il dit à la résidence de France en réponse aux attaques de l’opposition le soupçonnant de venir encourager la réélection du président Ali Bongo. Deux jours plus tard à Kinshasa, Félix Tshisekedi l’encourageait sur la voie d’une nouvelle ère. “J’estime que la Françafrique est dépassée”, a dit le dirigeant dont le pays fut autrefois sous administration belge. “NOS ACCORDS ET NOS DÉSACCORDS” A Luanda, capitale d’un pays lusophone de 34 millions d’habitants, l’agenda était économique avec le lancement d’un partenariat franco-angolais en matière d’agriculture et d’agroalimentaire et la vente d’un satellite pour près de 200 millions d’euros. En coulisses, les pourparlers ont aussi porté sur l’Est de la République démocratique du Congo, région meurtrie où un nouveau plan de paix tente d’être mis en oeuvre sous la houlette du président angolais Joao Lourenço. Le sujet était au coeur des discussions de samedi à Kinshasa, d’où Emmanuel Macron a téléphoné au président rwandais Paul Kagamé avant d’apporter, en conférence de presse aux côtés de Félix Tskisekedi, son soutien au plan de paix assorti de sanctions contre ceux qui ne le respecteraient pas. Entretemps, l’étape de quelques heures à Brazzaville, vendredi, a donné lieu à des images semblant appartenir au passé, montrant Emmanuel Macron reçu en grandes pompes par le président Denis Sassou N’Guesso, au pouvoir depuis 1997. Sur cet épisode aussi, Emmanuel Macron s’est expliqué dès le lendemain de l’autre côté du fleuve Congo. “Si on se met dans une situation qui consiste à dire ‘partout où il y a des dirigeants qui ne sont pas élus aux meilleurs standards démocratiques que ceux qui nous plaisent, qui sont là depuis trop longtemps, il n’y a plus de déploiement de la France ou de partenariat’, vous serez les premiers à dire le lendemain qu’il n’y a plus de politique de la France en Afrique du tout”, a-t-il dit devant la presse à Kinshasa. “On fait avec les dirigeants qui sont là avec respect, en constatant nos accords et nos désaccords, en disant ce qui va et ce qui ne va pas quand ça ne va pas, ce que j’ai fait hier”. Pour Pauline Bax, spécialiste de l’Afrique à l’International Crisis Group, cette tournée présidentielle aux accents multiples visait d’abord à “répondre à la vague de sentiment anti-français au Sahel”. “Que cela plaise ou non, l’Afrique va rester importante pour la France. Elle ne va pas se retirer de ce continent”, a-t-elle ajouté lors d’un entretien avec Reuters. “Il y a un changement de ton”. Reportage Elizabeth Pineau avec la contribution de Sonia Rolley à Paris, édité par Kate Entringer |